Compte rendu de lecture : Anne
Blunt, A Pilgrimage to Nejd, the cradle of the Arab race
Par Margot Lefèvre
Publié le 09/02/2021 • modifié le 09/02/2021 • Durée de lecture : 9 minutes
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A Pilgrimage
to Nejd, the cradle of the Arab race, publié en
1881, est le récit par Anne Blunt du voyage qu’ils entreprirent, elle et son
époux, dans la région du Nejd située au cœur de l’actuelle Arabie saoudite
durant l’hiver 1878-1879.
Lady
Anne Blunt, voyageuse et cavalière
Anne Isabella Noel King,
connue sous le nom d’Anne Blunt, est née le 22 septembre 1837. Elle est la
fille du comte et de la comtesse de Lovelace : William King, mathématicien,
et Augusta Ada Byron, également mathématicienne et assistante de Charles
Babbage, inventeur britannique du principe de l’ordinateur [1].
Durant son enfance, Anne Blunt s’est initiée aux diverses passions qui
l’animeront plus tard : elle a beaucoup voyagé en Europe, appris plusieurs
langues, a débuté la peinture et a développé son amour pour les chevaux [2].
En 1869, elle se marie à Wilfried Scawen Blunt [3],
un diplomate, poète et essayiste anglais, avec qui elle a une fille, Judith,
née en 1873.
Le couple Blunt visite pour la
première fois le Moyen-Orient en 1873 [4].
Pour François Pouillon, les Blunt se rendent principalement dans cette région
afin de trouver et d’acheter des chevaux arabes [5]. Puis en 1877-1878, Anne et William
Blunt se rendent en Syrie, un voyage raconté dans Bedouin tribes of the
Euphrates, publié en 1879. Ils rencontrent alors plusieurs tribus bédouines qui
leur expliquent qu’ils sont plus susceptibles de trouver « des
bêtes […] en descendant plus au sud, au centre de la Péninsule » [6],
un périple effectué pendant l’hiver 1878-1879, relaté par Anne Blunt dans A
Pilgrimage to Nejd, the cradle of the Arab race, publié en 1881.
En 1872, ils héritent d’un
domaine situé dans le sud de l’Angleterre, dans le Sussex [7],
qu’ils transformeront cinq ans plus tard en haras sous le nom de Crabbet
Arabian Stud, avec les différents chevaux qu’ils ramèneront de leurs voyages au
Moyen-Orient. En 1882, ils fondent un deuxième haras dans le domaine de Sheykh
Obeyd, situé près de la ville du Caire [8].
En 1906, Anne et William Blunt
se séparent. Anne Blunt quitte l’Angleterre et s’installe dans le domaine de
Sheykh Obeyd en 1913 [9].
Elle y décède le 15 décembre 1917.
A
Pilgrimage to Nejd, the cradle of the Arab race, publié en 1881
Anne Blunt explique que ce
voyage au Nejd avec son époux durant les années 1878-1879 est un
« complément naturel » de leur excursion dans le désert de Syrie et
en Mésopotamie, fait en 1878 (ils sont partis de Beyrouth, ont traversé le nord
de la Syrie, se sont dirigé vers Bagdad en passant par la Mésopotamie. Ils sont
ensuite remontés vers le nord puis l’ouest jusqu’au port d’Alexandrette (situé
en Turquie actuelle)). En effet, après ce premier voyage, Anne et William Blunt
décident d’accompagner leur guide et ami, Mohammed Ibn Aroûk, fils du cheikh de
Palmyre, dans la région du Nejd. Ce dernier souhaite en effet s’y rendre afin
d’y retrouver des parents, mais surtout de trouver une épouse « de sa
race » (p. 3). William Blunt explique, dans la préface de l’ouvrage, que
« l’assistance dans le choix d’une épouse, aux yeux des Arabes nomades,
est considérée comme équivalent au don d’une jument, ou à l’aide personnelle à
la guerre » (p. 3). Leur voyage dans le Nejd se planifie donc autour de la
recherche de la famille d’Ibn Aroûk (p. 6). Le trajet du périple est ainsi
organisé avec une arrivée des Blunt à Beyrouth, un passage à Damas, puis une
descente avec leur caravane vers le sud jusqu’à Haïl après avoir traversé le
désert du Nefoud. Ils remontent ensuite vers le nord jusqu’à la ville de
Bagdad.
