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Le « Hezbollah turc » et le « Front
islamique du grand Orient » : retour sur deux mouvements
‘terroristes’ islamistes turcs méconnus (1/2). Le Hezbollah turc
Par Emile Bouvier
Publié le 19/01/2021 • modifié le 20/01/2021 • Durée de lecture : 13 minutes
https://www.lesclesdumoyenorient.com/Le-Hezbollah-turc-et-le-Front-islamique-du-grand-Orient-retour-sur-deux.html
A general view of the city of Mardin is seen,
22 March 2006, south eastern Turkey.
AFP PHOTO/MUSTAFA OZER
MUSTAFA OZER / AFP
L’affaire
fait grand bruit en Turquie : un aide de camp de la
présidence turque, Hamza Yerlikaya, aurait eu des liens dans le passé avec le
« Front islamique du grand Orient » [1],
un mouvement terroriste islamiste dont aurait fait partie un autre proche du
Président Recep Tayyip Erdoğan, Metin Külünk [2].
De
fait, le nom de « Front islamique du grand Orient », également
appelé « Combattants du Front du grand Orient islamique »
(IBDA-C : İslami Büyük Doğu Akıncılar Cephesi) fait résonner en Turquie
les échos d’une époque trouble, celle des années des deux dernières décennies
du XXème siècle : mettant fin à l’atmosphère de guerre civile des
années 1970, le coup d’Etat du 12
septembre 1980 vient bouleverser les dynamiques
socio-politiques en Turquie et de nouveaux groupes clandestins apparaissent ou
décident de prendre les armes : le Parti des travailleurs
du Kurdistan (PKK), créé en 1978, décide de passer aux
actions armées en 1984 et sera suivi, six ans plus tard, par l’IBDA-C, créé en
1970. Créé en partie en réaction à la création du PKK, un autre mouvement kurde
verra le jour en 1983 mais portera en lui des revendications islamistes :
il s’agira du « Hezbollah turc », nommé ainsi par opposition au Hezbollah libanais créé
durant la même période (entre 1983 et 1985 particulièrement), ou encore nommé
« Hezbollah kurde », en référence au caractère éminemment kurde
du mouvement.
Ces
deux mouvements armés, qui commettront de nombreuses actions terroristes sur le
sol turc et seront catégorisés de la sorte par les autorités turques et par
plusieurs pays et institutions internationales [3],
interpelleront par ailleurs en raison de leurs liens ou de leur présence,
diffuse ou soupçonnée, au sein de l’appareil étatique turc. Le Hezbollah turc,
qui avait fait du PKK sa cible prioritaire dans les années 1990, a ainsi été
régulièrement accusé d’être piloté par les autorités turques, qui auraient vu
dans cet affrontement inter-kurde un moyen de neutraliser deux nuisances
nationaliste et islamiste à moindre frais. Le Front islamique du grand Orient,
qui aurait entretenu des liens avec Al-Qaeda, autant idéologiques
qu’opérationnels, aurait disposé de ramifications au sein des élites politiques
turques qui, comme évoqué en chapeau de cet article, refont surface encore aujourd’hui.
Bien
que l’IBDA-C et le Hezbollah kurde ne semblent plus actifs aujourd’hui et que
le monopole de l’action terroriste en Turquie semble désormais essentiellement
détenu par Daech, le PKK et le Parti-Front
révolutionnaire de libération du peuple (DHKP-C), aucune
des deux organisations terroristes islamistes n’a officiellement annoncé la fin
de ses activités ; leur maintien sur la liste des organisations
terroristes de la Turquie et d’autres pays et institutions internationales [4] s’avère
éloquent à cet égard.
Cet
article entend ainsi présenter ces deux groupes méconnus et désormais discrets,
mais dont l’histoire et les actions passées restent encore vives dans la
mémoire politique turque : le Hezbollah turc fera l’objet de la première
partie de cet article, avant d’être suivi par une présentation du Front
islamique du grand Orient.
1. Genèse et
ascension du groupe
La
création du Hezbollah turc remonte aux années 1970 durant lesquelles, au milieu
des affrontements violents entre mouvements d’extrême-gauche et
d’extrême-droite, plusieurs intellectuels et responsables islamistes turcs,
essentiellement d’ethnie kurde, évoquent l’idée de créer un mouvement visant à
développer l’islamisme sur le sol turc [5].
En
effet, la Turquie, autrefois siège du Califat jusqu’à son abolition par la
Grande Assemblée nationale turque le 3 mars 1924, est désormais l’apôtre
régional de la laïcité, réprimant sévèrement toute initiative visant à
permettre un retour de l’islam sur la scène politique turque, comme les différents coups
d’Etat de la seconde moitié du XXème siècle ont pu le
montrer. Seul le Parti du salut national (MSP - Millî Selamet Partisi), créé en
1971 sous l’égide de Necmettin Erbakan,
parvient à évoquer ouvertement des idées islamistes. Celles-ci prospèrent
notablement dans le Kurdistan turc, éminemment rural, et parmi les Turcs et
Kurdes ayant émigré du sud-est anatolien vers les villes de l’ouest [6].
La
politisation et le militantisme de ces islamistes s’articulent tout d’abord
autour de l’Association nationale des étudiants turcs (MTTB - Milli Türk Talebe
Birligi), organe politique de la branche jeunesse du Parti du salut national [7].
Le coup d’Etat du 12 septembre 1980 vient toutefois mettre un terme aux
activités du MSP et du MTTB : le 16 octobre 1981, la Cour
constitutionnelle turque annonce la dissolution du parti islamiste en raison de
ses activités jugées « contraires aux principes de la laïcité » [8].
Si
les partisans du MSP se reconstituent à partir du 19 juillet 1983 autour du
Parti de la prospérité (RP - Refah Partisi) [9],
un grand nombre d’entre eux considère toutefois que l’armée, acquise à la
laïcité et au kémalisme, les empêchera encore et toujours de s’organiser et de
développer leurs idées en Turquie [10].
Ces marginaux lancent dès le lendemain du coup d’Etat, fin 1980, le mouvement
Vahdet, du nom de la librairie de Diyarbakir - « capitale » du
Kurdistan turc » [11] dans
laquelle ils se rassemblaient pour échanger et réfléchir à l’implémentation de
leur projet [12].
Deux autres librairies viendront leur servir de lieux de rassemblement les
années suivantes : les librairies Menzil, fondée en 1981 par Fidan Güngör,
et İlim, fondée en 1982 par Hüseyin Velioğlu [13].
Les
partisans du Vahdet se rassembleront dans ces trois librairies jusqu’en 1987,
date à laquelle Hüseyin Velioğlu déménagera sa librairie à Batman, plus au sud [14].
L’organisation se scindera alors en deux mouvances. Celle de Velioğlu prônera
un passage immédiat à la lutte armée tandis que celle de Güngör maintiendra la
nécessité d’une approche légale et démocratique [15].
