Huda Sharawi (1879-1947), μια Αιγυπτία που πάλεψε για τα δικαιώματα της γυναίκας, της Αιγύπτου, των Αράβων.
Par Margot Lefèvre
Publié le 09/11/2020 • modifié le 18/11/2020 • Durée de lecture : 8 minutes
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L’Egyptienne Huda Sharawi a œuvré pour les droits des femmes dans son pays et s’est investie dans la libération nationale de l’Égypte. En liant ces deux causes, Huda Sharawi a eu une influence sur l’évolution du féminisme en Égypte et plus généralement au Proche-Orient. Cet article, qui revient sur son parcours et sur son investissement politique, a été rédigé principalement à partir des travaux de Sonia Dayan-Herzbrun, philosophe et sociologue.
« Les années Harem » [1]
Dans son mémoire publié en 1987, Harem Years :
The Memoirs of an Egyptian Feminist [2], Huda Sharawi
relate son enfance et sa vie de jeune adulte au sein d’une famille égyptienne
aisée. Elle est née en 1879 à Minya, au sud du Caire en Haute-Égypte. Son père,
Muhammad Sultan Basha, homme politique et propriétaire-foncier [3],
devient président de la chambre des députés après avoir été chef de
village ; sa mère prénommée Iqbal, quant à elle, est une esclave de
Circassie [4].
Huda grandit dans un harem dirigé par sa mère. Les harems ont été introduits en
Égypte sous la dynastie des Abbassides, il s’agissait alors de lieux dirigés
par une ou plusieurs maîtresses, qui géraient l’ensemble du personnel et qui
élevaient les enfants tout en assurant la gestion des lieux. Comme l’explique
Sonia Dayan-Herzbrun, les harems représentaient des lieux permettant aux femmes
de participer à « l’économie sociale » par l’intermédiaire de
rencontres et d’activités sociales. Malgré l’existence des écoles primaires à
la fin du XIXème siècle, les jeunes filles issues de l’élite, dont faisait
partie Huda Sharawi, continuaient de suivre des enseignements au sein du foyer [5].
Margot Badran explique dans sa traduction des mémoires de Huda Sharawi que
cette dernière a suivi un enseignement sur « le Coran, l’arabe, le turc et
la calligraphie » [6] grâce aux
« leçons de son frère » [7].
À la mort de son père, alors que Huda Sharawi est âgée
de cinq ans, son cousin Ali Sharawi devient son tuteur. À l’âge de douze ans,
elle doit se marier avec lui afin de maintenir le patrimoine familial.
Réticente à cette union, elle cède néanmoins aux pressions de son entourage et
accepte ce mariage avec ce cousin, déjà marié et père de trois filles. Sonia
Dayan-Herzbrun [8] explique
alors qu’Iqbal, la mère de Huda, demande un contrat de mariage stipulant que
Ali Sharawi devait rester monogame : s’il prenait une autre femme, son
mariage avec Huda serait rompu. Or, Ali Sharawi reprend sa relation avec sa
première femme [9],
permettant à Huda Sharawi de se séparer de lui et d’entreprendre de nouvelles
activités.
Huda Sharawi rencontre Eugénie Le Brun, connue sous le
nom de Madame Rushdi, intellectuelle et féministe française mariée à un
Egyptien, avec qui elle se lie d’amitié. Eugénie Le Brun ouvre son premier
salon destiné aux femmes au Caire dans les années 1890 dans lequel Huda Sharawi
se rend : il s’agissait d’« un espace public dans lequel les femmes
pouvaient se rencontrer pour discuter de l’actualité et débattre des diverses
questions allant de l’éducation aux droits des femmes en Islam » [10].
En 1900, à l’âge de 21 ans, Huda Sharawi se remarie avec Ali Sharawi pour des
raisons familiales, avec qui elle aura deux enfants. Ses nombreux voyages à
Paris, accompagnée de son mari, lui font changer de mode de vie, elle imite
désormais les jeunes femmes parisiennes. Néanmoins, dès qu’elle retourne en
Égypte, elle se revoile, et entreprend diverses actions afin de
« transformer la condition des femmes » [11]. Pour Elizabeth
Brownson [12], le contexte
(fin XIXème-début XXème) a été significatif pour les femmes égyptiennes :
« les femmes de la classe moyenne et supérieure abandonnaient de plus en
plus les pratiques d’isolement […], s’impliquaient davantage dans les œuvres
caritatives et les sociétés littéraires ». L’entrée des femmes dans la sphère
publique égyptienne marque également leur entrée dans la sphère politique.
