vendredi 15 mars 2019

DAECH, ισλαμική εξουσία, ένα κράτος χωρίς σύνορα. ναι;


A L’HEURE DE LA BATAILLE DÉCISIVE CONTRE DAECH, RETOUR SUR LES ORIGINES DE L’ETAT ISLAMIQUE EN SYRIE
ARTICLE PUBLIÉ LE 13/03/2019
Par Claire Pilidjian
https://www.lesclesdumoyenorient.com/A-l-heure-de-la-bataille-decisive-contre-Daech-retour-sur-les-origines-de-l.html
Les forces démocratiques syriennes (FDS) ont lancé dimanche 10 mars un ultime assaut contre les combattants de Daech repliés à Baghouz. Ce territoire de quelques kilomètres carrés, situé en Syrie à peu de distance de la frontière irakienne, est le dernier bastion de l’État islamique ; il représente seulement 1% de l’immense territoire, d’une superficie équivalente à celle de la Grande-Bretagne, autrefois contrôlé par l’organisation. Or, cette possession territoriale était précisément ce qui permettait à Daech de se revendiquer comme Etat et non seulement comme organisation terroriste – ce que serait par opposition Al-Qaida par exemple. Alors que Daech comme Etat vit selon les FDS ses dernières heures, il convient de revenir sur l’histoire de son implantation dans le territoire syrien.
« Briser les accords Sykes-Picot » ?
La destruction symbolique par Daech de la frontière délimitant l’Irak et la Syrie à Yaaroubiya, dont les images ont fait le tour du monde en juin 2014, fait erreur sur le plan historique : en effet, les accords Sykes-Picot ne posaient pas cette frontière (et rappelons que ces accords, s’ils témoignent bien des ambitions occidentales sur le Moyen-Orient, n’ont jamais été appliqués comme tels). Le vilayet (province) de Mossoul n’est en effet rattaché que tardivement à l’Irak. Pourtant, le coup médiatique monté par Daech montre bien une chose : l’importance d’une histoire longue qui remonte à la chute de l’Empire ottoman pour comprendre la formation de l’État islamique.
Sous l’Empire ottoman, le territoire aujourd’hui occupé par la Syrie est composé de plusieurs entités administratives provinciales, dirigées par un gouverneur propre mais régies par les mêmes lois. En termes de confessionnalités, la religion dominante est l’islam sunnite ; les minorités religieuses sont soumises au régime des millets, qui leur offre une autonomie interne en échange de certaines contraintes notamment fiscales ; quant au chiisme, il n’est pas reconnu comme minorité et ses membres sont assimilés à l’islam sunnite. Ainsi, les États qui se sont greffés sur ce territoire ont brutalement rompu ces continuités géographiques et humaines.
A la fin de la Première Guerre mondiale, les mandats sont attribués par le Conseil suprême allié lors de la Conférence de San Remo : la Grande-Bretagne obtient ainsi notamment le mandat irakien et la France se voit octroyer la Grande-Syrie, où seront peu après découpés l’actuel Liban et l’actuelle Syrie. Ce partage n’est pas de l’avis d’autres acteurs, tel Fayçal, fils du chérif Hussein de La Mecque (1), qui tente d’instaurer un « Royaume arabe de Syrie », qui couvre en réalité une vaste région incluant le Liban, la Jordanie, la Palestine et une partie de la province de Mossoul. Son projet est rapidement mis à bas par les Français. Comme le note Pierre-Jean Luizard, « le rêve chérifien du royaume arabe unifié s’était ainsi fracassé sur le cynisme des puissances alliées. Et le geste transgressif de l’Etat islamique, le 10 juin 2014, à Yaaroubiya, vise à rappeler cette trahison » (2).
Dans les décennies qui ont suivi le partage du Moyen-Orient, et qui ont vu les États alors délimités devenir indépendants, l’idée d’une unification de la région sous une idéologie panarabe ou panislamiste n’est pas absente des discours. Formellement, elle ne sera jamais réalisée – la seule tentative d’un Etat arabe uni ayant rapidement échoué, après avoir procédé à l’unification de deux Etats seulement (3). Surtout, les discours panarabes sont porteurs d’un paradoxe : ils ne remettent jamais réellement en cause les frontières établies aléatoirement au lendemain de la Première Guerre mondiale, mais servent aux élites à accéder au pouvoir auquel ces Etats leur donnent accès : selon Pierre-Jean Luizard, « cette indignation patriotique et anticoloniale de bon aloi ne remet pas en cause les frontières existantes et encore moins les États » (4).
Jouer sur le confessionnalisme en Syrie
