COMPTE RENDU DE L’EXPOSITION
« C’EST BEYROUTH », INSTITUT DES CULTURES D’ISLAM, 28 MARS-23 JUILLET
2019
ARTICLE PUBLIÉ LE 24/04/2019
Par Claire Pilidjian
Présentée à l’Institut des Cultures d’Islam depuis le
mois de mars, l’exposition « C’est Beyrouth » offre à ses visiteurs
un regard franc sur la capitale libanaise. Le commissaire de l’exposition, Sabyl
Ghoussoub, a réuni seize artistes différents, certains libanais, d’autres
étrangers, afin d’y mêler leurs visions de la ville. En résulte une exposition
d’une grande qualité, et si les grands thèmes attendus sont bien là – la
cohabitation de différentes religions, l’ambiance festive de Beyrouth, la
mémoire de la guerre ou encore les réfugiés palestiniens – les photographies et
les films présentés travaillent à dépasser les clichés généralement convoqués
sur la ville.
La guerre comme point de départ
Le point de départ choisi par Sabyl
Ghoussoub est la guerre de juillet 2006, qui oppose durant trente-trois jours
les Libanais aux forces israéliennes. Événement traumatisant pour les Libanais,
la guerre survient alors que Beyrouth achève de se reconstruire des vestiges de
la guerre civile. Elle marque aussi le début d’une nouvelle période pour les
Beyrouthins, qui, depuis, semblent vivre dans un entre-deux entre guerre et
paix. La première œuvre présentée dans l’exposition est signée par le Libanais
Fouad Elkoury. Photographe durant la guerre civile entre 1975 et 1990, Fouad
Elkoury s’est distingué en diversifiant les sujets de ses photographies,
incluant ainsi des images de sa femme et de leur enfant ou encore des portraits
de miliciens. Le projet vidéo présenté dans « C’est Beyrouth »,
intitulé On War and Love, rassemble des photographies de la guerre de 2006 sur
lesquelles se superposent des phrases issues de son journal intime ainsi que
des fragments de textes écrits pour l’occasion. C’est ainsi qu’il utilise comme
métaphore de la guerre israélo-libanaise sa séparation d’avec sa compagne de
l’époque : à la poésie très intime du texte font écho les paysages
dévastés saisis par l’objectif de Fouad Elkoury.
Crédit
photo : Fouad Elkoury, On War and Love, 2019
Beyrouth au travers des corps
On ne saurait concevoir Beyrouth sans
l’omniprésence des corps masculins et féminins qui l’habitent. Le corps y a en
effet toute son importante, y compris dans la futilité que cela implique – une
futilité à prendre peut-être au sérieux, car certains, à l’image de Bilal
Khbeiz, rappellent que « seule la futilité empêche ce pays de reprendre le
jeu extrême qui, pendant trois décennies, a généré une véritable dépendance à
la mort ». Le corps des Beyrouthins apparaît ainsi dans la première salle
de l’exposition ; il est glorifié par le soleil, dans la série des
Bronzeurs de Vianney Le Caer. On découvre sur la corniche de la ville une
dizaine d’hommes au teint hâlé, occupés à fumer, faire du sport, se baigner, ou
même encore prier.
Crédit photo : Vianney Le Caer, Les Bronzeurs,
2015-2016
Une certaine ironie n’est pas absente des
deux autres corps masculins qui font face aux Bronzeurs : deux policiers
en uniforme se tiennent près de leur moto, dans une posture et une mise en
scène qui n’est pas sans évoquer des personnages de série américaine des années
1980. Symbole d’un pouvoir parfois arbitraire, les policiers photographiés par
Ziad Antar dégagent une image de la virilité qui interroge le spectateur.
La religion
Thème incontournable quand il s’agit de la
multiconfessionnelle Beyrouth, la religion se décline dans l’exposition sous
les appareils de quatre artistes. Patrick Baez, tout d’abord, originellement
photographe de guerre, a voulu donner un témoignage visuel de la communauté des
Chrétiens d’Orient au Liban. L’exposition propose une série d’une dizaine de
photographies de l’artiste français, mêlant maronites et orthodoxes. Il montre
ainsi que bien que les Chrétiens soient aujourd’hui moins nombreux
proportionnellement au Liban qu’il y a plusieurs décennies, leur présence est
loin d’être remise en question ; des statues gigantesques aux processions
religieuses qui animent les quartiers chrétiens de la ville, les Chrétiens
d’Orient ont une présence très marquée à Beyrouth. Patrick Baz nous raconte
aussi comment est vécue la foi à Beyrouth – parfois presque dans l’excès, à
l’image de cette femme au corps tatoué qui affirme que les lettres tracées sur
son corps l’ont été par Dieu, ou de cette colossale statue du Christ entravant
la circulation dans la rue.