Les désaccords sur le sujet entre la branche Güngör (groupe
« Menzil ») et celle de Velioğlu (groupe « Ilim ») se
traduiront en affrontements armés qui résulteront en la mort de plusieurs
militants de part et d’autre au fil des années, en particulier entre 1990 et
1993 [16].
Préparé à la lutte armée et mieux équipé, le groupe Ilim parvient à prendre le
dessus sur le groupe Menzil. A l’occasion de cette victoire, Hüseyin Velioğlu
renomme en 1993 son groupe en « Hezbollah », littéralement le
« Parti de Dieu » [17].
Le
groupe Menzil ne fera que perdre de son influence concomitamment à la montée en
puissance du groupe Ilim ; en 1996, après la mort de Mansur Güzelsoy,
leader religieux du Menzil, Mollah Zekeriya Ay aurait été désigné comme son
successeur, mais le groupe cessera ses activités et ne fera plus parler de lui
jusqu’en 2002 [18],
comme il sera vu plus loin.
2. Lutte
armée : de la lutte d’influence au terrorisme
Fort
du succès remporté sur le groupe Menzil, le Hezbollah turc monte en puissance
et cherche à étendre son influence au Kurdistan où il acquiert un soutien
croissant [19].
Difficiles à quantifier, ses effectifs armés auraient, au faîte du Hezbollah,
comptés plus d’un millier de combattants. Ses sympathisants, quant à eux,
seraient estimés à une vingtaine de milliers selon le chercheur américano-turc
Corry Görgü [20],
dont les chiffres correspondent également à ceux du think tank américain
« Center for Defence Information » [21].
La
rivalité avec le PKK, qui mène alors une insurrection armée contre l’Etat turc
depuis pratiquement dix ans, ne tarde pas à se traduire, là encore, en violents
affrontements armés. Le Hezbollah, qui surnomme le PKK le « Partiya
Kafirin Kurdistan », c’est-à-dire le « Parti des infidèles du
Kurdistan » [22],
fait du mouvement marxiste-léniniste sa cible prioritaire : de 1992
jusqu’à l’an 2000 environ, l’organisation islamiste mène de véritables
opérations militaires à l’encontre du PKK et de ses partisans [23],
en particulier dans les grandes villes où les deux mouvements kurdes se
concurrencent le plus, à l’instar de Diyabarkır, Mardin, Silvan ou encore
Nusaybin.
Les
affrontements se montrent très violents : au fanatisme des militants du
Hezbollah turc, les militants du PKK opposent une expérience pour le moins
éprouvée dans les domaines de la guérilla et de la clandestinité. Selon l’ONG
Human Rights Watch, la « chasse aux sorcières » lancée contre les
partisans du PKK au Kurdistan turc provoque la mort, en moyenne, de deux
personnes par jour de 1992 à 1995 [24].
Près de 3000 personnes seraient mortes au cours de cette période, soit au
combat, soit à la suite d’une exécution sommaire [25].
Le
Hezbollah turc élargit par ailleurs sa guerre à l’ensemble des acteurs qu’il
juge contraires à la loi islamique ou opposés au Hezbollah : ainsi Mehmet
Ali Sincar, député du parti prokurde légal « Parti de la démocratie »
(DEP - Demokrasi Partisi) est-il tué à Batman en septembre 1993, par exemple [26].
A partir de 1998, le Hezbollah turc s’en prend également aux repentis du
mouvement islamiste : la féministe musulmane Konca Kuriş [27],
ancienne militante du Hezbollah turc, est enlevée en 1998 à Mersin et son corps
retrouvé, un an plus tard, à Konya. Une soixantaine d’ex-membres du Hezbollah
turc auraient ainsi été enlevées et/ou tuées 1998 à 1999 [28].
Le 29 décembre 1999, Izzettin Yildirim, fondateur très apprécié en Turquie d’un
petit parti kurde islamiste légal est également enlevée et assassiné par le
Hezbollah turc [29] ;
cet assassinat, ainsi que celui de Konca Kuriş, choquent toutefois grandement
l’opinion publique turque et une partie de la base militante du Hezbollah.
Les
autorités turques, jusqu’ici relativement peu impliquées dans la lutte contre
le Hezbollah turc, décident alors d’intensifier les opérations de sécurité à
l’encontre des militants islamistes, et davantage encore après l’assassinat du
chef de la police de Diyarbakır Gaffar Okkan début 2000 [30].
Après
plusieurs nouvelles actions armées du Hezbollah turc, la police turque parvient
à localiser Hüseyin Velioğlu ; ce dernier est abattu dans une villa
d’Istanbul le 17 janvier durant la fusillade qui s’ensuivra avec les forces de
sécurité turques. Dans les semaines qui suivent, la police réalise plusieurs
coups de filet à travers la Turquie à l’encontre du Hezbollah : Edip Gümüş
et Cemal Tutar, lieutenants de Hüseyin Velioğlu, sont arrêtés, ainsi qu’une
centaine de militants. Un grand nombre d’autres partisans du mouvement
islamiste parviennent à fuir dans des pays voisins [31].
Les
procès des membres du Hezbollah commencent en 2000 et s’achèvent pour la
plupart en décembre 2009. Les accusés sont condamnés à diverses peines
d’emprisonnement et, pour un grand nombre d’entre eux, à la prison à
perpétuité. Dix-huit membres du Hezbollah turc, parmi lesquels Edip Gümüs et
Cemal Tutar, sont toutefois libérés de prison le 4 janvier 2011, conformément à
un amendement au code pénal turc qui fixait à 10 ans la durée pendant laquelle
des prisonniers pouvaient être détenus sans avoir été condamnés par un verdict
final. Malgré l’émission de nouveaux mandats d’arrêt et plusieurs opérations de
police visant à retrouver les intéressés, ces derniers sont, aujourd’hui
encore, introuvables [32].
3. Après la lutte
armée : création de Hüda-Par et de ses satellites
La
répression policière sur le Hezbollah et, surtout, la mort de son leader
emblématique, bouleversent en profondeur l’organisation clandestine qui décide
de mettre un terme à la lutte armée [33].
Après trois années passées à se remettre du choc de l’année noire que l’an 2000
aura constituée pour le Hezbollah, ses cadres et militants se réorganisent et
décident de créer, en 2004, une constellation d’associations à travers la
Turquie afin de répandre leurs idées islamistes dans un cadre légal et
pacifique [34].
A
la suite de la décision de mettre fin à la lutte armée en 2002 [35],
les sympathisants du groupe Menzil fondent en 2003 un mouvement appelé
« Solidarité avec les opprimés » (Mustazaflar ile Dayanisma Dernegi),
également connu sous le nom de Mouvement des opprimés (Mustazaflar Hareketi),
qui connait un certain succès dès ses débuts. Un tribunal de Diyarbakir ordonne
alors, le 20 juin 2010, la fermeture de l’Association des opprimés (façade
associative du Mouvement des opprimés) au motif qu’elle « menait des
activités au nom de l’organisation terroriste Hezbollah ». La décision
sera confirmée par la Cour de Cassation le 11 mai 2012 [36].
