DE LA NORMALISATION DE LA POLITIQUE ÉTRANGÈRE LIBYENNE À LA RÉVOLUTION
ET L’INTERVENTION DE L’OTAN ; LES DERNIÈRES ANNÉES DE MOUAMMAR KADHAFI.
PARTIE 2 : LES ENJEUX ÉCONOMIQUES INTERNATIONAUX DE LA RÉHABILITATION DE
LA LIBYE : LE PÉTROLE ET LES DOLLARS, ÉTENDARDS DU « ROI DES ROIS
D’AFRIQUE »
ARTICLE PUBLIÉ LE 29/04/2019
ARTICLE PUBLIÉ LE 29/04/2019
Par Nicolas
Klingelschmitt
Καντάφυ-Σαρκοζύ 2007,
Après une décennie d’embargos
internationaux, la reconnaissance des attentats auxquels le gouvernement libyen
a participé, accompagnée du versement de compensations financières aux familles
des victimes constituent au début des années 2000 des pas importants vers la
levée des sanctions pour la Jamahiriya arabe libyenne. L’abandon complet de son
programme nucléaire militaire, vérifié par plusieurs contrôles de l’Agence
internationale de l’Energie atomique renforce cette dynamique. Le troisième
élément de ce triptyque vertueux est la lutte contre l’islamisme et ses
mouvances armées telles qu’Al Qaeda, cibles de la « war on terror »
américaine.
En réalité, si ce retour
en grâce est une aubaine pour la Libye, il fait également les affaires des
Etats européens et des Etats-Unis, dont les acteurs économiques retrouvent
accès à un généreux partenaire au sous-sol riche en hydrocarbures et avec qui
des liens avaient parfois été solidement noués.
La réouverture des mannes pétrolières vers l’Europe et
les Etats-Unis
Malgré
les embargos et les tensions diplomatiques, les Etats européens entretiennent
des relations économiques importantes avec la Libye, particulièrement dans le
secteur des hydrocarbures, qui détient une importance stratégique. Celle-ci est
telle qu’en mars 2002, avant même que le colonel Kadhafi ait annoncé renoncer à
la poursuite d’un programme nucléaire militaire et que les accords de
dédommagement des familles des victimes de Lockerbie et du vol UTA aient été
signés, le chantier d’un gazoduc reliant la Libye à l’Europe est lancé.
Ce
gazoduc long de 520 kilomètres, le « greenstream », est le plus long
pipeline sous-marin en mer Méditerranée, reliant Wafa dans le désert saharien
et près de la frontière algérienne à plus de 540 kilomètres au sud-ouest de
Tripoli, à Gela, en Sicile. La construction du site de Wafa, qui dénombre 27
puits de gaz et de pétrole, débute en août 2003 et s’achève par son
inauguration en présence de Silvio Berlusconi et Mouammar Kadhafi en février
2004, la production et le transport des hydrocarbures étant lancés en septembre
de la même année. Depuis, le site produit chaque jour en moyenne 37 000
barils de pétrole brut et 22 500 barils de gaz (1) directement exportés
vers l’Europe.
Il
convient de ne pas oublier qu’historiquement, avant l’embargo de 1991 et depuis
la période coloniale, la Libye avait notamment des liens économiques prononcés
avec l’Italie, qui avait conquis Tripoli et les régions avoisinantes dès 1911,
et des liens avec la France et le Royaume Uni, qui avaient administré le pays à
la capitulation de l’Italie pendant la Deuxième Guerre mondiale, en 1943.
L’administration militaire britannique gérait alors deux régions libyennes, la
Cyrénaïque et la Tripolitaine, tandis que la France assurait l’administration
du Fezzan, au sud. Les capitaux, les hommes
et les marchandises ont dont très longtemps fortement transité entre ces
riverains méditerranéens, et un nouveau souffle au commerce régional était plus
que bienvenu pour la grande majorité des acteurs économiques de la zone.
En janvier 2005, les
entreprises pétrolières américaines réinvestissent quant à elles officiellement
en Libye en obtenant des licences d’exploitation de sources d’hydrocarbures et
de gaz du gouvernement de Mouammar Kadhafi (2). L’année suivante, le
gouvernement de George W. Bush déclare officiellement que les Etats-Unis
entretiennent à nouveau des relations diplomatiques régulières et stables avec
la Libye.
La fin d’un dilemme
opposant opportunités économiques et considérations morales entre voisins
méditerranéens
Les Etats européens ont
toujours eu une grande dépendance énergétique vis-à-vis de leurs voisins, à
l’image du Greenstream évoqué précédemment. A titre d’exemple, en 1990, les 28
Etats de l’actuelle Union européenne importaient de l’extérieur de l’Union un
total de 442 millions de tonnes de pétrole brut ; il est à noter pour
comprendre l’importance des liens économiques entre la Jamahiriya et les pays
sur l’autre rive de la Méditerranée que la Libye était alors, avant même la
création du pipeline reliant Wafa (Libye) et Gela (Italie) l’un de leurs plus
gros fournisseurs, à raison de 50,5 millions de tonnes de pétrole brut
exportées par l’industrie des hydrocarbures libyenne (3).
Ainsi, lorsqu’un embargo
international est décrété en 1991 par résolution du Conseil de Sécurité de
l’ONU, les pays Européens, en particulier ceux du sud ayant une proximité
géographique avec la Libye, se retrouvent également pénalisés sur le plan
énergétique et économique. Le dilemme est moral : d’un côté, la Libye est
un pourvoyeur majeur d’hydrocarbures et de gaz aux réserves conséquentes, mais
de l’autre, c’est, en 1991, le commanditaire désigné d’attentats parmi les plus
meurtriers de l’époque (4).
Au début des années
2000, alors que la Libye a lancé son processus de réhabilitation diplomatique,
a reconnu sa responsabilité dans les attentats et assuré le dédommagement des
familles des victimes de ceux-ci, le dilemme ne se pose plus et les sanctions
sont officiellement levées ; des relations économiques peuvent alors être
publiquement relancées, en toute transparence. La Libye confortera même son
changement d’attitude et sa position de soutien à la lutte contre le terrorisme
en fournissant d’importantes informations sur l’IRA au gouvernement
britannique, alors que quelques années plus tôt, les services de renseignements
londoniens avaient intercepté des soutiens financiers à l’Irish Republican Army
par la Jamahiriya.
Si l’attitude des
Etats-Unis et de l’Italie a fondamentalement changé vis-à-vis de la Jamahiriya
arabe libyenne, c’est également le cas de celle de la France, qui ne tarde pas
à ouvrir en grand les portes du palais de l’Elysée au « roi des rois
d’Afrique » (5).
Retour sur la visite
diplomatique de la Libye de Mouammar Kadhafi à la France de Nicolas Sarkozy
En décembre 2007, et
adaptant une tradition touareg à son protocole diplomatique, le chef de l’Etat
libyen accompagné de sa délégation s’installe en visite officielle, sous tente,
face à l’Elysée. Il poursuit quelques jours plus tard sa tournée diplomatique
européenne en réitérant l’expérience à Madrid.