Anonymous photograph View of Grand Cairo World History
Archive. 01/01/1878 Ann Ronan Picture Library / Photo12 via AFP
Un
engagement politique féministe
En 1908, Huda Sharawi fonde un dispensaire destiné aux
femmes des milieux pauvres, ainsi qu’une école où sont prodigués des cours
destinés à améliorer le cadre familial (hygiène, puériculture…) [13]. Ce dispensaire
reçoit l’aide de femmes aisées [14], réunies dans
l’association Mabarrat Muhammad Ali al-Kabir fondée au début du XIXème siècle
par des femmes issues de la royauté cherchant à apporter une
« contribution humanitaire à l’Egypte à la suite d’une forte vague de
mortalité infantile » [15].
Après avoir assisté à une manifestation de femmes
réclamant le droit de vote lors d’un séjour en France, Huda Sharawi décide de
créer en 1914 l’Association intellectuelle des Égyptiennes [16]. Elle invite
Marguerite Clément, une femme politique luxembourgeoise, à participer à des
conférences, et tenter d’expliquer que « l’on peut trouver dans l’Islam la
source des droits des femmes » [17]. Quelques
années plus tard, en 1919, l’association philanthropique dont fait partie Huda
Sharawi fonde la Société de la femme nouvelle au Caire. Des ateliers sont
également mis à leur disposition afin qu’elles puissent « fabriquer des
objets artistiques » [18].
Une femme nationaliste
En 1919, les Égyptiens veulent obtenir leur
indépendance en réclamant l’application du principe du droit des peuples à
disposer d’eux-mêmes. Saad Zaghloul, Abdel Aziz Fahmy et Ali Sharawi, le mari
de Huda Sharawi, forment alors le Wafd qui représente une délégation souhaitant
l’indépendance complète de l’Égypte. Face à l’échec de leur objectif et à la
répression britannique, ils organisent leur opposition autour d’un parti
reprenant le nom de la délégation, le Wafd. Ali Sharawi en est le
vice-président. En parallèle, éclate la révolution de 1919, donnant lieu à des
grèves et des manifestations [19]. Huda Sharawi
mobilise son réseau de femmes qui prend le relai des contestations, car les
hommes sont arrêtés et déportés. Après la mort d’une manifestante, Hamidah
Khalil, « cent cinquante à trois cents femmes de la haute société
égyptienne se rassemblent pour manifester » [20].
Huda Sharawi s’occupe en parallèle des familles dont
les membres sont touchés par ces arrestations et encourage le militantisme dans
les écoles de jeunes filles [21]. Le 12 janvier
1920, le Comité central des femmes du Wafd est créé, il est composé des épouses
des dirigeants, dont Huda Sharawi, qui en devient la présidente. Elles y
organisent le soutien « social et financier aux actions décidées par le
parti » [22]. Lorsque Saad
Zaghloul est déporté aux Seychelles en 1921, ce sont les femmes qui vont
travailler pour la cause nationaliste. Les membres du Comité central des femmes
du Wafd vont alors « coordonner les embargos contre les produits
britanniques et gérer le domaine financier du mouvement nationaliste » [23]. Ce comité va
renforcer les liens avec d’autres associations de femmes du Caire, telles que
la Société des mères du futur, dans le but de consolider la lutte nationaliste [24].
Cependant, Huda Sharawi va très vite prendre ses
distances avec le parti qui relègue le droit de vote promis aux femmes lors des
négociations avec les Britanniques. Elle écrit dans une lettre adressée à Saad
Zaghlul, dirigeant du Wafd : « […] À cet instant où la question
égyptienne est sur le point d’être résolue, il est manifestement injuste que le
Wafd égyptien, qui défend les droits de l’Égypte et lutte pour sa libération,
puisse dénier à la moitié de la nation la part prise à cette libération. » [25]. De plus, la
question de l’inclusion du Soudan dans une « grande Égypte » va créer
des tensions au sein du parti : en effet, alors que Huda Sharawi est
partisane d’une grande Égypte, le dirigeant du Wafd est quant à lui pour une
partition négociée avec les Britanniques.
En 1923, le décès de son mari, Ali Sharawi, va
permettre à Huda Sharawi de retrouver une certaine forme de liberté dans ses
actions politiques. Elle dévoile notamment son visage en public (mais ses
cheveux demeurent voilés) en 1923 à la gare du Caire marquant ainsi « une
rupture avec son passé » ainsi qu’avec « la culture du harem » [26] dans
laquelle elle a grandi et n’est désormais plus soumise aux règles de la cour [27]. Margot Badran
suggère que ce dévoilement a été influencé par Eugénie Le Brun, après avoir
assisté à une conférence féministe internationale [28].