Fin
2012, le Mouvement des opprimés annonce sa volonté de fonder un parti politique
afin de contrer le Parti démocratique des peuples (HDP - Halkların Demokratik
Partisi), principal parti kurde d’opposition créé le 15 octobre 2012. Le 17
décembre 2012, le « Parti de la cause libre » (Hüda-Par pour
« Hür Dava Partis »i en kurde) est créé [37] ;
ses quartiers-généraux sont établis le 9 janvier 2013 à Ankara. Entouré d’une
constellation d’associations et mouvements qui lui sont affiliés, le Hüda-Par a
créé pour cela une entité faîtière, la société des « Adorateurs du
Prophète » (Peygamber Sevdalilari) [38].
Régulièrement
accusé de servir de façade légale au Hezbollah turc et de soutien au Parti de
la justice et du développement (Adalet ve Kalkınma Partisi – AKP, actuellement
au pouvoir), le Hüda PaR ne dispose d’aucun député sur les bancs de la Grande
Assemblée nationale turque mais a appelé, en 2018, ses militants à voter pour
Recep Tayyip Erdoğan lors de l’élection présidentielle. Attirant la haine du
PKK pour qui ce mouvement incarne les assassinats et les affrontements
fratricides entre Kurdes des années 1990, le Hüda-Par est la cible régulière
d’attaques médiatiques du mouvement révolutionnaire kurde, voire d’attaques
armées : le 9 juin 2015, le militant du Hüda-Par Aytaç Baran est tué à
Diyarbakır par un combattant de la branche jeunesse du PKK, le Mouvement de la
jeunesse patriotique révolutionnaire (YDG-H – Yurtsever Devrimci Gençlik
Hareketi) [39].
Des membres du Hüda-Par, identifiés comme d’anciens combattants du Hezbollah
turc, assassineront dans la même journée les membres du HDP Bayram Özelçi,
Bayram Dağtan et Emin Ensen [40].
4. Soupçons d’une
implication directe des autorités turques
Selon
les responsables du service de renseignement turc, le MIT (Milli İstihbarat
Teşkilatı), le Hezbollah aurait été financé et formé en partie par l’Iran
postrévolutionnaire, le régime des mollahs ayant soutenu, à sa fondation, la
création de nombreux mouvements islamistes au Moyen-Orient, à l’instar du
Hezbollah libanais. De fait, plusieurs cadres du Hezbollah turc auraient séjourné
à plusieurs reprises en Iran de 1984 à 1987 [41].
Si
l’implication d’une puissance étrangère dans un groupe comme le Hezbollah turc
n’apparaît pas improbable, celle des autorités turques étonne davantage ;
un faisceau d’indices et d’explications abondent pourtant en ce sens. En effet,
selon les partisans de cette thèse, l’Etat turc aurait soutenu le Hezbollah
turc afin qu’il s’en prenne au PKK, dont la guérilla à l’encontre des forces de
sécurité turques devenait toujours plus problématique [42].
Ces
accusations, formulées dès les premiers combats entre le PKK et le Hezbollah,
seront alimentées par différentes enquêtes : l’hebdomadaire turc « 2000’e
Doğru » rapporte ainsi en février 1992 que des membres du Hezbollah
seraient en train d’être formés au siège de la « Force de réaction
rapide » (« Çelik Kuvvet ») de la police turque à Diyarbakir.
Deux jours après la publication de l’article, son auteur, Halit Güngen, est tué
par des meurtriers non identifiés [43].
Le 20 novembre de la même année, Namik Taranci, correspondant à Diyarbakir de
l’hebdomadaire Gerçek (« Réalité »), est abattu dans la rue. Là
encore, la dernière édition du magazine publiait un article présentant les
relations entre l’Etat et le Hezbollah [44].
Plusieurs autres cas d’assassinats de journalistes enquêtant sur le Hezbollah
turc se dérouleront dans les mois suivants (à l’instar de Hafiz Akdemir,
reporter pour Özgür Gündem (« L’Agenda libre »), abattu à Diyarbakir
le 8 juin 1992 après avoir révélé qu’un meurtrier appartenant au Hezbollah
avait été libéré après seulement six semaines de détention) [45].
Le
17 janvier 2011, Arif Dogan, colonel de gendarmerie à la retraite de l’armée
turque, co-fondateur du JITEM (service de renseignement de la gendarmerie
turque) déclare quant à lui avoir créé le Hezbollah afin de contrer le PKK [46],
en accord avec le MGK (Conseil de sécurité nationale turc) et la présidence
turque.
Le
chercheur français Gilles Doronso explique par ailleurs que « la
commission de la [Grande Assamblée nationale turque] qui visite Batman le 27
juillet 1993 a indiqué comment dans les villages de Sekü, Gönüllü et Çiçekli
des camps du Hizbullah bénéficiaient de l’aide de l’État […]. Le mouvement a
par ailleurs des camps dans les villages de Yolaç (Suse) à Silvan, Seki à
Batman, Hatuni (Diyarbakır), ce qui était certainement connu des autorités. Le
[groupe] İlim à Silvan est probablement le meilleur exemple de la coopération
avec l’État et les korucu [47].
Silvan, placé entre Diyarbakır, Batman et Bingöl, sert de plaque tournante au
mouvement. Dans le village de Yolaç, le Hizbullah organise ouvertement des
réunions, des prières au cimetière des Şehit, des entraînements militaires
[…] » [48].
Ainsi,
s’il apparaît difficile d’affirmer que l’Etat turc puisse être à l’origine de
la création du Hezbollah turc, sa connivence ou, en tous cas, sa bienveillance
tacite, semblent incontestables, en particulier au vu des dommages que causait
le mouvement islamiste au PKK.
Le
Hezbollah turc n’a plus fait parler de lui depuis les remises en liberté de
certains de ses cadres en 2011. Les autorités turques continuent toutefois de
le considérer comme un groupe terroriste et restent attentives à ses
émanations ; le Hezbollah turc emporte avec lui la réputation d’un des
groupes terroristes les plus controversés et radicaux de l’histoire turque, dont
les activités violentes contre le PKK et autres opposants de gauche ne sont pas
pour déplaire à certaines franges ultranationalistes de la population, y
compris à l’étranger [49].
Le
risque terroriste et idéologique qu’il représente aujourd’hui encore pousse les
forces de sécurité turques à maintenir une attention soutenue à son égard,
comme le montre par exemple l’arrestation, le 26 mars 2020, d’un membre du
Hezbollah recherché depuis 20 ans dans la ville de Muş, dans le sud-est de la
Turquie. Caché dans un compartiment secret de sa maison lors de son
interpellation, l’intéressé, désigné seulement sous ses initiales Y.Y., avait
été condamné à six ans et trois mois d’emprisonnement par contumace en 2000 [50].