Cette visite
diplomatique agitera la presse internationale, le New York Times titrant
« Divided, France Welcomes and Condemns Qaddafi » (6) ("divisée,
la France accueille et condamne Kadhafi") montrant le paradoxe qu’offre
cette visite diplomatique loin de faire l’unanimité dans l’opinion publique
aussi bien que dans les rangs de la majorité présidentielle à l’époque. Rama
Yade, alors Secrétaire d’Etat aux Droits de l’Homme n’excluait pas le dialogue
avec la Libye, mais déclarait lors de la visite du dirigeant libyen être gênée
par cette visite, en particulier du fait que celle-ci avait lieu le jour de la
journée mondiale des droits de l’Homme : « le choix de cette date est
un symbole fort, je dirais même scandaleusement fort (…) notre pays n’est pas
un paillasson sur lequel un dirigeant, terroriste ou non, peut venir s’essuyer
les pieds du sang de ses forfaits » (7) confiait-elle à l’époque à la
presse française.
La France était
intervenue à peine 5 mois plus tôt comme médiateur en envoyant la première dame
de France de l’époque, Cécilia Attias (alors Cécilia Sarkozy) au sein d’une
délégation européenne visant à négocier la libération de 5 infirmières bulgares
et d’un médecin palestinien détenus par les autorités libyennes depuis 1999 et
victimes de tortures diverses, accusés d’avoir, sous couvert d’opération d’aide
humanitaire, inoculé le virus du sida à plusieurs centaines d’enfants libyens.
Le 24 juillet 2007 à Tripoli, Cécilia Attias et Claude Guéant prennent en
charge dès leur montée dans l’avion affrété par la république française ces 6
détenus libérés et les accompagnent jusqu’à Sofia. A l’approche de la visite
diplomatique libyenne du 10 décembre suivant, l’opinion publique est donc
encore fortement marquée par l’histoire de ces anciens prisonniers et du
traitement que leur avaient administré pendant près de 8 ans leurs geôliers
libyens.
Des perspectives
économiques finalement limitées pour les entreprises françaises
Les soutiens du
président de la république française verront dans cette visite un symbole de
réconciliation dans la lignée des rapprochements opérés par les Américains et
les voisins européens de la France vis-à-vis du pouvoir libyen après les effortsde ce dernier. On soulignera d’ailleurs
la realpolitik dont le président français fait preuve au vu des opportunités
qu’offre le portefeuille libyen ; la signature de contrats d’un montant
total se chiffrant en milliards d’euros qu’investirait le gouvernement libyen
dans des commandes auprès de l’industrie française est évoquée à l’occasion de
cette visite.
De ce point de vue, les
promesses économiques ont été tenues ; Mouammar Kadhafi valide l’achat (8)
par la Libye à l’entreprise Airbus de 21 appareils (9) qui équiperont la flotte
des compagnies Libyan Airlines et Afriqiyah, pour un total de 3,2 milliards de
dollars.
Sur le volet militaire,
la fin des sanctions de la communauté internationale contre la Libye, qui
inclut en outre la fin de l’embargo sur les ventes d’armes, ouvre de grandes
perspectives de contrats pour le secteur industriel français de la défense. Le
chef de l’Etat français annoncera donc avoir obtenu une déclaration d’intention
signée de la part de son homologue libyen quant à l’achat de 14 Rafale, ce que
confirme quelques jours plus tard Claude Guéant, alors secrétaire général de
l’Elysée, en précisant que des procédures ont été engagées (10). En outre, un
compromis semble également être trouvé pour l’achat de plusieurs hélicoptères
Tigre développé en coopération avec l’Allemagne et produit par Airbus
Helicopters.
Finalement, aucun de ces
appareils ne sera livré à l’armée libyenne, et les seuls contrats honorés
seront ceux des 21 Airbus moyen et long-courriers vendus à Libyen Airlines et
Afriqiyah.
Outre l’aviation civile
et l’équipement militaire, un troisième domaine, celui de l’énergie, fit
également l’objet de négociations ce 10 décembre 2007 à l’occasion de la visite
de Mouammar Kadhafi à Paris. En effet, suite au renoncement à la poursuite de
tout programme nucléaire militaire avec contrôle de l’Agence internationale de
l’Energie atomique, la Libye, ayant pu poursuivre un programme nucléaire civil,
semblait avoir trouvé un accord avec la France pour une coopération
inter-gouvernementale dans la réalisation de réacteurs nucléaires ayant pour
fonction le dessalement d’eau de mer (11). Ce projet, qui intéressait les
grands groupes industriels français du secteur de l’énergie avec en tête de
file Veolia, représentait un budget de près de deux milliards d’euros, et
celui-ci ne verra jamais le jour. La Libye n’y donnera en effet jamais suite, au
grand dam des entreprises et du gouvernement Français de l’époque.
Toutefois, si Kadhafi
est un partenaire qui ne tient pas toujours ses promesses pour le secteur
économique, la Libye joue aussi, pour l’Europe, un autre rôle représentant un
argument politique de poids.
Le « gardien des
frontières de l’Europe », un argument de plus pour la diplomatie libyenne
A la fin des années 1990
puis dans les années 2000, apparait une intensification des vagues migratoires
du Sud vers le Nord de la Méditerranée, un phénomène qui inquiète les Européens
et face auquel la Libye constitue un acteur incontournable.
Ces vagues migratoires
ont déjà à l’époque des causes multifactorielles parmi lesquelles peuvent alors
être cités les conflits subsahariens récurrents ou nouveaux, notamment la
guerre civile au Libéria, le coup d’Etat puis la crise politique ivoirienne
majeure, les premières grandes insurrections islamistes au Sahel, ou encore la
guerre du Kivu en République Démocratique du Congo, qui sont autant de causes
qui poussent des familles entières à traverser le continent africain vers le
Nord. La crise économique mondiale de 2007 est également un second facteur
majeur favorisant une tendance migratoire, puisque si elle affecte fortement
les pays développés, elle fait plonger plus dangereusement encore l’économie
souvent déjà fragile de nombreux pays d’Afrique subsaharienne.
Les Etats européens ont
alors la crainte (12), à l’époque, de voir apparaitre d’immenses vagues
migratoires aux portes Sud de l’Europe, près desquelles se trouve la Jamahiriya
arabe libyenne. En réalité, si de fortes migrations ont alors effectivement
lieu, une grande part d’entre elles ne vont pas jusqu’en Europe et les migrants
trouvent une certaine stabilité politique ainsi que des perspectives économiques
en Afrique du Nord, et notamment, justement, en Libye, qui a toujours été un
fort pourvoyeur d’emplois dans la région en plus d’être, avec le Maghreb, l’un
des deux passages obligés de l’Afrique subsaharienne vers l’Europe.