Un
périple jusqu’aux villes de Djôf et de Meskakeh dans un climat hivernal
Durant l’automne 1878, Anne et
William Blunt arrivent à Beyrouth, puis se rendent à Damas afin d’y organiser
une caravane composée de vivres, de chameaux et de plusieurs serviteurs. Afin
de ne pas attirer l’attention, ils s’habillent comme les nomades avec une
djibbeh, un abâya, un keffiyeh attaché avec une aghal.
Le 13 décembre 1878, Anne Blunt, son époux, leur ami et guide Mohammed Ibn
Aroûk et leurs accompagnateurs partent vers Mezarib puis s’engagent dans les
régions intérieures du Hauran en direction de Bozra. Anne Blunt décrit le
paysage qu’ils traversent : les terres sont fertiles mais les villages,
hommes et bêtes, sont dépendants des précipitations. La ville de Bozra se
compose de ruines romaines et d’un château occupé par une garnison turque.
Le 20 décembre 1878, après des heures de marche, ils arrivent au village de
Salkhad situé sous une forteresse et dont les habitants sont Druzes. Ils se
rendent ensuite à Melakh afin de rencontrer le cheikh des Druzes du Hauran,
Husayn el-Atrach, qui leur assure une certaine forme de protection face aux
tribus nomades du désert, notamment les Sirdieh et les Kreysheh. Metem est le
dernier village dans lequel ils se rendent, la suite de leur périple se fera
dans le désert du Nejd. Après avoir rencontré la tribu des Kreysheh, ils se
dirigent difficilement en raison du climat vers le village de Kâf. Lorsqu’ils y
arrivent le 28 décembre, Anne Blunt décrit l’accueil chaleureux du cheikh
Abdallah el-Kamir. Kâf est un village doté d’une végétation importante
(palmiers, figuiers, vignes…), la maison dans laquelle les Blunt sont hébergés
est faite de murs en terres sans fenêtres. Au cours de cette étape, la présence
de leur ami Mohammed Ibn Aroûk est très bénéfique : il permet d’adoucir le
regard des locaux sur les Blunt qui sont alors traités comme des « Arabes
de naissance » (p. 33). Durant tout leur périple, Anne Blunt s’attache à
décrire précisément l’environnement dans lequel elle évolue. Le climat hivernal
du désert est très rude malgré leurs habits faits de fourrure, le vent est
souvent violent et froid et les tempêtes de sables sont régulières.
Le 3 janvier 1879, Anne Blunt
et sa caravane doivent faire face à leur première grande mésaventure : un
pillage organisé par les Roala d’Ibn Debaa, qui voulaient leur prendre leurs
armes et leurs juments. Cependant, les négociations menées par leur ami
Mohammed Ibn Aroûk avec les Roala permettent d’épargner les Blunt.
Le 5 janvier 1879, ils arrivent au Djôf. Il ne s’agit pas d’une région pleine
de culture comme Anne Blunt s’y attendait, mais d’une ville simple entourée de
murs en terre qui ne contient pas plus de 600 maisons situées autour du château
de Madrid. Quelques cultures sont présentes en dehors des murs ainsi qu’une
douzaine de fermes. Lors de cette étape au Djôf, Anne Blunt s’exprime pour la
première fois sur son intérêt pour les chevaux. Elle les recherche dans cette
ville, mais explique que ne s’y trouvent ni chevaux, ni chameaux, ni ânes.
La suite de leur périple
prévoit de rencontrer Nassr Ibn Aroûk, membre de la famille de leur guide, qui
habite la ville de Meskakeh. Les Blunt et Mohammed Ibn Aroûk partent ainsi en
direction de la ville, située à 32 kilomètres de Djôf. Meskakeh est une ville
plus vaste que Djôf avec près de 700 maisons et d’une citadelle qui domine la
ville. Lorsqu’elle arrive dans la ferme de Nassr Ibn Aroûk, Anne Blunt
s’intéresse particulièrement à « la vie domestique des Arabes » (p.
54) et songe à trouver une épouse pour Mohammed au sein de cette famille.