Lire
la partie 2
Bibliographie :
Teymur, Samih. A conceptual map for understanding the
terrorist recruitment process : Observa-tion and analysis of DHKP/C, PKK,
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Dorronsoro, Gilles. La
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·
Turquie
Publié le 19/01/2021
EMILE
BOUVIER
Emile
Bouvier est étudiant à l’Université Paris 1 – Panthéon-Sorbonne, où il prépare
les concours de la fonction publique. Diplômé d’un Master 2 en Géopolitique, il
a connu de nombreuses expériences au Ministères des Armées, notamment au Centre
de planification et de conduite des opérations (CPCO), à l’Etat-major des
Armées dans une cellule d’analyse géopolitique, ou encore en Mission de Défense
(MdD) en Turquie. Son grand intérêt pour la Turquie et la question kurde l’ont
amené à voyager à de nombreuses reprises dans la région et à travailler sur les
problématiques turques et kurdes à de multiples occasions.
Notes
[1] https://www.nordicmonitor.com/2020/09/turkish-president-erdogans-chief-aide-is-linked-to-turkish-al-qaeda-group-ibda-c/
[2] https://stockholmcf.org/erdogan-confidant-metin-kulunk-investigated-for-al-qaeda-aligned-ibda-c-terror-group/
[3] L’IBDA-C était ainsi toujours
classé, en 2020, comme organisation terroriste par l’Union européenne et les
Etats-Unis. Cf. https://menafn.com/1100573591/European-Council-renews-ban-on-the-LTTE-Hizbul-Mujahideen-Babbar-Khalsa-and-Khalistan-Zindabad-Force et https://www.state.gov/foreign-terrorist-organizations/
[4] Ibid.
[5] Teymur,
Samih. A conceptual map for understanding the terrorist recruitment
process : Observation and analysis of DHKP/C, PKK, and Turkish Hezbollah
terrorist organizations. University of North Texas, 2007.
[6] Sevinc,
Bilal. Participation in terrorist organizations : An analysis of left
wing DHKP/C and religiously motivated Turkish Hezbollah terrorist
organizations. Michigan State University, 2008.
[7] Oruç,
Zülküf. "Bir Öğrenci Hareketi Olarak Milli Türk Talebe Birliği."
(2004).
[8] Öztürk,
Emine. "MİLLÎ TÜRK TALEBE BİRLİĞİNDE DEĞİŞEN MİLLİYETÇİLİK ANLAYIŞI VE
ANTİ-KOMÜNİZM (1965-1971)." Journal of Suleyman Demirel University
Institute of Social Sciences 25, no. 3 (2016).
[9] Yavuz, M. Hakan.
"Political Islam and the welfare (Refah) party in
Turkey." Comparative Politics (1997) : 63-82.
[10] Yilmaz,
Ismail. "Patterns of Differential Involvement in Terrorist
Activities : Evidence from DHKP/C and Turkish Hezbollah." (2009).
[11] Ibid.
[12] Boroujerdi,
Mehrzad, Nader Entessar, Martin Kramer, Joseph A. Kéchichian, and Emrullah
Uslu. "Ḥizbullāh in Iran."
[13] Atakli,
R. "Turk Hizbullahi." Sabah 24 (2000).
[14] Steinberg,
Guido. "The Evolving Threat from Jihadist Terrorism in Turkey." Elcano
Newsletter 53 (2009) : 10.
[15] Atalar,
M. Kürşad. "Hizballah of Turkey : A Pseudo Threat to the Secular
Order ?." Turkish Studies 7, no. 2
(2006) : 307-331.
[16] Ibid.
[17] Zakka, Antoine. "La Turquie
face à l’Europe et au Moyen-Orient. Les mutations de l’islamisme turc depuis
2002 : émergence, conséquences et perspectives." PhD diss., Sorbonne
Paris Cité, 2016.
[18] Dorronsoro, Gilles. La
nébuleuse Hizbullah. Institut français
d’études anatoliennes, 2004.
[19] Ekici,
Ahmet. The Role of Law Enforcement Practices on Terrorist
Recruitment : A Study of the Impact of Traditional and Community Policing
Practices on the Recruitment Process of Terrorist Organization Members. ProQuest, 2008.
[20] https://www.aph.gov.au/DocumentStore.ashx?id=f4342f8d-32ed-4638-8280-9530ac72c54f&subId=402982
[21] https://www.refworld.org/docid/42df61ad20.html
[22] Ozeren,
Suleyman, and Huseyin Cinoglu. "The Turkish counter-terrorism
experience." NATO SECURITY THROUGH SCIENCE SERIES E HUMAN AND
SOCIETAL DYNAMICS 14 (2006) : 155.
[23] Decades-old,
A., Samih Teymur, and Cindy J. Smith. "The PKK."
[24] https://www.hrw.org/report/2000/02/16/what-turkeys-hizbullah/human-rights-watch-backgrounder
[25] Mardin,
Şerif. Türkiye, İslam ve sekülarizm : makaleler 5. İletişim Yayınları,
2016.
[26] Dorronsoro, Gilles. La
nébuleuse Hizbullah. Institut français d’études anatoliennes, 2004.
[27] Keskin-Kozat,
Burçak. "Entangled in secular nationalism, feminism and Islamism :
The life of Konca Kuriş." Cultural Dynamics 15, no. 2
(2003) : 183-211.
[28] Bajalan,
Djene Rhys, Oral Çalislar, Fuat Keyman, Umut Özkirimli, Cengiz Çandar, Michael
M. Gunter, Kilic Bugra Kanat et al. Understanding Turkey’s Kurdish
Question. Lexington Books, 2013.
[29] HİZBULLAH,
İCVETİ. "SİYASAL ŞİDDET VE TERÖRİZM Yrd. Doç. Dr. SEZGİN KAYA."
[30] Nugent,
John T. "The defeat of Turkish Hizballah as a model for counter-terrorism
strategy." Middle East Review of International Affairs 8, no. 1
(2004) : 69-76.
[31] Sarigil,
Zeki, and Omer Fazlioglu. "Religion and ethno-nationalism : T urkey’s
K urdish issue." Nations and Nationalism 19, no. 3 (2013) :
551-571.
[32] Ibid.
[33] Cakir,
Rusen. "The reemergence of Hizballah in Turkey." Policy
Focus 74 (2007) : 6.
[34] Akçakoyun,
Ahmet. "Hizbullah’ta yeniden yapılanma süreci : 2000 sonrası
dönem." (2013).
[35] Les attentats des 15 et 20
novembre 2003 à Istanbul, au cours desquels 59 civils perdront la vie et 750
autres seront blessés, seront au centre d’une controverse : si Al-Qaeda
(et l’IBDA-C dont il sera fait mention plus bas) revendique l’attentat,
d’anciens militants du Hezbollah auraient fait partie de la cellule
organisatrice. La condamnation de cet attentant par le Hüda-Par et l’absence de
nouvelles attaques depuis montrent que ces attentats n’ont pas été le signe
d’un retour du mouvement à l’action armée, mais plutôt, plus simplement, le
signe d’une collaboration opérationnelle prévisible entre d’anciens combattants
du mouvement et le nouveau groupe terroriste islamiste qu’Al-Qaeda incarnait
alors.