« Kadhafi mobilise la pression fantasmée d’une éventuelle présence
subsaharienne aux frontières méditerranéennes de l’Europe pour se présenter en
tant que partenaire incontournable de l’UE » (13) et ainsi, la Libye va
jouer la carte du gardien des frontières de l’Europe pour renforcer ses
alliances nouvelles avec l’Occident.
Finalement, malgré
l’ampleur de son renouveau diplomatique sur la scène internationale et la
reprise de forts liens économiques avec les puissances européennes et
américaine, la stratégie libyenne ne permettra cependant pas au régime de
survivre à la décennie 2010 et au printemps arabe. « Kadhafi fit très
longtemps l’affaire de beaucoup de monde, en Europe, mais en 2011, trois ans
après la grande crise économique mondiale, son rôle était en train de chuter »
(14).
Lire la partie 1
Notes :
(1) Wafa Field Mellitah Complex, Mellitah Oil & Gaz B.V, Libyan Branch.
URL : https://mellitahog.ly/en/sites/wafa-field/
(2) “2005 January - Libya’s first auction of oil and gas exploration licences heralds the return of US energy companies for the first time in more than 20 years” Libya’s timeline, a chronology of key events” BBC news, 3 Septembre 2018.
URL : https://www.bbc.com/news/world-africa-13755445
(3) La Norvège étant à l’époque juste devant la Libye avec 52 millions de tonnes de pétrole brut exportées vers les Etats membres de l’UE. Il est également à relever qu’au fil des décennies, la Russie s’est rapidement imposée comme le plus gros fournisseur des Etats de l’Union européenne, passant d’une exportation vers l’UE de 34,6 millions de tonnes de pétrole brut en 1990 à 119,5 millions de tonnes en 2000 et environ 170 millions de tonnes chaque année depuis 2010. Le tout aux dépens de la Libye, qui fournit l’Europe de manière erratique depuis la révolution de 2011 ; 14,2 millions de tonnes en 2011, 42,8 en 2012, puis à nouveau une chute progressive des exportations depuis 2013 (28 millions de tonnes) Source : Base de données de la Commission Européenne, section statistiques de l’énergie. URL : https://ec.europa.eu/eurostat/web/energy/data/database
(4) CF les attentats de Berlin, Lockerbie et UTA, objets d’un autre article du même auteur.
(5) Ce titre, Mouammar Kadhafi le détient depuis sa tournée en Afrique de l’Ouest au début de l’année 2009, où les chefs traditionnels locaux du Libéria, réunis à Freetown, l’intronisent sous ce titre. Il en confirmera l’usage en réitérant la cérémonie, cette fois entouré de chefs traditionnels libyens quelques mois plus tard, et demandera officiellement à être appelé ainsi notamment au sein de l’Union africaine où il exerce une très forte influence jusqu’à sa chute. Source : GHARBI Samir, « Kadhafi, roi des rois d’Afrique », Jeune Afrique, 13 janvier 2009. URL : https://www.jeuneafrique.com/205827/politique/kadhafi-roi-des-rois-d-afrique/
(6) SCIOLINO Elaine, “Divided, France Welcomes and Condemns Qaddafi”, The New York Times, 11 Décembre 2007. URL : https://www.nytimes.com/2007/12/11/world/europe/11france.html
(7) Extrait de l’entretien de Rama Yade au Parisien et à Aujourd’hui en France à l’occasion de la visite de Mouammar Kadhafi, 10 décembre 2007.
(8) « L’Elysée dévoile les premiers contrats avec la Libye », article du 10 décembre 2007, Le Figaro. URL : http://www.lefigaro.fr/societes-francaises/2007/12/10/04010-20071210ARTFIG00588-la-libye-achete-avions-airbus.php
(9) Plus précisément 4 A-350, 4 A-330, 7 A-320 pour Libyan Airlines et 6 A-350 pour Afrqiyah. (Source Op. Cit.)
(10) BLOCH Michaël, « Quand les responsables politiques croyaient avoir réussi à vendre le Rafale », 19 Décembre 2013, Le Journal Du Dimanche. URL : https://www.lejdd.fr/Politique/Quand-les-responsables-politiques-croyaient-avoir-reussi-a-vendre-le-Rafale-644726
(11) VERRON Michel, « Qu’a apporté la visite de Kadhafi à la France ? » 22 Février 2011, L’Express. URL : https://www.lexpress.fr/actualite/politique/qu-a-rapporte-la-visite-de-kadhafi-a-la-france_965242.html
(12) PERRIN Delphine, « Les migrations en Libye, un instrument de la diplomatie kadhafienne », Outre-Terre, 2009/3 (n° 23), p. 289-303. DOI : 10.3917/oute.023.0289. URL : https://www.cairn.info/revue-outre-terre1-2009-3-page-289.htm
(13) Ibid.
(14) « Les intérêts de la France en Libye et au Moyen-Orient. Entretien avec Lorenzo Declich, Mattia Toaldo », Outre-Terre, 2017/2 (N° 51), p. 238-240. DOI : 10.3917/oute1.051.0238. URL : https://www.cairn.info/revue-outre-terre-2017-2-page-238.htm
(1) Wafa Field Mellitah Complex, Mellitah Oil & Gaz B.V, Libyan Branch.
URL : https://mellitahog.ly/en/sites/wafa-field/
(2) “2005 January - Libya’s first auction of oil and gas exploration licences heralds the return of US energy companies for the first time in more than 20 years” Libya’s timeline, a chronology of key events” BBC news, 3 Septembre 2018.
URL : https://www.bbc.com/news/world-africa-13755445
(3) La Norvège étant à l’époque juste devant la Libye avec 52 millions de tonnes de pétrole brut exportées vers les Etats membres de l’UE. Il est également à relever qu’au fil des décennies, la Russie s’est rapidement imposée comme le plus gros fournisseur des Etats de l’Union européenne, passant d’une exportation vers l’UE de 34,6 millions de tonnes de pétrole brut en 1990 à 119,5 millions de tonnes en 2000 et environ 170 millions de tonnes chaque année depuis 2010. Le tout aux dépens de la Libye, qui fournit l’Europe de manière erratique depuis la révolution de 2011 ; 14,2 millions de tonnes en 2011, 42,8 en 2012, puis à nouveau une chute progressive des exportations depuis 2013 (28 millions de tonnes) Source : Base de données de la Commission Européenne, section statistiques de l’énergie. URL : https://ec.europa.eu/eurostat/web/energy/data/database
(4) CF les attentats de Berlin, Lockerbie et UTA, objets d’un autre article du même auteur.