Dès le découpage par la France de la Grande Syrie (« bilâd ach-châm ») en deux unités qui forment le Liban et la Syrie actuels, une vague d’opposition se met en place. En effet, nul acteur local ne semble satisfait de ces frontières et des révoltes sont écrasées par la puissance mandataire au cours des années 1920. La France tente de s’appuyer sur les minorités, comme elle le fait également au Liban, et soutient notamment les Druzes et les Alaouites qui font face à une majorité sunnite.
Mais ces minorités confessionnelles socialement marginalisées trouveront vite d’autres moyens d’assurer leur ascension sociale : intégrer le parti Baas, fondé dans les années 1930 et qui prône le multi-confessionnalisme – ses trois fondateurs sont respectivement orthodoxe, sunnite et alaouite – ; mais aussi, une fois l’indépendance acquise en 1946, l’armée, qui permet de faire carrière et ainsi d’échapper à la marginalisation. L’armée connaît un essor spectaculaire de la part de ses membres druzes et alaouites dans les années 1960.
Cette période est également marquée par une série de coups d’État militaires, qui permet peu à peu à la communauté alaouite de s’installer durablement au pouvoir, et le Baas se voit épuré de ses éléments non alaouites. Pourtant, il est important de noter que cette montée des Alaouites au pouvoir reflète une stratégie de promotion locale bien plus qu’un projet communautaire conscient : le but est d’échapper à la marginalisation. Un autre fait doit aussi être intégré au raisonnement : plus que la communauté alaouite, ce sont d’autres formes de solidarités qui permettent d’établir un cercle de plus en plus resserré autour du pouvoir. Ainsi, l’asabiyya, qui désigne une solidarité resserrée, parfois clanique, (on la traduit parfois par « esprit de corps ») est au cœur des logiques d’attribution des postes de pouvoir. Le clan Assad, au pouvoir à partir de 1970, témoigne bien de ce processus.
Si le Baas prône alors un régime laïc, les sunnites ne tardent pas à se sentir menacés par le pouvoir en place, notamment quand ce dernier affiche son soutien à la révolution iranienne en 1979. Pourtant, plus qu’un élan chiite du régime, il faut voir cet appui comme un geste mené contre l’Irak, où règne alors une branche du Baas ennemie du Baas syrien. Pour l’historien Pierre-Jean Luizard, c’est à cette période qu’émergent les premiers mouvements de réaction des sunnites envers le régime d’Assad : « l’idée que la dictature baassiste est un régime impie et antimusulman et que l’armée est entièrement contrôlée par une minorité illégitime et oppressive commence dès lors à faire son chemin dans les esprits et à affleurer dans certains discours de l’opposition » (5). Si cette réaction est réprimée dans le sang, Assad tente des gestes d’apaisement envers la communauté sunnite, comme l’a également rappelé Nadine Picaudou avec justesse : au vaste mouvement de constructions de mosquée s’ajoute la fondation d’institutions officielles visant à renforcer la culture sunnite : ministère des Waqfs, Mufti de la république, fondation islamique Abou an-Nour de Damas, etc (6).
Ces gestes expliquent d’ailleurs qu’une partie de la population syrienne sunnite reste aujourd’hui encore attachée au régime de Bachar al-Assad. Mais cela ne sera pas suffisant pour la frange sunnite la plus radicale, qui puise peut-être d’ailleurs ses racines dans un vieux fond de hanbalisme : cette secte du IXe siècle, très proche idéologiquement du wahhabisme qu’elle a fortement inspirée, est en effet née en Syrie. Paradoxalement, c’est sur cette frange qu’a misé Bachar al-Assad au début de la révolution de 2011 : l’Armée syrienne libre, qui luttait au son de slogans multiconfessionnels, a été identifiée par le régime comme une cible bien plus importante que l’opposition salafiste ; et c’est un fait bien connu aujourd’hui que des centaines de salafistes-jihadistes ont été libérés des prisons syriennes dès 2011, par le régime lui-même, pour décrédibiliser l’opposition démocratique qui lui faisait face. Ces combattants vont rapidement grossir les rangs de l’État islamique.
La Syrie dans la construction de Daech comme État
Le projet territorial de l’État islamique s’est imposé en opposition avec un autre projet territorial salafiste-jihadiste, celui promu par le front al-Nosra au travers de son chef, le Syrien Abou Mohamed al-Joulani. Ce dernier se bat en effet pour le maintien de la Syrie dans ses frontières connues, alors que le chef de l’État islamique souhaite redéfinir les frontières de la région pour instaurer une entité transnationale englobant les populations sunnites. C’est ce dernier projet, prôné par Abou Bakr al-Baghdadi, qui donnera naissance à l’État islamique en Irak et au Levant (Daech) en 2014 ; le refus de ce projet par al-Joulani sera à l’origine d’une guerre fratricide entre jihadistes. En réaction à la proclamation du califat, al-Joulani annonce son intention de créer un « émirat islamique ». La question des frontières demeure donc centrale dans les projets de chaque groupe jihadiste et semble loin de faire consensus.