Muttra, la dernière fille de Jazi Ibn Aroûk, est la seule femme non mariée de
la famille. Anne Blunt la dépeint comme une jeune femme intelligente aux grands
yeux noirs. Cependant, le jeune âge de Muttra pose problème et le mariage est
convenu pour l’année suivante contre « une douaire de quarante à cinquante
livres » (p. 61). Pendant ces négociations, Anne Blunt s’entretient, quant
à elle, avec le gouverneur du Djôf, Djôhar, qu’elle décrit comme étant un
« despote fantaisiste », afin d’obtenir son aval dans le but de
poursuivre leur route vers Haïl, suite de leur périple.
Atteindre
Haïl en passant par le désert du Néfoud
Le 12 janvier 1879, Anne Blunt
et son époux arrivent dans le désert du Nefoud qu’elle qualifie de « grand
désert rouge de l’Arabie centrale » (p. 69). Elle est frappée par sa
couleur, semblable « à la rhubarbe » et « à la magnésie »,
un rouge éclatant, « presque cramoisi le matin », mais également par
sa richesse naturelle en bois et en pâturages.
Avant d’arriver dans la ville
de Haïl, Anne Blunt passe par Djobba, située au sud du Nefoud. Selon elle, ses
habitants sont « les plus grossiers […] des Arabes du Nedjed ». Le 24
janvier 1879, Anne Blunt arrive dans la ville de Haïl et rencontre l’émir Ibn
Rachid dans son palais. Elle décrit alors précisément le lieu dans lequel elle
se trouve ainsi que son hôte. Sa figure est « étrange » (p. 100),
Anne Blunt le compare à Richard III, avec « ses joues maigres, blêmes,
creuses, sa lèvre mince, l’expression pénible de son visage, excepté lorsqu’il
sourit […] C’est le vrai type d’une conscience bourrelée, ou de quelqu’un
qui a peur d’être assassiné » (p. 101). Dans cette ville, ils sont logés
dans une « maison double », « sans prétention, mais
suffisante » (p. 106) : Anne Blunt et son mari sont « enchantés
de pouvoir nous reposer enfin de notre long voyage » (p. 106).
Leur rencontre avec l’émir du
Haïl, Ibn Rachid, est très importante pour les Blunt. En effet, ce dernier
possède près d’une quarantaine de juments réunies dans deux cour-écuries, huit
étalons et une trentaine de poulains. Anne Blunt explique alors que le haras
d’Ibn Rachid est le plus célèbre de l’Arabie, remplaçant celui de Faysal Ibn
Saoud. Elle déplore néanmoins les conditions de vie des chevaux et leur
traitement.
Elle raconte également une promenade à cheval avec l’émir du Haïl, des amis et
des serviteurs, l’émir montant une jument blanche, et son « alezan
khrusieh » le suivant. Au cours de cette promenade, Anne et William Blunt
rencontrent Ali Koli khan, fils du grand khan des Bakhtiari, qui revenait de La
Mecque. Les Blunt sont invités par le jeune Perse, qui parle « un mauvais
arabe » (p. 126), et se plaint de tout ce qu’il considère comme étant
« arabe » : pauvreté des villes, ignorance des habitants,
brigandages des nomades, extorsions des fournisseurs… Les Arabes sont pour lui
« des sauvages, des buveurs de cafés, non des buveurs de thé » (p.
128).
Au début février 1879, Anne
Blunt et sa caravane quittent Haïl pour Bagdad.
De Haïl
à Bagdad
Accompagnés de plusieurs
milliers de pèlerins persans et d’environs 5000 chameaux, les Blunts se
dirigent vers la ville de Bagdad.
Après une traversée de la ville de Taybetism le 7 février, le voyage se
poursuit. Outre les descriptions des paysages et villages traversés, Anne Blunt
s’emploie à faire un récit culinaire de son voyage : elle mange des
sauterelles, qu’elle qualifie de « mets excellents »,
« meilleures bouillies » (p. 154). Un goût qui « ne diffère pas
du blé vert ». Le matin est le meilleur moment pour faire la chasse aux
sauterelles, engourdies par le froid, groupées par centaines dans les buissons
du désert. Ces insectes dévorent tous les végétaux et sont, à leur tour, mangés
par les animaux (hyènes, chevaux, chameaux…) et par tous les habitants du
désert.
Anne Blunt explique également comment, le 14 février, à la suite d’une
rencontre avec six hommes montés sur des dromadaires, les Blunt et leur guide
décident de rencontrer Mouttlak Ibn Aroûk, un parent de ce dernier. Mouttlak
Ibn Aroûk est un « beau vieillard, tranquille et modeste » (p. 168)
qui possède une jument « assortie à sa personne » (p. 168). Anne
Blunt apprend qu’auparavant, les juments pouvaient être enlevées pour le haras
de Riyad et qu’Ibn Saoud aurait même été jusqu’à déclarer la guerre pour
prendre les juments.