(5) Ce titre, Mouammar Kadhafi le détient depuis sa tournée en Afrique de l’Ouest au début de l’année 2009, où les chefs traditionnels locaux du Libéria, réunis à Freetown, l’intronisent sous ce titre. Il en confirmera l’usage en réitérant la cérémonie, cette fois entouré de chefs traditionnels libyens quelques mois plus tard, et demandera officiellement à être appelé ainsi notamment au sein de l’Union africaine où il exerce une très forte influence jusqu’à sa chute. Source : GHARBI Samir, « Kadhafi, roi des rois d’Afrique », Jeune Afrique, 13 janvier 2009. URL : https://www.jeuneafrique.com/205827/politique/kadhafi-roi-des-rois-d-afrique/
(6) SCIOLINO Elaine, “Divided, France Welcomes and Condemns Qaddafi”, The New York Times, 11 Décembre 2007. URL : https://www.nytimes.com/2007/12/11/world/europe/11france.html
(7) Extrait de l’entretien de Rama Yade au Parisien et à Aujourd’hui en France à l’occasion de la visite de Mouammar Kadhafi, 10 décembre 2007.
(8) « L’Elysée dévoile les premiers contrats avec la Libye », article du 10 décembre 2007, Le Figaro. URL : http://www.lefigaro.fr/societes-francaises/2007/12/10/04010-20071210ARTFIG00588-la-libye-achete-avions-airbus.php
(9) Plus précisément 4 A-350, 4 A-330, 7 A-320 pour Libyan Airlines et 6 A-350 pour Afrqiyah. (Source Op. Cit.)
(10) BLOCH Michaël, « Quand les responsables politiques croyaient avoir réussi à vendre le Rafale », 19 Décembre 2013, Le Journal Du Dimanche. URL : https://www.lejdd.fr/Politique/Quand-les-responsables-politiques-croyaient-avoir-reussi-a-vendre-le-Rafale-644726
(11) VERRON Michel, « Qu’a apporté la visite de Kadhafi à la France ? » 22 Février 2011, L’Express. URL : https://www.lexpress.fr/actualite/politique/qu-a-rapporte-la-visite-de-kadhafi-a-la-france_965242.html
(12) PERRIN Delphine, « Les migrations en Libye, un instrument de la diplomatie kadhafienne », Outre-Terre, 2009/3 (n° 23), p. 289-303. DOI : 10.3917/oute.023.0289. URL : https://www.cairn.info/revue-outre-terre1-2009-3-page-289.htm
(13) Ibid.
(14) « Les intérêts de la France en Libye et au Moyen-Orient. Entretien avec Lorenzo Declich, Mattia Toaldo », Outre-Terre, 2017/2 (N° 51), p. 238-240. DOI : 10.3917/oute1.051.0238. URL : https://www.cairn.info/revue-outre-terre-2017-2-page-238.htm
Bibliographie
• BLOCH Michaël,
« Quand les responsables politiques croyaient avoir réussi à vendre le
Rafale », 19 Décembre 2013, Le Journal Du Dimanche.
URL : https://www.lejdd.fr/Politique/Quand-les-responsables-politiques-croyaient-avoir-reussi-a-vendre-le-Rafale-644726
• GHARBI Samir, « Kadhafi, roi des rois d’Afrique », Jeune Afrique, 13 Janvier 2009. URL : https://www.jeuneafrique.com/205827/politique/kadhafi-roi-des-rois-d-afrique/
• PERRIN Delphine, « Les migrations en Libye, un instrument de la diplomatie kadhafienne », Outre-Terre, 2009/3 (n° 23), p. 289-303. DOI : 10.3917/oute.023.0289. URL : https://www.cairn.info/revue-outre-terre1-2009-3-page-289.htm
• SCIOLINO Elaine, “Divided, France Welcomes and Condemns Qaddafi”, The New York Times, 11 Décembre 2007. URL : https://www.nytimes.com/2007/12/11/world/europe/11france.html
• VERRON Michel, « Qu’a apporté la visite de Kadhafi à la France ? » 22 Février 2011, L’Express. URL : https://www.lexpress.fr/actualite/politique/qu-a-rapporte-la-visite-de-kadhafi-a-la-france_965242.html
• Wafa Field Mellitah Complex, Mellitah Oil & Gaz B.V, Libyan Branch. https://mellitahog.ly/en/sites/wafa-field/
• “2005 January - Libya’s first auction of oil and gas exploration licences heralds the return of US energy companies for the first time in more than 20 years” Libya’s timeline, a chronology of key events” BBC news, 3 Septembre 2018. URL : https://www.bbc.com/news/world-africa-13755445
• Base de données de la Commission Européenne, section statistiques de l’énergie. URL : https://ec.europa.eu/eurostat/web/energy/data/database
====================================================================• GHARBI Samir, « Kadhafi, roi des rois d’Afrique », Jeune Afrique, 13 Janvier 2009. URL : https://www.jeuneafrique.com/205827/politique/kadhafi-roi-des-rois-d-afrique/
• PERRIN Delphine, « Les migrations en Libye, un instrument de la diplomatie kadhafienne », Outre-Terre, 2009/3 (n° 23), p. 289-303. DOI : 10.3917/oute.023.0289. URL : https://www.cairn.info/revue-outre-terre1-2009-3-page-289.htm
• SCIOLINO Elaine, “Divided, France Welcomes and Condemns Qaddafi”, The New York Times, 11 Décembre 2007. URL : https://www.nytimes.com/2007/12/11/world/europe/11france.html
• VERRON Michel, « Qu’a apporté la visite de Kadhafi à la France ? » 22 Février 2011, L’Express. URL : https://www.lexpress.fr/actualite/politique/qu-a-rapporte-la-visite-de-kadhafi-a-la-france_965242.html
• Wafa Field Mellitah Complex, Mellitah Oil & Gaz B.V, Libyan Branch. https://mellitahog.ly/en/sites/wafa-field/
• “2005 January - Libya’s first auction of oil and gas exploration licences heralds the return of US energy companies for the first time in more than 20 years” Libya’s timeline, a chronology of key events” BBC news, 3 Septembre 2018. URL : https://www.bbc.com/news/world-africa-13755445
• Base de données de la Commission Européenne, section statistiques de l’énergie. URL : https://ec.europa.eu/eurostat/web/energy/data/database
μέρος τρίτο:
DE LA NORMALISATION DE LA POLITIQUE
ÉTRANGÈRE LIBYENNE À LA RÉVOLUTION ET L’INTERVENTION DE L’OTAN ; LES
DERNIÈRES ANNÉES DE MOUAMMAR KADHAFI. PARTIE 3 : DE LA TRIBUNE DES NATIONS
UNIES À LA TÉLÉVISION NATIONALE, LA CHUTE DE KADHAFI À TRAVERS SES DISCOURS
ARTICLE PUBLIÉ LE 14/05/2019
Par Nicolas Klingelschmitt
A la tête de l’Union Africaine dès Février 2009, et
présidant la 64e session de l’Assemblée générale des Nations unies par le biais
de son ancien ministre des Affaires étrangères, la Jamahiriya arabe libyenne
semble enfin avoir pleinement réussi à investir la scène diplomatique mondiale.