Surtout, la question des frontières est un enjeu clé pour Daech pour être considéré comme un État et non comme une simple organisation terroriste. En effet, le califat a été proclamé à un moment où les jihadistes pouvaient compter sur un minimum d’ancrage territorial, qui leur a donné du crédit. Daech peut ainsi revendiquer l’application de la charî’a sur un territoire spécifique, doté d’institutions propres. C’est en cela qu’il s’écarte d’autres organisations, comme Al-Qaida, « qui n’offre de son côté que le terrorisme et une guerre sans fin, avec une perspective très lointaine et peu réaliste d’instauration du califat » (7), selon Pierre-Jean Luizard.
La stratégie de conquête territoriale syrienne de Daech a commencé en 2013, après la rupture avec le front al-Nosra. Certains territoires conquis étaient aux mains de l’Armée syrienne libre, ou encore d’autres organisations salafistes, comme la ville de Raqqa, auparavant occupée par le front al-Nosra. Prise en 2014, Raqqa est proclamée capitale du nouvel Etat. Courant 2014, les conquêtes territoriales de l’organisation, jusque là « en peau de léopard », s’homogénéisent et se consolident. Le gouvernorat d’Alep, et notamment la ville de Jarablous, sont également arrachés des mains d’al-Nosra. La conquête syrienne suit la stratégie suivante : pénétration de jihadistes irakiens en territoire syrien et cooptation de jihadistes syriens. Si Syriens et Irakiens se partagent le pouvoir au sommet de la hiérarchie de Daech, Pierre-Jean Luizard note « une propension des Irakiens à se présenter comme les leaders d’un mouvement auquel les Syriens doivent s’intégrer » (8).
En 2015, le territoire de Daech subit les premiers freins à son expansion territoriales : il est amputé de Kobané, au nord de la Syrie, dès janvier, dans le même temps où la province de Diyala, à l’Est de l’Irak, est reprise par les combattants irakiens. A la fin de l’année, c’est la zone frontalière entre la Syrie et la Turquie, point stratégique pour Daech, qui est perdue. Raqqa est lourdement bombardée par la coalition internationale dès la fin de l’année 2015 – bien qu’il faille attendre 2017 pour que les jihadistes en soit chassés. Entre 2015 et 2018, Daech perd l’essentiel de ses conquêtes territoriales. C’est à l’est de la Syrie, à Baghouz, que subsiste la dernière parcelle de son territoire – et ses heures semblent désormais comptées.
Notes :
(1) Le chérif Hussein a organisé sur la demande des Britanniques une révolte contre l’Empire ottoman durant la Première Guerre mondiale, en échange de la promesse de pouvoir établir un grand royaume arabe dans la région.
(2) Pierre-Jean Luizard, Le piège Daech. L’État islamique ou le retour de l’Histoire, Ed. La Découverte, 2015.
(3) En 1958, Nasser, qui se présente comme le leader du panarabisme, propose à la Syrie une union qui prend la forme de la République arabe unie. Ce projet prend fin dès 1961 par crainte des Syriens d’une trop forte prépondérance égyptienne.
(4) Pierre-Jean Luizard, ibid.
(5) Pierre-Jean Luizard, ibid.
(6) Nadine Picaudou, Visages du politique au Proche-Orient, Folio Histoire, 2018.
(7) Pierre-Jean Luizard, ibid.
(8) Pierre-Jean Luizard, ibid.
Bibliographie :
Myriam Benraad, « Défaire Daech : une guerre tant financière que militaire », Institution français des relations internationales, « Politique étrangère », 2015/2 Été, pp. 125-135. En ligne : https://www.cairn.info/revue-politique-etrangere-2015-2-page-125.htm
Mathieu Guidère, L’État islamique en 100 questions, Tallandier, 2016.
Pierre-Jean Luizard, Le piège Daech. L’État islamique ou le retour de l’Histoire, Ed. La Découverte, 2015.
Nadine Picaudou, Visages du politique au Proche-Orient, Folio Histoire, 2018.
David Rigoulet-Roze, « La situation de l’« Etat islamique » ou Daesh entre la proclamation du Califat en juin 2014 et après le début des frappes de la coalition anti-terroriste : bilan d’étape et perspectives stratégiques », Les clés du Moyen Orient. En ligne : https://www.lesclesdumoyenorient.com/La-situation-de-l-Etat-islamique-ou-Daesh-entre-la-proclamation-du-Califat-en.html