Sur le plan politique, la même année, en raison des tensions et des désaccords
au sein du Wafd, en particulier sur la « question des revendications des
femmes admises ou non aux discussions menant à la constitution égyptienne » [29], Huda Sharawi
décide de créer l’Union féministe égyptienne (UFE) dont elle fut la présidente
jusqu’à sa mort, afin de défendre le droit des femmes en leur permettant
notamment d’accéder plus facilement à l’enseignement supérieur. Les objectifs
de l’UFE allaient de « la reconnaissance des droits politiques […] à
l’activisme social, en poursuivant le travail philanthropique des générations
précédentes » [30]. L’UFE finance
ainsi des écoles, des ateliers, des clubs de femmes et des formations afin de
« rendre l’éducation accessible aux filles, d’élever l’âge minimum du
mariage à seize ans, de garantir l’égalité des chances, d’abolir la
prostitution et de créer des orphelinats » [31]. Des liens avec
des organisations internationales féministes telles que l’International Woman
Suffrage Alliance (IWSA) sont également noués [32].
En 1925, elle lance une revue féministe, l’Égyptienne,
qui souhaite « articuler les revendications des femmes en Égypte au
mouvement féministe international » [33] afin de
« réaliser une ère de justice et de paix ». Comme l’explique Sonia
Dayan-Herzbrun, par cette revue, Huda Sharawi souhaite « montrer […] une
image véridique de la femme égyptienne » [34].
Quelques années plus tard, les ambitions d’Huda
Sharawi évoluent et cette dernière œuvre pour un nationalisme arabe, et plus
seulement pour un nationalisme égyptien. En décembre 1944, elle organise le
premier Congrès féministe arabe qui a pour objectif « la construction
d’une véritable citoyenneté pour les hommes et les femmes dans des États arabes
libérés du joug de la colonisation » [35]. Elle meurt
trois ans plus tard, le 12 décembre 1947.
Après la prise de pouvoir par Nasser, les différentes
organisations féministes sont interdites (tout comme les partis politiques).
L’Union des femmes d’Huda Sharawi est transformée en Association Huda Sharawi
et s’occupe uniquement d’œuvres sociales. La question des droits des femmes est
prise en charge par l’État égyptien et les militantes féministes sont
« contraintes à l’exil, assignées à résidence ou jetées en prison » [36].
Lire sur Les clés du Moyen-Orient :
Bibliographie :
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Dayan-Herzbrun Sonia, « Féministe et nationaliste
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Dayan-Herzbrun Sonia, « Quand, en Egypte, l’espace public s’ouvrait aux
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Dayan-Herzbrun Sonia, « Féminisme et nationalisme dans le monde
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Waldner, David. "Shaʿrawi, Huda al- [1879–1947]." Encyclopedia of the
Modern Middle East and North Africa, edited by Philip Mattar, 2nd ed., vol. 4,
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URL : eBooks, https://link.gale.com/apps/doc/CX3424602449/GVRL?u=rouen&sid=GVRL&xid=c71d989d. Accessed 22 Oct. 2020.
·
Egypte
·
Histoire
Publié le
09/11/2020
MARGOT LEFÈVRE
Après avoir obtenu une double-licence en histoire et en science
politique, Margot Lefèvre a effectué un Master 1 en géopolitique et en
relations internationales à l’ICP. Dans le cadre de ses travaux de recherche,
elle s’intéresse à la région du Moyen-Orient et plus particulièrement au Golfe
à travers un premier mémoire sur le conflit yéménite, puis un second sur
l’espace maritime du Golfe et ses enjeux. Elle s’est également rendue à
Beyrouth afin d’effectuer un semestre à l’Université Saint-Joseph au sein du
Master d’histoire et de relations internationales.
Notes
[1] Titre repris du nom de mémoires de Huda Sharawi : Harem
Years : The Memoirs of an Egyptian Feminist traduit et édité par Margot
Badran, (Londres : Virago Press, 1986 ; New York : The Feminist
Press of the City University of New York, 1987.)
[2] Voir note précédente.
[3] David Waldner. "Shaʿrawi, Huda al- [1879–1947]." Encyclopedia of the Modern
Middle East and North Africa, edited by Philip Mattar, 2nd ed., vol. 4,
Macmillan Reference USA, 2004, pp. 2030-2031.
[4] Sonia Dayan-Herzbrun, « Féministe et nationaliste égyptienne :
Huda Sharawi », Mil neuf cent, n°16, 1998, p. 60.
[5] Elizabeth Brownson,. "Sha’rawi, Huda." In Encyclopedia of
Western Colonialism since 1450, edited by Thomas Benjamin, 1014-1015. Vol. 3.