Le 23 février, Anne et William Blunt, ainsi que Mouttlak Ibn Aroûk qui a décidé
de les accompagner dans la poursuite de leur voyage, arrivent dans la plaine du
Mahamieh. Ils placent dans la tribu de Mouttlak « une maison de
poil » afin d’y entretenir quelques nadja, une jument ou deux et un petit
troupeau de moutons. Comme l’explique Anne Blunt : « Nous aurions un
pied-à-terre au désert, indépendant du monde entier » (p. 182). Le 25
février, après un long et épuisant voyage de plus de 80 km de marche en deux
jours (Anne Blunt ne ressent pas une fatigue particulière puisqu’elle se
déplace essentiellement à cheval ou à dos de chameau), ils découvrent la ville
de Mechhed-Ali, entourée de murailles et de plusieurs tours. Pour Anne blunt,
cette ville est « l’idéal d’une ville d’Orient située dans un désert
absolu, nue et sans alentours ». La grande mosquée d’Ali est présente avec
« un dôme étincelant », il s’agit du tombeau d’Ali tenu par les
chiites (p. 189). Anne et William Blunt disant alors adieu à Mouttlak Ibn Aroûk
et partent pour Bagdad. À leur arrivée dans la ville, leur caravane est
dispersée. Le récit d’Anne Blunt s’achève par le départ de Mohammed Ibn Aroûk
qui pour des raisons politiques doit retourner à Tadmour (Palmyre).
Anne et William Blunt
retournent en 1879 en Angleterre après un périple de 2 000 miles. Après ce
voyage dans le Nejd, les Blunt se rendront en Syrie mais surtout en Egypte dans
leur domaine de Sheykh Obeyd. Malgré leur admiration pour les tribus du désert,
ils ne retourneront jamais en Arabie [10].
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Irak
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Liban
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Syrie
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Histoire
Publié le 09/02/2021
MARGOT
LEFÈVRE
Après avoir obtenu une
double-licence en histoire et en science politique, Margot Lefèvre a effectué
un Master 1 en géopolitique et en relations internationales à l’ICP. Dans le
cadre de ses travaux de recherche, elle s’intéresse à la région du Moyen-Orient
et plus particulièrement au Golfe à travers un premier mémoire sur le conflit
yéménite, puis un second sur l’espace maritime du Golfe et ses enjeux. Elle
s’est également rendue à Beyrouth afin d’effectuer un semestre à l’Université
Saint-Joseph au sein du Master d’histoire et de relations internationales.
Notes
[1] LADY
ANNE BLUNT A BIOGRAPHY (Book), (2004) Middle East, (343), p. 65. Lien URL : http://search.ebscohost.com.ezproxy.normandie-univ.fr/login.aspx?direct=true&db=aph&AN=12599704&lang=fr&site=ehost-live.
[2] “Lady
Anne Blunt 1837-1917 Granddaughter of the Poet Lord Byron, Lady Anne Blunt Was
the First European Woman to Explore Central Arabia, and is Considered the
Saviour of the Pure-Blood Arabian horse (Late Great Geographers #43).”
Geographical, vol. 76, no. 5, Circle Publishing Ltd, Mai 2004, p. 15.
[3] Idem.
[4] Idem.
[5] François Pouillon, « À la recherche de la race
arabe : cheval et voyage en Arabie centrale au XIXe siècle », Arabian
Humanities [En ligne], 8 | 2017, mis en ligne le 30 avril 2017, consulté le 25
octobre 2020. URL : http://journals.openedition.org/cy/3321
[6] Idem.
[7] « Tribus bédouines de l’Euphrate »,
Bibliothèque Numérique mondiale, consulté le 23 octobre 2020.
[8] Ibid.
[9] Lady
Anne Blunt 1837-1917 Granddaughter of the Poet Lord Byron, op. cit., p. 15.
[10] Christine
Kelly, “A Pilgrimage of Passion : The Life of Wilfried Scawen Blunt by
Elizabeth Longford”, The Geographical Journal, Vol. 146, No. 2 (Jul., 1980),
p.305.
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