[36] Tezcür,
Güneş Murat. "Kurdish nationalism and identity in Turkey : a
conceptual reinterpretation." European Journal of Turkish Studies.
Social Sciences on Contemporary Turkey 10 (2009).
[37] Ozcelik,
Burcu. "Turkey’s Other Kurds." Foreign
Affairs (2015) : 2013-2015.
[38] Baysal,
Nurcan, and Şeyhmus Diken. "Kürdistan’da Sivil Toplum." (2015).
[39] Kurt,
Mehmet. "A Conversion to Civil Society ? The Incomplete Reconfiguration
of the Hizbullah Movement in Turkey." Journal of Balkan and Near
Eastern Studies 22, no. 6 (2020) : 762-776.
[40] https://www.sozcu.com.tr/2016/gundem/pkkhizbullah-catismasi-davasinda-1-saniga-6-yil-hapis-cezasi-1119169/?utm_source=dahafazla_haber&utm_medium=free&utm_campaign=dahafazlahaber
[41] Dorronsoro, Gilles. La
nébuleuse Hizbullah. Institut français d’études anatoliennes, 2004.
[42] https://www.refworld.org/docid/3f7d4e290.html
[43] Öz, Halil Burak. "Gladio
tipi örgütlenmelerin Türkiye’de yoğun eylemliliklerde bulunduğu 1990’lı
yıllarda gazetecilerin öldürülme nedenleri ve bu dönemde Türkiye’de basının
aldığı tavrın öldürülen gazetecilerin ardından okuyucuya sunulan haberlere göre
incelenmesi." (2012).
[44] Ibid.
[45] Ibid.
[46] https://www.bloomberg.com/news/articles/2011-01-18/turkey-officer-says-he-created-local-hezbollah-group-star-says
[47] Les « korucu »
désignent des « gardiens de village » payés par les autorités turques
à travers le Kurdistan turc afin d’effectuer des opérations de renseignement à
l’encontre du PKK et, si besoin était, prendre part aux opérations quand leur
village était concerné.
[48] Dorronsoro, Gilles. La
nébuleuse Hizbullah. Institut français d’études anatoliennes, 2004.
[49] https://odatv4.com/alman-istihbaratindan-ulkuculeri-hedef-alan-rapor-10072052.html
[50] https://www.dailysabah.com/politics/war-on-terror/hezbollah-terrorist-caught-in-eastern-turkey-after-2-decades
α’ μέρος
Le « Hezbollah turc » et le « Front islamique du grand
Orient » : retour sur deux mouvements ‘terroristes’ islamistes turcs
méconnus (2/2). Le Front islamique du grand Orient, un groupe atypique
Par Emile Bouvier
Publié le 20/01/2021 • modifié le 20/01/2021 • Durée de lecture : 6 minutes
Stretchers are seen in front of the emergency
unit of the Sisli Etfal Hospital in Istanbul 20 November 2003 after suicide car
bombers blew up the British consulate and the British-owned HSBC bank in
Turkey’s largest city, killing at least 26 people and injuring some 450 people.
AFP PHOTO MUSTAFA OZER
MUSTAFA OZER / AFP
Lire
la partie 1
1. Genèse de
l’IBDA-C
Peu
d’informations fiables existent sur la genèse de l’IBDA-C ; tout au plus
sait-on que le mouvement existe de façon diffuse depuis les années 1970 mais
qu’il aurait pris le nom qui est le sien en août 1984, à l’initiative de Salih
Izzet Erdis (10/05/1950-16/05/2018). Ce dernier, également connu sous le nom de
Salih Mirzabeyoğlu, était un intellectuel islamiste fondamentaliste d’origine
kurde dont la famille était proche de Sheikh Saïd [1], à l’origine d’une vaste insurrection
contre la jeune République kémaliste en 1925 et dont l’une des singularités sera
l’exigence d’un retour du Califat, aboli par la Grande Assemblée nationale
turque le 3 mars 1924.
Il
aurait initié les prémices de l’IBDA-C en 1975 en fondant, avec plusieurs amis,
un magazine politique intitulé « Gölge » (« L’Ombre ») dont
la ligne éditoriale se trouvait fortement influencée par la pensée islamiste du
poète turc Necip Fazıl Kısakürek (26/05/1904-25/05/198) et de son magazine
« Büyük Doğu » (« Grand Orient ») [2]. Cette initiative de créer l’IBDA-C
lui serait venue de son désaccord avec le Parti de salut national (MSP) évoqué
précédemment, et qu’il trouvait trop consensuel et pas assez radical [3].
Le
front islamique du grand Orient attire rapidement à lui plusieurs militants
islamistes turcs. Considérant le système gouvernemental laïc de la Turquie
comme « illégal », l’IBDA-C aspire à détruire l’État laïque et le
système constitutionnel afin de le remplacer par les règles et lois
religieuses, d’abord en Turquie, puis dans le monde entier [4]. L’objectif autoproclamé du groupe est
de créer un État fédéré islamique sunnite au Moyen-Orient et de rétablir le
califat ; ce groupe s’est montré explicitement hostile aux intérêts
chiites, alévis, chrétiens et juifs [5].
Necip
Fazıl Kısakürek, à qui l’IBDA-C emprunte son idéologie de base, préconise un
retour aux « valeurs islamiques pures » et la restauration d’un
califat islamique universel dans le monde musulman. Son système de pensée,
intitulée « Büyük Doğu », est une idéologie absolutiste promettant de
rapprocher les musulmans du succès et du salut, avec comme idée centrale que la
vérité n’est accessible que par la pratique de l’islam. Il fait également
valoir que la nature laïque de la Turquie est responsable de l’incapacité de
l’État à conjurer ce qu’il considérait comme « l’impérialisme
occidental » [6]. Kısakürek est considéré comme le
pionnier de la « société islamique idéale » rêvée par les fondateurs
de l’IBDA-C.
L’IBDA-C
se distingue essentiellement du Hezbollah turc par son caractère turc et non
kurde - bien que son fondateur soit d’origine kurde - et par son approche
sectaire : il n’est pas question, pour l’IBDA-C, de collaborer avec l’Iran
chiite comme le Hezbollah turc l’aurait fait, comme vu plus haut.
2. Passage à
l’action armée
Initialement
politique, le mouvement de l’IBDA-C fondé en 1984 passe à l’action armée durant
la décennie 1990, comme d’autres groupes à la même époque [7].
Il commettra ainsi une série de 90 attentats de 1990 à 1994 ; le groupe
s’emploiera à faire la promotion de ses objectifs en ciblant principalement des
cibles civiles. L’IBDA-C ciblera ainsi une synagogue stambouliote en 1992 par
exemple, ou encore une église orthodoxe grecque à Istanbul en 1994 [8].