Elle s’y présente comme un allié de la communauté internationale, et en
particulier des puissances occidentales, face au terrorisme. Mouammar Kadhafi
se permet donc un discours tantôt provocateur, tantôt constructif, tantôt
dénonciateur devant les leaders de cette communauté internationale tous réunis
à New York auprès desquels il rappelle son utilité et vante ses idées. Deux ans
plus tard, sur les ondes de la télévision nationale, c’est un Mouammar Kadhafi
fébrile et vindicatif à l’encontre de son propre peuple qui s’exprime à travers
un discours appelant à la lutte contre « des barbus », qu’il dénonce
comme tentant, une fois de plus, de renverser son régime.
Le dernier mouvement du « Roi des rois
d’Afrique » sur l’échiquier international
Le 23 septembre 2009 à la tribune de
l’Assemblée générale de l’Organisation des Nations unies, SEM Mouammar Kadhafi
se lance dans un (très long) discours parfois sous forme de diatribe au sein
duquel se mêlent des arguments souvent inattendus, tantôt mûris et réfléchis,
tantôt provocateurs et excentriques. Les chefs d’Etats et de gouvernements
membres de l’AGNU l’entendent ainsi énumérer des réflexions sur l’égalitarisme
au sein de l’organisation, ou encore remettre en cause la légitimité du Conseil
de sécurité et du privilège de droit de véto dont seuls disposent ses 5 membres
permanents tandis que des continents entiers n’y ont pas voix au chapitre. Il
dénonce pêle-mêle le caractère selon lui « sélectif » du Conseil de
sécurité, de la Cour internationale de Justice (CIJ) dont les décisions
seraient « uniquement rendues contre les petits pays et les nations du
tiers-monde » (1), ou encore de l’Agence Internationale de l’Energie
Atomique (AIEA) puisqu’elle ne serait selon lui « pas en mesure de
demander aux superpuissances de se laisser inspecter ».
Ces trois institutions ne sont pas
mentionnées au hasard. En effet, le Conseil de Sécurité a prononcé en 1992 la
résolution 748 imposant un embargo contre la Libye qui ne fut révoqué qu’en
2003 et la CIJ rend quant à elle en 1994 un arrêt (2) contre les prétentions
libyennes sur la bande d’Aouzou qu’elle avait annexée lors du conflit entre la
Libye et le Tchad. L’AIEA, enfin, avait procédé à une batterie de contrôles de
l’ensemble des installations nucléaires libyennes quelques années avant ce
discours (3).
Il défend également à cette occasion la cause de l’Union africaine et de
ses membres, particulièrement sa propre vision panafricaine évoquant un
« droit à 777 000 milliards de dollars de réparations » (4) pour
l’Afrique de la part « des pays qui l’ont colonisée » (5) reprenant
alors l’exemple de l’Italie qui, à travers son dirigeant de l’époque Silvio
Berlusconi, s’était un an plus tôt officiellement excusée pour la colonisation
de la Libye.
Le chef du gouvernement italien d’alors, en visite officielle à Benghazi le 30 août 2008, avait en effet déclaré « Le peuple libyen a subi une injustice et a été agressé chez lui et il mérite excuses et compensations (…) L’accord doit mettre fin à 40 ans de désaccord. C’est une reconnaissance concrète et morale des dommages infligés à la Libye par l’Italie pendant la période coloniale. (…) L’accord portera sur un montant de 200 millions de dollars par an durant les 25 prochaines années sous forme d’investissements dans des projets d’infrastructure en Libye » (6) ; une première dans l’histoire des relations entre les anciens colonisateurs et colonisés, résultant en la signature d’un traité d’amitié et de coopération italo-libyen (7).
Le chef du gouvernement italien d’alors, en visite officielle à Benghazi le 30 août 2008, avait en effet déclaré « Le peuple libyen a subi une injustice et a été agressé chez lui et il mérite excuses et compensations (…) L’accord doit mettre fin à 40 ans de désaccord. C’est une reconnaissance concrète et morale des dommages infligés à la Libye par l’Italie pendant la période coloniale. (…) L’accord portera sur un montant de 200 millions de dollars par an durant les 25 prochaines années sous forme d’investissements dans des projets d’infrastructure en Libye » (6) ; une première dans l’histoire des relations entre les anciens colonisateurs et colonisés, résultant en la signature d’un traité d’amitié et de coopération italo-libyen (7).
Au-delà de propositions constructives ou
en tout cas légitimes et de dénonciations ciblées, le chef de l’Etat libyen
s’adonne aussi à des envolées plus surprenantes ou pour le moins originales
comme une proposition de relocaliser le siège de l’ONU à Syrte, pour soulager
les Américains de leur obligation permanente d’empêcher une attaque terroriste
à l’encontre du siège, rappelant crûment les attentats du 11 septembre 2001, et
développe un argumentaire selon lequel le siège des Nations unies devrait d’ailleurs
déménager tous les 50 ans, et que l’installer dans « un lieu intermédiaire
et confortable » (8) permettrait d’éviter un trop important décalage
horaire que subissent les chefs d’Etats les plus éloignés de New York
lorsqu’ils viennent adresser un discours à la tribune de l’ONU. Il précise par
ailleurs qu’« un terroriste peut aussi venir faire sauter ce bâtiment qui,
d’ailleurs, est la cible d’Al Qaida (…) les opérations [du 11 Septembre 2001]
étaient peut être dirigées contre ce lieu, qui est la prochaine cible
visée » ; il se justifie en précisant le fondement de ses
propos : « des dizaines de membres d’Al Qaida sont en effet détenus
dans nos prisons et leurs aveux sont très troublants. L’Amérique vit ainsi sous
très haute tension car le bâtiment de l’ONU peut être la cible d’un
détournement d’avion ou d’un missile pouvant entrainer la mort de dizaines de
chefs d’Etat. Nous voulons soulager l’Amérique de ce poids ».
Outre l’originalité et la pertinence
inégale de ses arguments, sa référence au terrorisme rappelle le rôle d’allié
que tient la Libye dans la « war on terror » américaine depuis sa
réhabilitation, tout comme celle des vagues migratoires qu’il glissera dans son
long discours (9) comme une des conséquences de la colonisation, souligne la
position stratégique de la Jamahiriya sur les routes migratoires de l’Afrique
subsaharienne vers l’Europe.
Si le leader libyen se permet une sortie
par instants si provocante bien que mesurée puisqu’il prend soin de ne
prononcer aucun argument ad hominem ou à l’encontre d’un Etat-membre en
particulier, c’est sans doute qu’il se sait, ou tout le moins se pense, à
l’abri de toute ire de par sa nouvelle position d’allié économique et
diplomatique des puissances occidentales.