vendredi 8 mars 2019

κυρίως για Άραβες επιστήμονες

Call for Applications for Atlas postdoctoral fellowship -2019

    

Under the umbrella of the partnership between the Fondation Maison des sciences de l’homme (FMSH)  and UNIMED it has been launched the call for the short-term Postdoctoral mobility Programme Atlas 2019.
The Programme offers short-term Fellowships for young researchers native of Algeria, Egypt, Jordan, Lebanon, Morocco, Palestine, Tunisia and Syria and affiliated to a University member of UNIMED, to realise a research stay of 3 months in France.
The call for applications is available here. // The deadline to apply is the 17th March 2019.

Μύθοι και σχέδια, κείμενα, καλλιτεχνικά έργα και καλλιτέχνες στην αυλή της Λαχόρης


A L’OCCASION DE L’EXPOSITION « FABLES D’ORIENT-MINIATURISTES, ARTISTES ET AVENTURIERS À LA COUR DE LAHORE » PRÉSENTÉE AU MUSÉE NATIONAL DES ARTS ASIATIQUES-GUIMET, RETOUR SUR L’ADAPTATION PICTURALE DES FABLES DE LA FONTAINE SELON UN MODÈLE INDO-PERSAN
ARTICLE PUBLIÉ LE 08/03/2019
Par Florence Somer Gavage
https://www.lesclesdumoyenorient.com/Fables-d-Orient-Miniaturistes-artistes-et-aventuriers-a-la-cour-de-Lahore.html
(Source : http://www.guimet.fr/event/fables-dorient-miniaturistes-artistes-et-aventuriers-a-la-cour-de-lahore/ )