Crédit photo : Patrick Baz, Chrétiens du Liban,
2015-2016
Crédit photo : Patrick Baz, Chrétiens du Liban,
2015-2016
En face, A night in Beyrouth de Sirine
Fattouh nous plonge dans le quotidien – matinal – du « Tabbal »,
l’homme qui réveille les musulmans pendant le Ramadan en frappant chaque matin
à leur porte. L’artiste a suivi « al-Tabbal » durant ses tournées
afin d’en réaliser un film. Ces quelques minutes révèlent toute la fragilité
d’un patrimoine immatériel en déclin.
Ce patrimoine immatériel croise aussi
religion et pratiques culinaires, comme le montre la photographe Nathalie
Naccache, dont la série de photographies montre plusieurs familles fêtant
l’Iftar (la rupture du jeun les soirs de Ramadan). Des milieux les plus aisés
aux camps de réfugiés palestiniens, l’Iftar reste pour les familles musulmanes
l’occasion de se réunir.
Crédit photo : Nathalie Naccache, Iftars, 2013
Enfin, l’une des œuvres les plus
saisissantes de l’exposition rassemble les photographies d’Ammar Hassan. Des
miliciens chiites du Hezbollah ont en effet accepté de dévoiler les nombreux
tatouages couvrant leur corps devant le photographe : sourates
calligraphiées, représentation d’Ali ou portrait de Hassan Nasrallah, chef
spirituel du Hezbollah. On hésite ici entre une preuve de dévotion extrême
envers ces figures religieuses et une forme de coquetterie – l’un des miliciens
photographiés admettant que le visage d’Ali tatoué sur son épaule l’aide à
séduire les filles…
Crédit photo : Ammar Hassan, Tatouages chiites,
2016
Communautés et minorités à la marge
L’exposition se poursuit dans l’espace
Stephenson, second bâtiment de l’Institut des Cultures d’Islam. L’étage
rassemble des photographies des groupes, communautés et minorités que Beyrouth
semble laisser à la marge. On retrouve tout d’abord la jeunesse beyrouthine –
cette jeunesse que l’on imagine festive et emplie d’espoir. Pourtant, c’est un
tout autre visage que nous révèle l’artiste Cha Gonzalez ; en s’immisçant
dans les soirées de la capitale libanaise au cœur de la nuit, elle retranscrit
la tristesse et le désarroi de cette jeunesse prise dans l’entre-deux de la
guerre et de la paix et qui peine à s’engager politiquement. L’alcool et la
drogue apparaissent comme des échappatoires mais ne font finalement
qu’exacerber cette mélancolie profonde.
Crédit photo : Cha Gonzalez, Abandon, 2018
Dans la même salle, les œuvres de Mohamad
Abdouni et de Roy Dib font également place à une communauté peu visible et
confrontée à des difficultés nombreuses. Queers et homosexuels doivent en effet
faire face à une société qui s’ouvre peu à peu, mais qui reste encore
intolérante envers la communauté LGBT+.
La seconde salle de l’étage fait place aux
femmes immigrées victimes du système de kafala : venues travailler dans le
domaine du care auprès de la bonne société libanaise mais aussi de milieux
moins aisés qui y ont recours, ces femmes sont réduites à un état de
quasi-esclavage ; leur passeport est confisqué par le
« sponsor » qui les recrute, et elles bénéficient rarement de temps
libre. C’est pourtant lors de ces temps précis que la photographe Myriam Boulos
a souhaité immortaliser ces femmes : la série « C’est dimanche »
les représente dans leurs occupations personnelles, au marché, à la prière, ou
encore chez le coiffeur.