Fort
de plusieurs centaines de militants, sans qu’il ne soit possible de préciser
davantage cette estimation, l’IBDA-C fonctionne en petites cellules de quelques
individus. Les membres de l’IBDA-C n’opèrent sous aucune structure hiérarchique
définie et mènent des actions en petits groupes indépendants unis derrière leurs
objectifs et idéologies communs. Cette décentralisation explique, en partie,
les difficultés à estimer les effectifs du groupe, même à son apogée, mais
garantit la sauvegarde et la résilience du groupe en cas de disparition de son
leader [9]. En décembre 2003, le journal allemand
Der Spiegel rapportait par ailleurs que le groupe comptait près de 600
partisans en Allemagne [10].
L’organisation
fonctionne sur deux volets : l’un légal et l’autre clandestin [11]. Le volet légal est celui,
essentiellement, de la presse et de la communication : les militants y
conduisent des activités de propagande en publiant des livres, des revues, des
magazines, en organisant des réunions politiques et en alimentant les
différentes plateformes de propagande en ligne, au premier rang desquelles le
site officiel de l’IBDA-C. Le mouvement publie ainsi depuis 2001 un journal
appelé « Beklenen Yeni Nizam » (« Le Nouvel Ordre attendu »)
et « Kaide » (« Al-Qaeda ») dans lequel les activistes du
mouvement apportent leur soutien plein et entier à Al-Qaeda. Le volet
clandestin, quant à lui, est celui des militants convaincus et endoctrinés,
prêts à passer à l’action armée de façon indépendante. Formant de petite
cellules de trois ou quatre personnes maximum, ces unités revêtent des noms de
guerre comme « Ultra force », « Altınordu »,
« Lazistan » ou encore « Union des révolutionnaires
soufis » [12].
Si
l’IBDA-C partage des liens idéologiques avec Al-Qaeda, ceux-ci seraient devenus
opérationnels en 2003 : les attentats d’Istanbul seraient ainsi le fruit
d’une coopération entre l’IBDA-C et Al-Qaeda, bien que la nature exacte de leur
collaboration reste incertaine. Selon les différentes hypothèses des forces de
sécurité turques et des observateurs internationaux, Al Al-Qaeda pourrait avoir
agi simplement comme une base de soutien extérieure, ou peut-être en tandem
avec l’IBDA-C concernant la planification et l’exécution des attentats [13]. D’autres [14],
en revanche, affirment que l’IBDA-C n’a eu aucune implication. Des rapports
contradictoires des médias turcs attribuent uniquement à Al-Qaïda les
attentats, laissant entendre que l’IBDA-C n’aurait pas eu les moyens de
commettre une action terroriste aussi sophistiquée. En effet, l’IBDA-C n’avait,
jusqu’ici, montré aucune volonté de recourir à des kamikazes, au centre de
l’attentat à Istanbul.
3. Capture de
Salih Mirzabeyoğlu
Salih
Izzet Erdis est capturé le 29 décembre 1998 et condamné à mort en avril 2001
pour sa tentative de « renversement de l’ordre constitutionnel par la
force » ; la peine de mort sera finalement commuée en perpétuité à la
suite de l’abolition de la peine de mort en Turquie le 4 août 2002. Il sera
finalement libéré le 23 juillet 2014 [15] et décédera à Istanbul en 2018.
La
capture du leader de l’IBDA-C ne met toutefois pas un terme aux actions armées
du mouvement : celui-ci est en effet novateur et a conçu, dès sa création,
un principe de fonctionnement décentralisé reposant sur l’autonomie de ses
cellules, comme évoqué précédemment : même sans leader principal, les
responsables des petites cellules peuvent continuer à agir. L’IBDA-C poursuit
ainsi ses attaques contre des bars, des discothèques, des magasins vendant de
l’alcool ou encore des églises et des synagogues.
Après
les attentats d’Istanbul en 2003 toutefois, le mouvement s’essouffle et ne
commet pratiquement plus d’attentats ; les coups de butoir des forces de
sécurité turque, initiés au début des années 2000 afin de neutraliser les
militants du Hezbollah turc notamment, n’y sont pas étrangers. Le mouvement
existe pourtant toujours aujourd’hui officiellement et continue de produire des
matériaux de propagande ; il est, en outre, toujours considéré comme une
organisation terroriste par la Turquie et l’Union européenne.
Conclusion
Si
le Hezbollah turc et l’IBDA-C apparaissent officiellement actifs, leur
inactivité officieuse apparaît évidente. Leur abandon de la lutte armée
s’explique certainement par la perte de leur leader - même dans le cas
particulier de l’IBDA-C - et de la concurrence inégalable d’autres groupes, à
l’instar d’Al-Qaeda et, désormais, de l’Etat islamique. Leurs activités
légales, essentiellement de propagande ou associative, illustrent cependant la
disponibilité idéologique qu’un grand nombre de leurs sympathisants semblent
encore leur témoigner - à ces organisations ou, en tous cas, à d’autres portant
les mêmes idéologies. L’incontestable réislamisation de la Turquie depuis une
dizaine d’années, même si elle se montre très inférieure à ce que le Hezbollah
turc et l’IBDA-C aspiraient à imposer à leurs concitoyens, n’est peut-être pas
étrangère, par ailleurs, à l’apaisement relatif des militants.
Lire
sur Les clés du Moyen-Orient :
Extrême droite et extrême gauche en Turquie (1970-1983)
Histoire des putschs et tentatives de coups d’Etat en
Turquie : l’armée turque, du statut de gar-dienne du kémalisme à celui
d’outil politique (1/4). Le coup d’Etat du 27 mai 1960 : un putsch sur
fond de Guerre froide et de crainte du communisme
Le PKK, un mouvement résolument transfrontalier. Partie
1 : l’Irak, une base arrière majeure pour le PKK
Mouvement de résistance ou organisation terroriste :
de quoi le Hezbollah libanais est-il le nom ? (1/2)
Les organisations révolutionnaires d’extrême-gauche en
Turquie : une histoire particulièrement riche et encore vivace aujourd’hui
(2/2)
Bibliographie :
Mirzabeyoğlu,
Salih. "İBDA Diyalektiği. Kurtuluş Yolu." İBDA Yayınları, İstanbul
(1985).
Kısakürek, Necip
Fazıl. "Çile, Büyük Doğu Yay." İstanbul, ty (1993).
Sifil, Ebubekir.
"İslam Adına Konuşan Bütününü Konuşmak Zorundadır."
Fighel, Yoni.
"The Great East Islamic Raiders Front (IBDA-C)." The Institute for Counter-Terrorism
International Terrorism Articles 1 (2003).
Freedman, Benjamin.
"Officially blacklisted extremist/terrorist (support) organizations :
A compar-ison of lists from
Akincilar-Cephe,
Islami Büyük Dogu. "Islami Büyük Dogu Akincilar-Cephe (IBDA-C)."
Steinberg, Guido.
"The Evolving Threat from Jihadist Terrorism in Turkey." Elcano
Newsletter 53 (2009) : 10.
DEDEMEN, FATİH, and
ERCAN ÇİTLİOĞLU. "TERÖRİZMİ ANLAMAK." Güvenlik Bilim-leri Dergisi 3,
no. 2 : 25-39.