En 1835, le général Jean-François Allard, engagé en Inde au service du maharajah de Lahore, charge un peintre local de réaliser l’illustration des œuvres de La Fontaine, dont deux volumes publiés par Didot lui avaient été remis par Feuillet de Conches. Un premier volume est envoyé en France en 1838 et, à la mort du général, Jean-Baptiste Ventura, un italien passé du côté des armées françaises, s’assure de l’expédition du second, terminé le 25 Ša’ban 1255, soit le 18 novembre 1839.
L’exposition temporaire présentée au Musée Guimet et enrichie des prêts du Louvre et de la Bibliothèque nationale de France offre l’opportunité de découvrir la richesse de cette adaptation picturale des fables de La Fontaine selon un modèle indo-persan.
La miniature selon le modèle indo-persan
Le choix d’un artiste du Pendjab est conforme à la provenance du pouvoir du maharajah sikh Ranjit Singh (1780-1839), maître du Pendjab, de Lahore et du Kashmir après la dynastie moghole (1526-1757). Le nouveau pouvoir hérite alors de deux traits essentiels à l’art pictural en général et la miniature en particulier : l’influence de l’esthétique musulmane et de l’art de la miniature persane. Imam Bakhsh, illustre, entre 1837 et 1839, trente fables de La Fontaine selon des instructions précises écrites en persan.
Retour aux sources
Ainsi que nous l’avions évoqué dans un précédent article, la littérature de sagesse indienne a inspiré les recueils de morale dont les fables de La Fontaine est l’exemple type. Le Pañcatantra de Bibpaï, écrit en sanskrit autour du IIIème siècle avant notre ère, est arrivé en Perse à la cour de Khosrow Anusherwān par les mains du médecin Borzouyeh et c’est de la traduction en moyen-perse que sont nées toutes les versions ultérieures dont celles, persanes et grecques, retenue par La Fontaine pour rédiger ses contes en français. Néanmoins, d’autres sources indiennes semblent avoir également inspiré l’auteur des fables morales telles les explications laissées dans son traité de voyage par François Bernier, le médecin des souverains moghols Dara Shikoh (1615-1659) puis Aurangzeb (1618-1707). D’autres sources sont plus tardives et il semble plausible que La Fontaine se soit inspiré du poète persan Saadi (1210-1291) et de son « Gulistan » ou jardin de rose pour rédiger la fable du « songe d’un habitant du Mogol », la quatrième histoire de son XIème livre.
Le malicieux hasard de l’histoire qui ne cense de confondre la culture d’Orient et d’Occident, a voulu que ces mêmes contes, originaires d’Inde, y retournent au XIXème par l’entremise du Baron Félix Feuillet de Conches (1798-1887), chef du protocole au ministère des Affaires étrangères en France et passionné par l’œuvre de La Fontaine qu’il avait entrepris de diffuser mondialement et d’en assurer l’illustration par des artistes locaux.
Modèle et séquence
La traduction persane des instructions de Feuillet de Conches quant à l’ordre des séquences était destinée à Imam Bakhsh, formé dans les écoles de miniatures de Lahore et dont le style est reconnaissable à la dorure que prennent ses cieux en-dessous desquels évoluent des personnages issus, comme la nature et l’architecture les environnants, d’une atmosphère du nord de l’Inde.
La miniature indo-persane s’est nourrie d’un échange interculturel s’étendant sur une durée de temps indéterminée et dont il n’a pas été possible de sérier l’impact de chaque culture sur l’autre tant leurs influences réciproques sont inextricablement liées. Outre la racine indo-européenne de la langue, les similitudes cultuelles et religieuses, les pratiques textuelles similaires, la communication des danses et des instruments musicaux et les échanges commerciaux incessants, l’Inde et l’Iran ont partagés leurs spécificités à travers les actes politiques de leurs dirigeants notamment durant l’époque moghole (1526-1857), de Babur à Aurangzeb jusqu’à la révolution des Cipayes contre la compagnie des Indes orientales. Suite à ces évènements, le changement politique qui vit arriver la minorité Sikh au pouvoir au Pendjab n’a pas opéré de césure avec la tradition iconographique.
La miniature persane s’ancre dans une tradition visant à illustrer avec précisions et finesses philosophiques, des thèmes religieux et mythologiques comme les histoires issues du « Šahnāmeh » ou Livre des Rois.
La miniature convient particulièrement à l’illustration des contes car elle tient, par essence, au confinement de détails narratifs superposés en deux dimensions dans un espace restreint, avec pour principale tâche de décrire en une illustration, le schéma d’une histoire. Récits de batailles, expériences mystiques, rencontres avec le divin, histoires d’amour et de sagesse, chaque genre est représenté à l’échelle d’une page ou d’une fraction précise de cet espace, avec précisions et détails, éléments signifiants et symbolique de la couleur.
Les codes de la peinture des miniatures indo-persanes font fit des règles de la perspective ou de la tridimensionnalité. La représentation du monde physique n’intéresse pas l’artiste occupé à saisir la représentation idéelle ou pure des étants dans leur dimension primordiale, au-delà de leur matérialité. Les éléments sont à la fois reliés et indépendants, traduisant, en un ensemble, l’action passée, présente et future et l’état le plus abouti de chaque élément ou être individuel.
En revenant à leur source, les fables de sagesse montrent qu’elles ont encore beaucoup à nous apprendre des liens, littéraires certes mais également graphiques, iconographiques et symboliques qui ont façonnés depuis des millénaires, et qui construisent aujourd’hui encore, les échanges culturels entre Orient et Occident.
Bibliographie :
Sadiq Beg, Qanun al-Suwar (The Canons of Painting), translated into English by M. B. Dickson, in M. B. Dickson and S. C. Welch, The Houghton Shahnamah, vol. I, appendix I, Harvard Univeristy Press, Cambridge 1981.
N. M. Titley, Persian Miniature Painting and its Influence on the Art of Turkey and India, University of Texas Press, Austin 1983.
F. Z. Hassan, “Mughal Persian Miniature Painting”, in K. Azzam, Arts & Crafts of the Islamic Lands. Principles, Materials, Practice, Thames & Hudson, London, 2013.
http://www.guimet.fr/event/fables-dorient-miniaturistes-artistes-et-aventuriers-a-la-cour-de-lahore/
https://kwd.hypotheses.org/487
https://www.persee.fr/doc/befeo_0336-1519_1991_num_78_1_1789
http://worldcat.org/identities/lccn-nr91038969/

vendredi 1 mars 2019

Το Εθνικό και Καποδιστριακό Πανεπιστήμιο Αθηνών ανοίγει τις πύλες του στην αραβική ποίηση. Τρίτη 5 Μαρτίου 2019