La Libye est à cette période au paroxysme de son influence auprès des
instances de coopération multilatérale :
un ex ministre libyen chargé des
affaires africaines, Ali Triki, auquel Mouammar Kadhafi fait plusieurs fois référence
dans son discours, préside alors l’Assemblée générale des Nations unies depuis
quelques jours, coopté par le groupe des Etats africains et des Etats arabes
puis élu à la majorité par les délégations d’Etats membres.
depuis le 2 février 2009, Mouammar
Kadhafi est élu à la tête de l’Union Africaine pour un an (10), lui permettant
de s’exprimer légitimement au nom de tout le continent dont il s’est toujours
réclamé être le héraut de par sa vision politique panafricaniste.
un an plus tard, le 13 mai 2010, la
Libye est élue au Conseil des droits de l’homme de l’ONU pour trois ans. Elle
sera toutefois suspendue par une résolution votée à l’unanimité par les Etats
membres de l’Assemblée générale le 1er mars 2011, une « condamnation
unanime par la communauté internationale des exactions commises par le régime
libyen » (11).
Ces « exactions » sont liées aux troubles internes puis à la guerre qui secoue le pays à partir de février 2011, en conséquence desquels, deux ans après avoir prononcé son discours (analysé précédemment), Mouammar Kadhafi meurt le 20 octobre 2011 à Syrte, là même où il avait proposé d’installer le siège de l’Assemblée générale des Nations unies.
Ces « exactions » sont liées aux troubles internes puis à la guerre qui secoue le pays à partir de février 2011, en conséquence desquels, deux ans après avoir prononcé son discours (analysé précédemment), Mouammar Kadhafi meurt le 20 octobre 2011 à Syrte, là même où il avait proposé d’installer le siège de l’Assemblée générale des Nations unies.
Des troubles populaires et identitaires secouent le
régime jusqu’à sa chute
Il est de notoriété publique que Mouammar
Kadhafi mettait ouvertement l’Islam en avant lors de ses visites diplomatiques,
notamment en Afrique de l’Ouest, y compris dans des Etats où les musulmans ne
représentaient qu’une modeste partie de la population, comme ce fut le cas à
titre d’exemple lors de sa visite au Togo (12). A Sokodé, au centre du pays, le
leader libyen dirige, le 18 juin 2008, une prière musulmane dans un stade
occupé par 8 000 fidèles, en présence du Président et du Premier ministre
Togolais, tous deux chrétiens. Le guide de la révolution, théâtral, évoquant le
président Faure Gnassimbé comme son « fils » (13) déclarera
d’ailleurs à cette occasion que « ceux qui campent sur une religion autre
que l’islam sont dans l’erreur » (14). Toutefois, sa vision de l’Islam
n’est ni fondamentaliste ni rigoriste, la mise en place de politiques publiques
favorisant notamment l’éducation et l’engagement dans l’armée (15) pour les
Libyennes pouvant s’apparenter à une vision progressiste ou en tout cas
avant-gardiste de la religion du prophète.
Dans son discours à l’AGNU de 2009, il
mentionne « des dizaines de membres d’Al Qaeda » retenus dans ses
prisons, autant d’individus radicaux qui constituaient une menace pour
l’Occident mais également pour la survie de son propre régime qui, s’il a
longtemps financé diverses mouvances du terrorisme international, a réprimé et
emprisonné de nombreux membres d’organisations radicales présentes sur son
territoire qui auraient pu déstabiliser son régime. La société libyenne qu’a
façonnée Mouammar Kadhafi peut être qualifiée de relativement conservatrice, au
sein de laquelle l’Islam joue néanmoins un rôle important (16), et des cellules
de salafistes ainsi que de djihadistes ont pu se maintenir actives en passant
sous les radars des autorités libyennes ou en s’installant dans des zones
relativement reculées du pays.
Si leur nombre et leur influence se sont multipliés à la chute du
régime, on dénombrait déjà plusieurs organisations salafistes et/ou djihadistes
sous l’ère Kadhafi sur le territoire de la Jamahiriya arabe libyenne.
L’un des plus actifs d’entre eux est le Groupe islamique libyen armé (GILA), créé en 1995 et principalement actif à l’est du pays, près de Dema et Benghazi et dont certains ex-leaders sont aujourd’hui basés à Tripoli même si le groupe est dissout depuis 2010. Ce groupe de quelques centaines de membres était principalement composé de combattants formés en Afghanistan et au Soudan dans les années 1990-2000 parmi les rangs des talibans et d’Al Qaeda dont ils se scindèrent, ne partageant pas entièrement l’idéologie. Ils revendiquent plusieurs tentatives d’assassinat sur Mouammar Kadhafi avant un coup de filet du gouvernement qui envoie une majorité des membres du groupe dans les prisons libyennes à la fin des années 1990 (17).
L’un des plus actifs d’entre eux est le Groupe islamique libyen armé (GILA), créé en 1995 et principalement actif à l’est du pays, près de Dema et Benghazi et dont certains ex-leaders sont aujourd’hui basés à Tripoli même si le groupe est dissout depuis 2010. Ce groupe de quelques centaines de membres était principalement composé de combattants formés en Afghanistan et au Soudan dans les années 1990-2000 parmi les rangs des talibans et d’Al Qaeda dont ils se scindèrent, ne partageant pas entièrement l’idéologie. Ils revendiquent plusieurs tentatives d’assassinat sur Mouammar Kadhafi avant un coup de filet du gouvernement qui envoie une majorité des membres du groupe dans les prisons libyennes à la fin des années 1990 (17).
Certains chefs du groupe se sont écartés
du djihadisme depuis 2007 notamment dans le cadre d’un programme de dialogue
initié par l’un des fils de Mouammar, Saif al Islam Kadhafi. 250 d’entre eux
ont ainsi été libérés peu avant 2010 après s’être officiellement excusés auprès
du régime et avoir renoncé au djihad. On retrouve d’ailleurs d’anciens membres
parmi les actuels parlementaires et membres du Congrès général national libyen.
Malgré cette politique de réintégration
opérée par le régime, d’autres ex-membres du GILA sont restés proches des
mouvances salafistes et djihadistes, en intégrant ensuite des groupes comme
Ansar al-Charia (les défenseurs de la charia), créé à la chute du régime en
2011 et actif dans la même région que l’ex GILA, qui revendiquera notamment
l’assassinat de l’ambassadeur américain J.C Stevens le 11 septembre 2012 à
Benghazi.
Dès les années 1990, alors que le pays est confronté à de lourdes
sanctions économiques internationales qui font monter la contestation populaire
contre le pouvoir en place, Mouammar Kadhafi fait face, sur son territoire, à
de plus en plus d’islamistes radicaux (18) qui cherchent à déstabiliser le
régime et le renverser. Les mouvances se réclamant d’un islam politique
trouvent quant à elles un certain écho au sein de la société libyenne,
conservatrice, dès la décennie 1980, et le gouvernement accuse tout opposant,
islamiste ou non, de faire partie de l’organisation des Frères musulmans (19)
pour museler toute contestation.