Crédit photo : Myriam Boulos, C’est dimanche,
2015
Crédit photo : Myriam Boulos, C’est dimanche,
2015
Deux artistes se sont également penchés
sur la question des réfugiés palestiniens. La photographe Dalia Khamissy s’est
rendue de nombreuses fois dans les camps de réfugiés palestiniens et raconte le
quotidien de ces hommes, de ces femmes et de ces enfants, mêlé de souffrance et
d’espoir ; car ce dernier n’est malgré tout pas absent, comme le révèle un
léger sourire sur les lèvres d’une femme sur l’un des clichés, ou encore, à
nouveau, la futilité d’un groupe de jeunes hommes rivés sur leurs smartphones à
la recherche de nouvelles rencontres sur des applications. Le vidéaste
Christophe Donner a quant à lui suivi le sculpteur palestinien Rahman
Katanani : les œuvres de ce dernier, fabriquées avec des tôles récupérées
dans le camp tristement célèbre de Sabra où il vit, ont été récemment exposées
à Paris.
Enfin, l’exposition réserve une dernière
surprise : Sabyl Ghoussoub a en effet réinvesti le hammam actuellement en
restauration de l’Institut des Cultures d’Islam, et le visiteur y découvre une
série de vidéos de Joana Hadjithomas et Khalil Joreige (exposés au Jeu de Paume
en 2016 et réalisateurs de Je veux voir, en 2008, avec Catherine Deneuve). Ils
proposent sept portraits filmés de Beyrouthins « exclus » qui se
livrent à un témoignage souvent poignant sur la vie difficile qu’ils mènent
dans la capitale libanaise. On croise ainsi, au détour de couloirs carrelés de
bleu-vert, le profil d’un jeune homme racontant une enfance compliquée en tant
que fils d’immigrés noirs, ou encore le visage muet d’un Syrien âgé incapable
de mettre des mots sur son expérience.
« C’est Beyrouth », du 28 mars au 23 juillet 2019, à
l’Institut des Cultures d’Islam, Paris 19e : mardi, mercredi, jeudi,
samedi et dimanche de 11h à 19h et vendredi de 16h à 20h. Gratuit.
ENTRETIEN AVEC SABYL GHOUSSOUB,
COMMISSAIRE DE L’EXPOSITION « C’EST BEYROUTH » PRÉSENTÉE À L’INSTITUT
DES CULTURES D’ISLAM (28 MARS-28 JUILLET 2019)
ARTICLE PUBLIÉ LE 17/04/2019
Propos recueillis par Claire Pillidjian
Né à Paris, Sabyl Ghoussoub est un écrivain,
chroniqueur, photographe et commissaire d’exposition franco-libanais. Entre
2012 et 2015, il a été directeur du festival du film Libanais de Beyrouth. Son
premier roman Le nez juif est sorti en mars 2018 aux éditions
de l’Antilope.
Il revient pour Les clés du Moyen-Orient sur l’exposition « C’est Beyrouth » présentée à l’Institut des Cultures d’Islam.
Il revient pour Les clés du Moyen-Orient sur l’exposition « C’est Beyrouth » présentée à l’Institut des Cultures d’Islam.
Pourquoi faire une exposition sur Beyrouth ?
D’abord des raisons personnelles, une
forme d’obsession : je suis né et j’ai grandi à Paris, puis je suis parti
à Beyrouth vers 18 ans. J’y ai travaillé pendant une dizaine d’années, et quand
je suis revenu en France, j’avais envie d’oublier Beyrouth. Mais tout le temps
où je suis resté à Paris, j’ai été obsédé par Beyrouth. J’accumulais des séries
de photos, des films, je lisais tout ce qui se faisait dessus. Petit à petit
s’est créée dans mon ordinateur une série de photos qui m’intriguaient, comme
celles de Vianney Le Caer, ou de Patrick Baz sur les Chrétiens du Liban. Un
dossier d’exposition a vu le jour, je l’ai envoyé à l’Institut qui souhaitait
précisément faire quelque chose sur Beyrouth. Dans ces images-là, j’ai trouvé
un Beyrouth que j’avais connu et que je n’avais jamais vu ailleurs,
artistiquement parlant. Il fallait un point de départ : j’ai choisi la
guerre de 2006, qui a opposé Israël et le Liban pendant 33 jours. Cette guerre
survient après les quinze années de reconstruction qui ont suivi 1990, et alors
qu’un élan d’espoir traversait la ville, ainsi qu’un renouveau économique. Vers
mai-juin 2006, on prévoyait même un million de touristes au Liban (membres de
la diaspora compris). Alors depuis cet événement, à Beyrouth, on est dans un
moment ni de guerre, ni de paix.
Pourquoi appeler l’exposition « C’est Beyrouth » ?