Δελτίο τύπου

Την 5η Μαρτίου 2019, ημέρα Τρίτη και ώρα 19.00 στη Αίθουσα Τελετών του Εθνικού και Καποδιστριακού Πανεπιστημίου Αθηνών, θα αναγορευθεί επίτιμος διδάκτορας του Τμήματος Γαλλικής Γλώσσας και Φιλολογίας της Φιλοσοφικής Σχολής του Πανεπιστημίου Αθηνών, ο Άραβας ποιητής και διανοούμενος Άδωνης (Ali Esber).
Ο Πρύτανης του Πανεπιστημίου καθηγητής Μελέτιος-Αθανάσιος Κ. Δημόπουλος θα προσφωνήσει τον τιμώμενο.
Για τη ζωή και το έργο του Άδωνη θα μιλήσει η αναπληρώτρια καθηγήτρια του Τμήματος Γαλλικής Γλώσσας και Φιλολογίας και μεταφράστριά του Ελένη Κονδύλη.
Η Πρόεδρος του Τμήματος Τμήματος Γαλλικής Γλώσσας και Φιλολογίας, καθηγήτρια Ρέα Σ. Δελβερούδη θα διαβάσει της Ψήφισμα της Αναγόρευσης στην αρχαία ελληνική, ενώ η Κοσμήτωρ καθηγήτρια Ελένη Μ. Καραμαλέγκου θα  περιενδύσει τον τιμώμενο με την τήβεννο της Φιλοσοφικής Σχολής.
Ο Άδωνης είναι κορυφαίος ποιητής, μεταφρασμένος σε όλα τα μήκη και πλάτη της γης, χαίρει παγκόσμιας αναγνώρισης. Γεννήθηκε στη Συρία, και μοιράστηκε τη ζωή του μεταξύ Λιβάνου και Γαλλίας, κατοικεί πλέον στο Παρίσι με την οικογένειά του . Ο ίδιος διδάκτωρ φιλοσοφίας (Université Saint-Joseph, Λίβανος), αλλά με κύρια ενασχόλησή του την λογοτεχνία και τον πολιτισμό, έχει συγγράψει ποιητικές συλλογές με παγκόσμια απήχηση, καθώς και δοκίμια περί τον πολιτισμό και τον άνθρωπο. έχει διδάξει σε πανεπιστήμια και σπουδαία ακαδημαϊκά ιδρύματα στην Ευρώπη, την Αμερική και την Ασία (όπως Collège de France, Princeton, Université de Génève, Freie Universitët Berlin κ.ά.), ενώ επίσης έχει τιμηθεί με πολλά διεθνή βραβεία (όπως το βραβείο Goethe, το βραβείο λογοτεχνίας του Πρίγκηπα Πέτρου του Μονακό, το μεγάλο βραβείο Μπιενάλε της ποίησης στη Λιέγη, κ.ά) και είναι επίτιμος διδάκτωρ ήδη τρεις φορές. Οι δραστηριότητές του σήμερα επεκτείνονται και στις εικαστικές τέχνες, μεγάλες πόλεις της Ευρώπης, πχ, όπως το Λονδίνο και το Παρίσι έχουν φιλοξενήσεις εκθέσεις του.
Αγαπά ιδιαιτέρως την Ελλάδα, την οποίαν επισκέπτεται συχνά, θεωρεί τον ελληνικό πολιτισμό χοάνη ζωής για τον άνθρωπο, ενώ τον συνδέει στενή φιλία με Έλληνες ομοτέχνους του.
Πέντε τουλάχιστον ποιητικές συλλογές του κυκλοφορούν σε ελληνική μετάφραση, ενώ επίσης κάποιες άλλες μεταφράσεις έργων του θα δουν σε λίγο το φως της δημοσιότητας.
Ο τίτλος του επίτιμου διδάκτορα είναι η ύψιστη τιμή ενός Πανεπιστημίου για μεγάλες προσωπικότητες. Το Εθνικό και Καποδιστριακό Πανεπιστήμιο Αθηνών θα δεχτεί με όλη την επισημότητα τον φιλέλληνα προσκεκλημένο του. Την τελετή αναγόρευσης θα ακολουθήσει ένα σύντομο καλλιτεχνικό δρώμενο (Αθηνά Χιώτη Ερμηνεύτρια, Κυριάκος Υφαντής Ηθοποιός, Κώστας Γιαξόγλου, Πιανίστας).
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Το συνέδριο των πουλιών, από τον περσικό μυστικισμό στο γαλλικό θέατρο