Ainsi le 22 février 2011, une semaine après les premières manifestations populaires à Benghazi qui s’étendent dans différentes villes du pays, principalement composées de jeunes, Mouammar Kadhafi et son gouvernement annoncent avoir à faire à « des jeunes qui ont entre 16 et 18 ans (…) en train d’imiter ce qui s’est passé en Tunisie et en Egypte » et ils accusent du même coup des mouvances s’apparentant clairement aux Frères musulmans ; « une minorité malade se cache dans les villes et donne de l’argent à ces jeunes pour les pousser à commettre de tels actes », des « barbus », « une minorité terroriste qui veut transformer la Libye en émirat » (20).
Ainsi le 22 février 2011, une semaine après les premières manifestations populaires à Benghazi qui s’étendent dans différentes villes du pays, principalement composées de jeunes, Mouammar Kadhafi et son gouvernement annoncent avoir à faire à « des jeunes qui ont entre 16 et 18 ans (…) en train d’imiter ce qui s’est passé en Tunisie et en Egypte » et ils accusent du même coup des mouvances s’apparentant clairement aux Frères musulmans ; « une minorité malade se cache dans les villes et donne de l’argent à ces jeunes pour les pousser à commettre de tels actes », des « barbus », « une minorité terroriste qui veut transformer la Libye en émirat » (20).
Face à cette situation, le guide appelle
alors à la contre-révolution dans un long discours à la télévision
libyenne : « Je vous demande de vous attaquer à ces personnes pour
restaurer l’autorité populaire. Des officiers libres dirigeront ces opérations.
(…) Tous les jeunes doivent créer demain les comités de défense de la
révolution : ils protègeront les routes, les ponts, les aéroports. Tout le
monde doit prendre le contrôle de la rue, le peuple libyen doit prendre le
contrôle de la Libye, nous allons leur montrer ce qu’est une révolution
populaire ».
A l’époque, la grande majorité des experts
internationaux (21) s’accorde à réfuter le discours tenu par le clan Kadhafi
selon lequel des mouvances telles que les Frères musulmans ou même Al Qaeda
seraient à l’origine des soulèvements contre son exercice du pouvoir. A l’image
des vagues de contestation qui ont émergé en Tunisie, en Egypte, à Bahreïn ou
encore en Syrie et que la postérité retiendra comme le Printemps arabe, la
communauté internationale estime que la Libye vit une authentique insurrection
populaire. Des centaines de milliers de personnes prennent part à ces
manifestations à travers les différentes villes de la Jamahiriya arabe
libyenne.
Dans l’ensemble des Etats où ces
manifestations se déroulent, celles-ci sont menées par une jeunesse aux
aspirations communes : plus de démocratie, de libertés individuelles et
collectives, et une dénonciation de la crise économique qui touche la plupart
des pays arabes à l’époque provoquant une forte inflation et augmentant le
nombre de chômeurs déjà important chez les jeunes. Le cas de la Libye, par la
guerre civile et les interventions internationales qui s’en sont suivies ainsi
que le chaos qui perdure encore aujourd’hui, en fait un cas spécifique et
particulièrement complexe parmi les printemps arabes qui mérite d’être analysé
en profondeur. S’il a bien mené à la chute du pouvoir autoritaire en place, il
n’a toujours pas fait éclore les aspirations populaires d’alors et affiche
encore un avenir incertain.
Notes :
(1) Extrait du discours de SEM Mouammar Kadhafi à l’Assemblée Générale de l’ONU à New York le 23 septembre 2009.
(2) Cour Internationale de Justice, Recueil des arrêts, avis consultatifs et ordonnances, « Affaire du différend territorial (Jamahiriya Arabe Libyenne / Tchad) », Arrêt du 3 Février 1994, ISBN 92-1 -070707-9
(3) Le développement de ces trois thématiques est à retrouver dans les articles précédents du même auteur sur les Clés du Moyen-Orient : https://www.lesclesdumoyenorient.com/Du-panarabisme-decevant-au-panafricanisme-deferent-l-evolution-de-la-politique-2800.html .
(4) Extrait du discours de SEM Mouammar Kadhafi à l’Assemblée Générale de l’ONU à New York le 23 Septembre 2009.
(5) Ibid.
(6) France 24, « L’Italie présente ses excuses à la Libye pour la colonisation ».
(7) TERRANOVA Giuseppe, « Le contre-exemple italo-libyen », Outre-Terre, 2009/3 (n° 23), p. 363-369. DOI : 10.3917/oute.023.0363. URL : https://www.cairn.info/revue-outre-terre1-2009-3-page-363.htm
(8) Extrait du discours de SEM Mouammar Kadhafi à l’Assemblée Générale de l’ONU à New York le 23 Septembre 2009.
(9) L’intégralité du discours, analysé par 4 commentateurs aux profils variés (universitaires, diplomates et hommes d’affaires) est disponible dans l’ouvrage « Afriques, panafrique, des racines à l’arbre, 55 discours marquants commentés par 127 personnalités », PP. 580-623, un ouvrage dirigé par Christophe BASTID et Patrick BEY, publié en Janvier 2018 aux éditions Fabert, 1040 pages.
(10) Rappelons qu’il demandera d’ailleurs à cette occasion à ses pairs d’être « officiellement appelé roi des rois traditionnels d’Afrique » suite aux différentes cérémonies organisées la même année lors de son voyage officiel en Afrique de l’Ouest puis à son retour en Libye.
(11) Représentation permanente de la France auprès des Nations unies à Genève et des organisations internationales en Suisse ; « Suspension de la Libye du Conseil des Droits de l’Homme », archive publiée le 3 mars 2011. URL : https://onu-geneve.delegfrance.org/Suspension-de-la-Libye-du-Conseil
(12) Au Togo, d’après les chiffres les plus récents, 14% de la population pratique l’Islam, pour 44% de chrétiens et 35% de pratiquants des religions traditionnelles https://africa.la-croix.com/statistiques/togo/
(13) Agence internationale de presse coranique, « Mouammar Kadhafi salue la propagation pacifique de la foi islamique au Togo », article du 16 Juin 2008.
(14) VAÏSSE Maurice, « Les relations internationales depuis 1945 », 15e édition.
(15) Au vu de multiples témoignages postérieurs à sa chute, l’usage avéré des contingents militaires féminins, les « amazones » de Mouammar Kadhafi, comme concubines ou esclaves sexuelles relativise toutefois sérieusement les intentions en faveur des droits des femmes du leader libyen.
(16) SIZER Lydia, « Libya’s Terrorism Challenge, Assessing the Salafi-Jihadi Threat », Middle East Institute, Counterterrorism Series, October 2017.
(17) Ibid.
(18) ZOUBIR Yahia H., « Contestation islamiste et lutte antiterroriste en Libye (1990-2007) », L’Année du Maghreb [En ligne], IV | 2008, mis en ligne le 01 octobre 2011, consulté le 03 avril 2019.
URL : http://journals.openedition.org/anneemaghreb/452
DOI : 10.4000/anneemaghreb.452
(19) BURGAT François, DOWELL William, « The Islamic Movement in North Africa », University of Texas at Austin Press, 1993.