Au début, l’exposition devait s’appeler
« Chercher Beyrouth », car c’était exactement ma démarche lorsque je
collectais toutes ces photographies : comprendre Beyrouth. Finalement, ce
n’a pas été possible car l’Institut des Cultures d’Islam a présenté une
exposition « Cherchez l’erreur » peu de temps auparavant.
« C’est Beyrouth » sonnait bien : le but est d’aller au-delà des
clichés que l’on entend sur Beyrouth, autant celui de la guerre, du chaos, que
de la crise du Moyen-Orient, ou que de celle d’une ville où l’on ferait sans
arrêt la fête. L’exposition se veut également un témoignage de Beyrouth, une
façon de dire que Beyrouth peut être beaucoup de choses, mais que c’est aussi
cela.
Comment est organisée l’exposition ?
J’ai abordé les œuvres davantage par
affinités esthétiques que sous un angle thématique. C’est seulement à la fin,
après les avoir toutes réunies, que j’ai identifié avec l’aide de Bérénice
Saliou (directrice artistique de l’ICI) quatre thématiques : le corps, la
religion, les communautés à la marge et les minorités ignorées. Concernant les
artistes, j’avais envie de confronter des regards de photographes reconnus et
émergents, et aussi d’artistes français, européens et libanais. On ne voit pas
la ville de la même façon si l’on est de Beyrouth ou non. Par exemple, les
bronzeurs de la corniche ont interpellé Vianney Le Caer, initialement venu
photographier des réfugiés syriens. Il a été étonné par cette réalité – la
proximité de ces hommes en maillot de bain, dont les corps s’exposent au soleil
– tellement forte dans la ville que les artistes locaux en font abstraction. Il
fallait un regard étranger à Beyrouth pour qu’elle surprenne à nouveau.
L’exposition est organisée dans les deux
bâtiments de l’Institut des Cultures d’Islam. Les deux premières parties sont
dans le site de l’Institut rue Léon tandis que les séries sur les communautés
et les minorités sont situées dans le bâtiment de la rue Stephenson. J’ai aussi
réinvesti le hammam de l’Institut, qui doit fonctionner après l’exposition.
Enfin, la dernière pièce de l’exposition, « Beirutopia », se déploie
sur le mur extérieur du site Stephenson. Elle cherche à montrer comment la
ville est en train de se transformer. Par un jeu de mise en abyme avec des
images 2D et 3D se mélangent des panneaux publicitaires de projets immobiliers
qui vont être construits et des vrais scènes de vie : des scooters, des
passants, etc. L’objectif est de confronter l’individu aux transformations
urbaines de Beyrouth. La construction de ces immeubles passe par la destruction
d’une partie du patrimoine architectural de la ville. Ces immeubles font de
Beyrouth une sorte de reproduction de Dubaï, tellement leur construction est
chaotique ; mais surtout, ces immeubles sont immenses et souvent vides,
car la population n’a pas suffisamment d’argent pour y acheter des
appartements, et les plus aisés qui en ont les moyens sont souvent issus de la
diaspora et n’y passent donc que quelques semaines par an.
Pourquoi aborder la question du corps ?
L’attention au corps, au paraître, est
très marquée à Beyrouth. On peut le voir dans la série des bronzeurs de Vianney
Le Caer mais aussi dans les photographies des tatouages des miliciens du
Hezbollah de Hassan Ammar. Dans ces dernières, les miliciens beyrouthins du
Hezbollah révèlent sur leur torse les représentations de figures religieuses
chiites comme Ali ou Hussein, ou encore le visage de Hassan Nasrallah, le chef
de l’organisation.
Cette futilité peut presque devenir
agaçante ! Mais je crois qu’elle est finalement nécessaire à la ville, car
sans elle, on serait probablement capable de prendre les armes dès demain et de
recommencer la guerre… Comme le note l’écrivain Bilal Khbeiz, « Seule la
futilité empêche ce pays de reprendre le jeu extrême qui, pendant trois
décennies, a généré une véritable dépendance à la mort ». La situation
dans la région est telle que cette préoccupation pour l’apparat forme une
échappatoire dans la ville. Même un milicien du Hezbollah a avoué au
photographe s’être tatoué pour plaire aux filles ! C’est un peu paradoxal…
Quelle image de la jeunesse est présentée dans
l’exposition ?