Taşdemir, Sezgin.
"Türkiye’de Selefi hareket ve dini radikalizm." Master’s thesis,
Uludağ Üniver-sitesi, 2016.
Sitographie :
Great East Islamic
Raiders Front (IBDA-C) - A Profile, 01/12/2003
https://www.ict.org.il/Article.aspx?ID=892#gsc.tab=0
The Evolving Threat
from Jihadist Terrorism in Turkey, Real Instituo Elcano, 16/02/2009
http://realinstitutoelcano.org/wps/wcm/connect/14fd01004f018b4db354f73170baead1/ARI26-2009_Steinberg_Jihadist_Terrorism_Turkey.pdf?MOD=AJPERES&CACHEID=14fd01004f018b4db354f73170baead1
Hezbollah terrorist
caught in eastern Turkey after 2 decades, Daily Sabah, 26/03/2020
https://www.dailysabah.com/politics/war-on-terror/hezbollah-terrorist-caught-in-eastern-turkey-after-2-decades
Alman istihbaratından
Ülkücüleri hedef alan rapor, ODATV, 10/07/2020
https://odatv4.com/alman-istihbaratindan-ulkuculeri-hedef-alan-rapor-10072052.html
Turkey Officer Says He
Created Local Hezbollah Group, Star Says, Bloomberg, 18/01/2011
https://www.bloomberg.com/news/articles/2011-01-18/turkey-officer-says-he-created-local-hezbollah-group-star-says
Turkey : The
operation of Hezbollah (or Hizbullah) in Turkey, RefWorld, 20/11/2002
https://www.refworld.org/docid/3f7d4e290.html
PKK/Hizbullah
çatışması davasında 1 sanığa 6 yıl hapis cezası, Sözcü, 03/03/2016
Haberler
https://www.sozcu.com.tr/2016/gundem/pkkhizbullah-catismasi-davasinda-1-saniga-6-yil-hapis-cezasi-1119169/?utm_source=dahafazla_haber&utm_medium=free&utm_campaign=dahafazlahaber
What is Turkey’s
Hizbullah ?, Human Rights Watch, 16/02/2000
https://www.hrw.org/report/2000/02/16/what-turkeys-hizbullah/human-rights-watch-backgrounder
Turkey :
Situation and treatment of members, supporters and sympathizers of the
Kurdistan Work-er’s Party (PKK) and Hezbollah by state and non-state agents
(January 2003 - September 2004), Ref World, 21/09/2004
https://www.refworld.org/docid/42df61ad20.html
Foreign Terrorist
Organizations, US Department of State
https://www.state.gov/foreign-terrorist-organizations/
European Council
renews ban on the LTTE, Hizbul Mujahideen, Babbar Khalsa and Khalistan Zindabad
Force, MENAFN, 31/07/2020
https://menafn.com/1100573591/European-Council-renews-ban-on-the-LTTE-Hizbul-Mujahideen-Babbar-Khalsa-and-Khalistan-Zindabad-Force
Erdoğan confidant
Metin Külünk investigated for al-Qaeda aligned IBDA-C terror group, Stock-holm
Center for Freedeom, 20/10/2019
https://stockholmcf.org/erdogan-confidant-metin-kulunk-investigated-for-al-qaeda-aligned-ibda-c-terror-group/
A chief aide to
Turkish President Erdoğan is linked to Turkish al-Qaeda group IBDA-C, Nordic
Monitor, 21/09/2020
https://www.nordicmonitor.com/2020/09/turkish-president-erdogans-chief-aide-is-linked-to-turkish-al-qaeda-group-ibda-c/
·
Turquie
Publié le 20/01/2021
EMILE BOUVIER
Emile
Bouvier est étudiant à l’Université Paris 1 – Panthéon-Sorbonne, où il prépare
les concours de la fonction publique. Diplômé d’un Master 2 en Géopolitique, il
a connu de nombreuses expériences au Ministères des Armées, notamment au Centre
de planification et de conduite des opérations (CPCO), à l’Etat-major des
Armées dans une cellule d’analyse géopolitique, ou encore en Mission de Défense
(MdD) en Turquie. Son grand intérêt pour la Turquie et la question kurde l’ont
amené à voyager à de nombreuses reprises dans la région et à travailler sur les
problématiques turques et kurdes à de multiples occasions.
Notes
[1] Mirzabeyoğlu, Salih. "İBDA Diyalektiği.
Kurtuluş Yolu." İBDA Yayınları, İstanbul (1985).
[2] Kısakürek, Necip Fazıl. "Çile, Büyük Doğu
Yay." İstanbul, ty (1993).
[3] Sifil, Ebubekir. "İslam Adına Konuşan
Bütününü Konuşmak Zorundadır."
[4] Fighel, Yoni. "The Great East Islamic Raiders
Front (IBDA-C)." The Institute for Counter-Terrorism International
Terrorism Articles 1 (2003).
[5] Freedman, Benjamin. "Officially blacklisted
extremist/terrorist (support) organizations : A comparison of lists from
six countries and two international organizations." Perspectives on
Terrorism 4, no. 2 (2010) : 46-52.
[6] Akincilar-Cephe, Islami Büyük Dogu. "Islami
Büyük Dogu Akincilar-Cephe (IBDA-C)."
[7] A l’instar du
DHKP-C.
[8] https://www.ict.org.il/Article.aspx?ID=892#gsc.tab=0
[9] Steinberg, Guido. "The Evolving Threat from
Jihadist Terrorism in Turkey." Elcano Newsletter 53 (2009) : 10.
[10] https://www.spiegel.de/spiegel/print/d-29341571.html
[11] DEDEMEN, FATİH, and ERCAN ÇİTLİOĞLU.
"TERÖRİZMİ ANLAMAK." Güvenlik Bilimleri Dergisi 3, no. 2 :
25-39.
[12] https://www.ict.org.il/Article.aspx?ID=892#gsc.tab=0
[13] Taşdemir, Sezgin. "Türkiye’de Selefi hareket
ve dini radikalizm." Master’s thesis, Uludağ Üniversitesi, 2016.
[14] A l’instar de Guido Steinberg : http://realinstitutoelcano.org/wps/wcm/connect/14fd01004f018b4db354f73170baead1/ARI26-2009_Steinberg_Jihadist_Terrorism_Turkey.pdf?MOD=AJPERES&CACHEID=14fd01004f018b4db354f73170baead1
[15] http://teis.yesevi.edu.tr/madde-detay/mirzabeyoglu-salih
β’ μέρος
Le « Hezbollah turc » et le « Front islamique du grand
Orient » : retour sur deux mouvements ‘terroristes’ islamistes turcs
méconnus (2/2). Le Front islamique du grand Orient, un groupe atypique
Par Emile Bouvier
Publié le 20/01/2021 • modifié le 20/01/2021 • Durée de lecture : 6 minutes
Stretchers are seen in front of the emergency
unit of the Sisli Etfal Hospital in Istanbul 20 November 2003 after suicide car
bombers blew up the British consulate and the British-owned HSBC bank in
Turkey’s largest city, killing at least 26 people and injuring some 450 people.