LA CONFÉRENCE DES OISEAUX
ARTICLE PUBLIÉ LE 01/03/2019

https://www.lesclesdumoyenorient.com/La-conference-des-oiseaux.html

Par Florence Somer Gavage
Lors de trois représentations fin février 2019 à Paris, la Comédie de l’Est a proposé un spectacle théâtral mis en scène par Guy Pierre Couleau et né d’une adaptation de Jean-Claude Carrière et porté pour la première fois au théâtre par Peter Brook en Avignon en 1979. Les dix comédiens présents sur scène, issus d’origines diverses, représentent l’humanité bruyante, désordonnée et peureuse qui doit accomplir un périple vers elle-même et vers l’autre pour retrouver le courage, la force et la cohésion afin de satisfaire son besoin de paix et d’harmonie et accueillir ceux qui ont fuit la guerre, la maladie et la mort pour la retrouver.
La conférence des oiseaux (1) est l’œuvre majeure de Abū Ḥāmed Moḥammad b. Abī Bakr Ebrāhīm dit Farīd al dīn ʿAttār, poète persan originaire de Nišapūr, théoricien du mysticisme et hagiographe. Cette œuvre poétique est un conte cadre qui narre l’épopée mystique, initiée et supportée par l’amour, d’un groupe d’oiseau pour trouver sa reine, la Sīmorgh. Ce groupe d’oiseau, figuré sur scène par dix comédiens est mené par la huppe, un petit oiseau de la grosseur d’un merle que l’on retrouve tant en Europe, en Afrique qu’en Asie et qui est caractérisé par une crête de plumes rousses terminées de noir. Tout au long de l’œuvre poétique, on retrouve des références coraniques évidentes mais en choisissant cet oiseau menu et répandu sur les trois continents, ʿAttār s’est également inscrit dans la tradition universelle qu’elle soit antique juive ou coranique où ce petit volatile a la réputation d’être un messager magique et divin.

La Huppe, oiseau de Salomon

Une légende juive raconte comment la huppe a reçu de Salomon sa crête. Alors que Salomon se promenait sur le dos de son aigle, le soleil l’a frappé si fort qu’il aurait pu en mourir quand des huppes en groupe, voyant sa détresse, se sont empressées de lui porter secours en déployant leurs ailes autour de lui. Pour les remercier, Salomon décide de leur accorder un vœu. Le roi des huppes lui demande qu’une couronne d’or cerne leurs têtes. Salomon les averti qu’il s’agit d’un vœu bien imprudent mais que si tel est leur désir, il va l’exaucer. Alors que les huppes, ravies, quittent son palais, elles volent pour se faire voir et passer des longs moments à s’admirer dans l’eau des lacs. Mais les chasseurs ayant observé leurs manèges eurent tôt fait de fabriquer des pièges ornés d’un miroir et une à une les huppes se firent prendre et tuer pour l’or de leur couronne jusqu’à ce que le roi des huppes se retrouve seul de son espèce. Le cœur lourd, il retourna voir Salomon pour qu’il lui enlève cette couronne pesante. Le roi acquiesça et, à la place, lui offrir une crête pour que sa beauté ne le perde plus (1).
Dans la sourate 27, alors que Salomon passe en revue les oiseaux, la huppe explique son retard et sauve son existence en apportant de Saba des nouvelles que Salomon ignore. Le pouvoir de sourcier de la huppe pourrait avoir influencé ce passage où il possède un pouvoir que Salomon n’a pas. Dans la magie ancienne, il est celui qui trouve les sources d’eau et dès lors sauve de la soif ceux qui le suivent. Dans la sourate « les fourmis », elle trouve ceux qui sont dans l’erreur comme la reine de Saba, ceux qui ne s’abreuvent pas à la bonne source. Par ailleurs, la huppe parle par énigme le langage des oiseaux qui est la langue de l’âme où les mots n’existent pas pour eux-mêmes mais donnent du sens à l’invisible.
En tant que meneur du voyage initiatique des oiseaux, la huppe est encore celui qui se propose d’abreuver à la source de la connaissance expérimentale celui qui sera prêt à vaincre ses peurs pour le suivre. Les oiseaux sont les représentations allégoriques des âmes qui, pour trouver leur reine sur le mont mythique Qāf, devront franchir, au-delà du désert, les sept vallées qui permettront le détachement du soi et de se fondre dans l’Un, l’être suprême et invisible. Le récit est agrémenté d’une littérature de sagesse sous forme de contes tels qu’on les retrouve dans les 1001 nuits, mais le voyage initiatique des oiseaux possède un caractère empruntant à la fois à la philosophie d’Orient et d’Occident.
Le soufisme s’inspire largement de la philosophie néoplatonicienne et de ses commentaires des œuvres de Platon et surtout d’Aristote. Mais en se systématisant sur un modèle grec, le soufisme oriental s’est également réapproprié un modèle emprunté à l’Orient par Plotin lui-même. L’histoire de la porosité des systèmes philosophiques grecs, persans puis arabe doit également prendre en compte le fait que, quand ils furent chassés par Justinien en 533, les derniers platoniciens de l’Académie, Damascius et ses compagnons, se réfugièrent à la cour du roi perse Xosrow Anūširvān (2).