(20) Le Monde & Reuters, « Khadafi : « je me battrai jusqu’à la dernière goutte de mon sang ».
(21) RANSTORP Magnus, directeur de recherches du Centre d’étude des menaces asymétriques du Collège de défense suédois, interview du 25 février 2011 pour le Figaro : « Ce qui se passe en Libye dépasse de loin Al Qaïda. (…) C’est un vrai mouvement populaire. Je ne crois pas que nous devrions être trop inquiets d’une implication de ben Laden dans tout cela. (…) Al Qaïda n’est plus en Libye depuis des années. Le régime a réussi à les réprimer, les emprisonner ou les forcer à l’exil. Ils n’ont plus de base dans le pays. Ils ont été pris au dépourvu par ce qui se passe ». URL :http://www.lefigaro.fr/flash-actu/2011/02/25/97001-20110225FILWWW00523-al-qaida-en-libye-mensonge-de-kadhafi.php
(1) Extrait du discours de SEM Mouammar Kadhafi à l’Assemblée Générale de l’ONU à New York le 23 septembre 2009.
(2) Cour Internationale de Justice, Recueil des arrêts, avis consultatifs et ordonnances, « Affaire du différend territorial (Jamahiriya Arabe Libyenne / Tchad) », Arrêt du 3 Février 1994, ISBN 92-1 -070707-9
(3) Le développement de ces trois thématiques est à retrouver dans les articles précédents du même auteur sur les Clés du Moyen-Orient : https://www.lesclesdumoyenorient.com/Du-panarabisme-decevant-au-panafricanisme-deferent-l-evolution-de-la-politique-2800.html .
(4) Extrait du discours de SEM Mouammar Kadhafi à l’Assemblée Générale de l’ONU à New York le 23 Septembre 2009.
(5) Ibid.
(6) France 24, « L’Italie présente ses excuses à la Libye pour la colonisation ».
(7) TERRANOVA Giuseppe, « Le contre-exemple italo-libyen », Outre-Terre, 2009/3 (n° 23), p. 363-369. DOI : 10.3917/oute.023.0363. URL : https://www.cairn.info/revue-outre-terre1-2009-3-page-363.htm
(8) Extrait du discours de SEM Mouammar Kadhafi à l’Assemblée Générale de l’ONU à New York le 23 Septembre 2009.
(9) L’intégralité du discours, analysé par 4 commentateurs aux profils variés (universitaires, diplomates et hommes d’affaires) est disponible dans l’ouvrage « Afriques, panafrique, des racines à l’arbre, 55 discours marquants commentés par 127 personnalités », PP. 580-623, un ouvrage dirigé par Christophe BASTID et Patrick BEY, publié en Janvier 2018 aux éditions Fabert, 1040 pages.
(10) Rappelons qu’il demandera d’ailleurs à cette occasion à ses pairs d’être « officiellement appelé roi des rois traditionnels d’Afrique » suite aux différentes cérémonies organisées la même année lors de son voyage officiel en Afrique de l’Ouest puis à son retour en Libye.
(11) Représentation permanente de la France auprès des Nations unies à Genève et des organisations internationales en Suisse ; « Suspension de la Libye du Conseil des Droits de l’Homme », archive publiée le 3 mars 2011. URL : https://onu-geneve.delegfrance.org/Suspension-de-la-Libye-du-Conseil
(12) Au Togo, d’après les chiffres les plus récents, 14% de la population pratique l’Islam, pour 44% de chrétiens et 35% de pratiquants des religions traditionnelles https://africa.la-croix.com/statistiques/togo/
(13) Agence internationale de presse coranique, « Mouammar Kadhafi salue la propagation pacifique de la foi islamique au Togo », article du 16 Juin 2008.
(14) VAÏSSE Maurice, « Les relations internationales depuis 1945 », 15e édition.
(15) Au vu de multiples témoignages postérieurs à sa chute, l’usage avéré des contingents militaires féminins, les « amazones » de Mouammar Kadhafi, comme concubines ou esclaves sexuelles relativise toutefois sérieusement les intentions en faveur des droits des femmes du leader libyen.
(16) SIZER Lydia, « Libya’s Terrorism Challenge, Assessing the Salafi-Jihadi Threat », Middle East Institute, Counterterrorism Series, October 2017.
(17) Ibid.
(18) ZOUBIR Yahia H., « Contestation islamiste et lutte antiterroriste en Libye (1990-2007) », L’Année du Maghreb [En ligne], IV | 2008, mis en ligne le 01 octobre 2011, consulté le 03 avril 2019.
URL : http://journals.openedition.org/anneemaghreb/452
DOI : 10.4000/anneemaghreb.452
(19) BURGAT François, DOWELL William, « The Islamic Movement in North Africa », University of Texas at Austin Press, 1993.
(20) Le Monde & Reuters, « Khadafi : « je me battrai jusqu’à la dernière goutte de mon sang ».
(21) RANSTORP Magnus, directeur de recherches du Centre d’étude des menaces asymétriques du Collège de défense suédois, interview du 25 février 2011 pour le Figaro : « Ce qui se passe en Libye dépasse de loin Al Qaïda. (…) C’est un vrai mouvement populaire. Je ne crois pas que nous devrions être trop inquiets d’une implication de ben Laden dans tout cela. (…) Al Qaïda n’est plus en Libye depuis des années. Le régime a réussi à les réprimer, les emprisonner ou les forcer à l’exil. Ils n’ont plus de base dans le pays. Ils ont été pris au dépourvu par ce qui se passe ». URL :http://www.lefigaro.fr/flash-actu/2011/02/25/97001-20110225FILWWW00523-al-qaida-en-libye-mensonge-de-kadhafi.php
Bibliographie :
BASTID Christophe, BEY Patrick,
« Afriques, Panafrique, Des Racines à l’arbre, 55 discours marquants
commentés par 127 personnalités »,
Editions Fabert, 17 Janvier 2018, 1039
pages.
BURGAT François, DOWELL William,
« The Islamic Movement in North Africa », University of Texas at
Austin Press, 1993.
SIZER Lydia, « Libya’s Terrorism Challenge,
Assessing the Salafi-Jihadi Threat », Middle East Institute, Counterterrorism
Series, October 2017
TERRANOVA Giuseppe, « Le contre-exemple
italo-libyen »,
Outre-Terre, 2009/3 (n° 23),
p. 363-369. DOI : 10.3917/oute.023.0363.
URL : https://www.cairn.info/revue-outre-terre1-2009-3-page-363.htm
VAÏSSE Maurice, « Les relations
internationales depuis 1945 »,
15e édition, Editions Armand Collin, 2013
ZOUBIR Yahia H., « Contestation
islamiste et lutte antiterroriste en Libye (1990-2007) », L’Année du
Maghreb [En ligne], IV | 2008, mis en ligne le 01 octobre 2011.
URL : http://journals.openedition.org/anneemaghreb/452
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