Detroit, MI : Macmillan Reference USA, 2007. Gale eBooks (accessed October
22, 2020).
[6] Ibid.
[7] Ibid.
[8] Sonia Dayan-Herzbrun, « Féministe et nationaliste égyptienne :
Huda Sharawi », Mil neuf cent, n°16, 1998, p. 63.
[9] Sonia Dayan-Herzbrun, « Féministe et nationaliste égyptienne :
Huda Sharawi », Mil neuf cent, n°16, 1998, p. 63.
[10] Elizabeth Brownson,. "Sha’rawi, Huda." In Encyclopedia of
Western Colonialism since 1450, edited by Thomas Benjamin, 1014-1015. Vol. 3. Detroit, MI : Macmillan Reference USA, 2007. Gale eBooks
(accessed October 22, 2020).
[11] Sonia Dayan-Herzbrun, « Féministe et nationaliste égyptienne :
Huda Sharawi », Mil neuf cent, n°16, 1998, p. 64.
[12] Elizabeth Brownson,. "Sha’rawi, Huda." In Encyclopedia of
Western Colonialism since 1450, edited by Thomas Benjamin, 1014-1015. Vol. 3.
Detroit, MI : Macmillan Reference USA, 2007. Gale eBooks (accessed October
22, 2020).
[13] Sonia Dayan-Herzbrun, « Féministe et nationaliste égyptienne :
Huda Sharawi », op. cit. p. 64.
[14] David Waldner. "Shaʿrawi, Huda al- [1879–1947]." Encyclopedia of the Modern
Middle East and North Africa, edited by Philip Mattar, 2nd ed., vol. 4,
Macmillan Reference USA, 2004, pp. 2030-2031.
[15] Inger Marie Okkenhaug (dir. Ingvild Flaskerud), Gender, Religion And
Change in The Middle East : Two Hundred Years of History, Berg, Oxford,
2005, p. 88.
[16] Sonia Dayan-Herzbrun, « Féministe et nationaliste égyptienne :
Huda Sharawi », op. cit. p. 66.
[17] Idem, p. 66.
[18] Sonia Dayan-Herzbrun, « Féministe et nationaliste égyptienne :
Huda Sharawi », op. cit. p. 65.
[19] Sonia Dayan-Herzbrun, « Féminisme et nationalisme dans le monde
arabe », dans : Fatou Sow éd., La recherche féministe francophone.
Langue, identités et enjeux. Paris, Éditions Karthala, « Hommes et
sociétés », 2009, p. 247.
[20] Sonia Dayan-Herzbrun, « Féministe et nationaliste égyptienne :
Huda Sharawi », op. cit. p. 69.
[21] Ibid., p. 70.
[22] Sonia Dayan-Herzbrun, « Féminisme et nationalisme dans le monde
arabe », op. cit. p. 246.
[23] Maria F. Curtis, "Wafdist Women’s Central Committee."
Encyclopedia of the Modern Middle East and North Africa, edited by Philip
Mattar, 2nd ed., vol. 4, Macmillan Reference USA, 2004, pp. 2321-2322. Gale eBooks.
[24] Idem
[25] Sonia Dayan-Herzbrun, « Féminisme et nationalisme dans le monde
arabe », op. cit. p. 248.
[26] Sonia Dayan-Herzbrun, « Féministe et nationaliste égyptienne :
Huda Sharawi », op. cit. p. 72.
[27] Ibid., p. 72.
[28] Elizabeth Brownson. "Sha’rawi, Huda." In Encyclopedia of
Western Colonialism since 1450, op. cit.
[29] David Waldner. "Shaʿrawi, Huda al- [1879–1947].", op. cit.
[30] Idem.
[31] Maria F Curtis. "Arab Feminist Union." Encyclopedia of the
Modern Middle East and North Africa, edited by Philip Mattar, 2nd ed., vol. 1,
Macmillan Reference USA, 2004, pp. 227-228. Gale eBooks.
[32] Marilyn Booth. "Egyptian Feminist Union." Encyclopedia of the
Modern Middle East and North Africa, edited by Philip Mattar, 2nd ed., vol. 2,
Macmillan Reference USA, 2004, pp. 769-770.
[33] Sonia Dayan-Herzbrun, « Féministe et nationaliste égyptienne :
Huda Sharawi », op. cit. p. 72.
[34] Ibid., p. 72.
[35] Sonia Dayan-Herzbrun, « Féministe et nationaliste égyptienne :
Huda Sharawi », op. cit. p. 73.
[36] Ibid., p. 75.
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