Convaincre les oiseaux

La huppe le fait savoir d’emblée : le chemin pour arriver jusqu’à Sīmorgh sera long, difficile et semé d’embûches et tous n’y parviendront pas. Pourtant, les oiseaux doivent trouver le courage de braver leurs peurs, de sortir de leur cage dorée ou de l’entourage trop changeant des puissants de ce monde qui imposent des règles contraires à l’éthique. A chaque oiseau qui trouve une raison pour ne pas entamer le voyage, la huppe narra un conte de sagesse qui a pour bout d’anéantir les doutes et les faux arguments. Ces contes puisent dans les sagesses profanes et religieuses diverses et illustrent le dialogue culturel à l’œuvre à l’époque de l’écriture de ces vers. Comme les habitants de la caverne platonicienne, les oiseaux vivent dans la nuit et ne voient que leur ombre en reflet. Grâce à l’amour inconditionnel qui les anime encore, il leur faut trouver le courage de sortir de leur condition pour aller vers la lumière, le Bien, la Vérité et arriver à se fondre en elle comme le papillon se fond dans la flamme.

Le départ et la quête

Avant d’entamer le voyage vers les sept vallées (la symbolique de l’heptade est importante), il faut franchir le désert de la faim et la soif matérielle. Une fois franchie cette étape, le retour est impossible car l’éveil de la conscience et de l’âme à la possibilité de trouver son objet d’amour absolu est irréversible.
Les sept vallées regorgent de dangers mais surtout d’enseignements. Les oiseaux franchissent successivement les vallées du Désir, de l’Amour, de la Connaissance, de la Plénitude, de l’Unicité, de la Perplexité, du Dénuement et de l’Anéantissement pour arriver jusqu’au trône royal de la Sīmorgh, pareil à celui de Salomon. A chaque vallée, ils perdent des compagnons, au-dessus de chaque mont, certains d’entre eux abandonnent. Pourtant, à force de ténacité, d’humilité, de patience et de renoncement aux illusions de l’Ego, les oiseaux arrivent enfin au terme de leur quête et de leur cheminement spirituel. Exténués mais emplis du sens nouveau qu’ils ont trouvé à leur existence et leur place dans l’univers, les oiseaux attendent, le cœur battant, de rencontrer celle pour qui ils ont accompli ce périple. C’est alors qu’en entrant dans la salle du trône, ces 30 oiseaux, ces sī morgh (3) voient en lieu et place de leur dirigeant légitime, leur propre reflet.
Notes :
(1) Frankel, Ellen, The Classic Tales : 4,000 Years of Jewish Lore, 1989, 1993 by, Jason Aronson, Northvale, New Jersey p. 239-24.
(2) Contraction du moyen-perse anōšag ruwān : à l’âme immortelle.
(3) En persan : trente oiseaux. Homonymie entre le nom de l’oiseau mythique et les trente oiseaux qui se voient eux-mêmes au terme de cette quête spirituelle.