On a un peu abandonné le politique dans la
région – ma génération, du moins, ne sait plus vraiment comment l’aborder. J’ai
donc voulu présenter des gens que l’on ne voit plus, des problèmes que l’on ne
sait plus traiter autrement que par l’art. La série de photographies de Cha
Gonzalez montre une jeunesse libanaise très délaissée. Après avoir vécu au
Liban une partie de sa jeunesse, Cha Gonzalez a étudié aux Arts Déco à Paris.
Là, elle s’est aperçue d’un changement de pratiques et de comportement de ses
amis beyrouthins, avec une consommation souvent abusive de drogues et d’alcool.
La photographe a voulu se demander en quoi la guerre de 2006 demeurait dans
l’inconscient de ces jeunes. Elle s’est donc rendue dans les soirées
beyrouthines pour chercher à connaître les guerres intérieures de tous ces
jeunes. En 2018, je lui ai proposé de revenir au Liban. La série qu’elle en a
tirée et qui est pour partie présentée à l’Institut s’appelle
« Abandon ». Je voulais parler de la jeunesse dans cette exposition,
mais je ne savais pas vraiment comment, et je refusais de le faire comme on la
montre en général ; je l’ai vécue, et je sais que ces images, pleines de
tristesse et de mélancolie, sont très réelles. L’alcool est souvent triste à
Beyrouth ! Ces images montrent bien la mélancolie que j’ai toujours
ressentie au Liban dans la fête – mais aussi en Israël, où, sans doute, cet
entre-deux entre la guerre et la paix est commun au Liban.
Pourquoi réunir les « femmes domestiques
migrantes » et les réfugiés palestiniens dans une même salle ?
Je voulais montrer les gens qui n’ont
pratiquement aucun droit dans la vie dans le pays. Les « femmes
domestiques migrantes », que l’on appelle au Liban « bonnes »,
ou « femmes de ménage », sont soumises au régime de la Kefala :
venues de pays divers – Philippines, Ethiopie, etc. – pour travailler au
service de familles libanaises, ces femmes se voient confisquer leur passeport
par leur « sponsor ». Mais la série ne les montre pas dans les
moments les plus difficiles de leur quotidien. Au contre, on les voit le
dimanche, c’est-à-dire le jour de la semaine où elles ne sont plus femmes de
ménage. La photographe Myriam Boulos a suivi ces femmes quand elles se
maquillent, qu’elles vont danser, qu’elles font leurs propres courses. C’est
une réalité qui nous est plutôt inconnue. En revanche, le film documentaire de
Maher Abi Samra « Chacun sa bonne » (présenté dans le cycle de films
documentaires organisé dans le cadre de l’exposition) nous montre l’autre face
de cette réalité : le réalisateur a placé sa caméra dans l’une des agences
qui ramène ces jeunes femmes au Liban. Ce documentaire est particulièrement
cruel, car il montre comment les familles libanaises recrutent leur employée
sur des critères souvent racistes.
De même, concernant les réfugiés
palestiniens, j’ai souhaité une autre approche qu’une série de photos
« misérabilistes » comme on peut en trouver. La photographe Dalia
Khamissy a passé beaucoup de temps auprès des réfugiés syriens. Ses images
transmettent certes une grande mélancolie, mais également une note
d’espoir : elles retracent les parcours des réfugiés rencontrés, souvent
terribles, mais les montrent toujours emplis d’espérance. Quant à la vidéo
présentée dans la salle, elle est le travail d’un artiste venu à Beyrouth pour
raconter autre chose que les Palestiniens, la guerre, etc. ; mais il avoue
finalement avoir été repris par la question des réfugiés palestiniens, qui font
partie de Beyrouth. Il suit un artiste palestinien, Abdul Rahman Katanani, qui
fabrique des sculptures à partir de tôles ondulées récupérées sur le camp de
Sabra où il vit. Le film montre l’opposition entre deux discours sur
l’art ; celui tenu par un écrivain, tombé amoureux des sculptures de
Katanani présentées dans une galerie parisienne, et qui en vante la dimension
artistique, tandis que le sculpteur palestinien insiste pour n’y voir rien
d’autre qu’un acte de résistance politique.
« C’est Beyrouth », du 28 mars au 28 juillet 2019, Institut
des Cultures d’Islam, 75018 Paris.
https://www.institut-cultures-islam.org/cest-beyrouth/
https://www.institut-cultures-islam.org/cest-beyrouth/
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