AFP PHOTO MUSTAFA OZER
MUSTAFA OZER / AFP
1. Genèse de
l’IBDA-C
Peu
d’informations fiables existent sur la genèse de l’IBDA-C ; tout au plus
sait-on que le mouvement existe de façon diffuse depuis les années 1970 mais
qu’il aurait pris le nom qui est le sien en août 1984, à l’initiative de Salih
Izzet Erdis (10/05/1950-16/05/2018). Ce dernier, également connu sous le nom de
Salih Mirzabeyoğlu, était un intellectuel islamiste fondamentaliste d’origine
kurde dont la famille était proche de Sheikh Saïd [1], à l’origine d’une vaste insurrection
contre la jeune République kémaliste en 1925 et dont l’une des singularités
sera l’exigence d’un retour du Califat, aboli par la Grande Assemblée nationale
turque le 3 mars 1924.
Il
aurait initié les prémices de l’IBDA-C en 1975 en fondant, avec plusieurs amis,
un magazine politique intitulé « Gölge » (« L’Ombre ») dont
la ligne éditoriale se trouvait fortement influencée par la pensée islamiste du
poète turc Necip Fazıl Kısakürek (26/05/1904-25/05/198) et de son magazine
« Büyük Doğu » (« Grand Orient ») [2]. Cette initiative de créer l’IBDA-C
lui serait venue de son désaccord avec le Parti de salut national (MSP) évoqué
précédemment, et qu’il trouvait trop consensuel et pas assez radical [3].
Le
front islamique du grand Orient attire rapidement à lui plusieurs militants
islamistes turcs. Considérant le système gouvernemental laïc de la Turquie
comme « illégal », l’IBDA-C aspire à détruire l’État laïque et le
système constitutionnel afin de le remplacer par les règles et lois
religieuses, d’abord en Turquie, puis dans le monde entier [4]. L’objectif autoproclamé du groupe est
de créer un État fédéré islamique sunnite au Moyen-Orient et de rétablir le
califat ; ce groupe s’est montré explicitement hostile aux intérêts
chiites, alévis, chrétiens et juifs [5].
Necip
Fazıl Kısakürek, à qui l’IBDA-C emprunte son idéologie de base, préconise un
retour aux « valeurs islamiques pures » et la restauration d’un
califat islamique universel dans le monde musulman. Son système de pensée,
intitulée « Büyük Doğu », est une idéologie absolutiste promettant de
rapprocher les musulmans du succès et du salut, avec comme idée centrale que la
vérité n’est accessible que par la pratique de l’islam. Il fait également
valoir que la nature laïque de la Turquie est responsable de l’incapacité de
l’État à conjurer ce qu’il considérait comme « l’impérialisme
occidental » [6]. Kısakürek est considéré comme le
pionnier de la « société islamique idéale » rêvée par les fondateurs
de l’IBDA-C.
L’IBDA-C
se distingue essentiellement du Hezbollah turc par son caractère turc et non
kurde - bien que son fondateur soit d’origine kurde - et par son approche
sectaire : il n’est pas question, pour l’IBDA-C, de collaborer avec l’Iran
chiite comme le Hezbollah turc l’aurait fait, comme vu plus haut.
2. Passage à
l’action armée
Initialement
politique, le mouvement de l’IBDA-C fondé en 1984 passe à l’action armée durant
la décennie 1990, comme d’autres groupes à la même époque [7].
Il commettra ainsi une série de 90 attentats de 1990 à 1994 ; le groupe
s’emploiera à faire la promotion de ses objectifs en ciblant principalement des
cibles civiles. L’IBDA-C ciblera ainsi une synagogue stambouliote en 1992 par
exemple, ou encore une église orthodoxe grecque à Istanbul en 1994 [8].
Fort
de plusieurs centaines de militants, sans qu’il ne soit possible de préciser
davantage cette estimation, l’IBDA-C fonctionne en petites cellules de quelques
individus. Les membres de l’IBDA-C n’opèrent sous aucune structure hiérarchique
définie et mènent des actions en petits groupes indépendants unis derrière leurs
objectifs et idéologies communs. Cette décentralisation explique, en partie,
les difficultés à estimer les effectifs du groupe, même à son apogée, mais
garantit la sauvegarde et la résilience du groupe en cas de disparition de son
leader [9]. En décembre 2003, le journal allemand
Der Spiegel rapportait par ailleurs que le groupe comptait près de 600
partisans en Allemagne [10].
L’organisation
fonctionne sur deux volets : l’un légal et l’autre clandestin [11]. Le volet légal est celui,
essentiellement, de la presse et de la communication : les militants y
conduisent des activités de propagande en publiant des livres, des revues, des
magazines, en organisant des réunions politiques et en alimentant les
différentes plateformes de propagande en ligne, au premier rang desquelles le
site officiel de l’IBDA-C. Le mouvement publie ainsi depuis 2001 un journal
appelé « Beklenen Yeni Nizam » (« Le Nouvel Ordre attendu »)
et « Kaide » (« Al-Qaeda ») dans lequel les activistes du
mouvement apportent leur soutien plein et entier à Al-Qaeda. Le volet
clandestin, quant à lui, est celui des militants convaincus et endoctrinés,
prêts à passer à l’action armée de façon indépendante. Formant de petite
cellules de trois ou quatre personnes maximum, ces unités revêtent des noms de
guerre comme « Ultra force », « Altınordu »,
« Lazistan » ou encore « Union des révolutionnaires
soufis » [12].
Si
l’IBDA-C partage des liens idéologiques avec Al-Qaeda, ceux-ci seraient devenus
opérationnels en 2003 : les attentats d’Istanbul seraient ainsi le fruit
d’une coopération entre l’IBDA-C et Al-Qaeda, bien que la nature exacte de leur
collaboration reste incertaine. Selon les différentes hypothèses des forces de
sécurité turques et des observateurs internationaux, Al Al-Qaeda pourrait avoir
agi simplement comme une base de soutien extérieure, ou peut-être en tandem
avec l’IBDA-C concernant la planification et l’exécution des attentats [13]. D’autres [14],
en revanche, affirment que l’IBDA-C n’a eu aucune implication. Des rapports
contradictoires des médias turcs attribuent uniquement à Al-Qaïda les
attentats, laissant entendre que l’IBDA-C n’aurait pas eu les moyens de
commettre une action terroriste aussi sophistiquée. En effet, l’IBDA-C n’avait,
jusqu’ici, montré aucune volonté de recourir à des kamikazes, au centre de
l’attentat à Istanbul.
3. Capture de
Salih Mirzabeyoğlu
Salih
Izzet Erdis est capturé le 29 décembre 1998 et condamné à mort en avril 2001
pour sa tentative de « renversement de l’ordre constitutionnel par la
force » ; la peine de mort sera finalement commuée en perpétuité à la
suite de l’abolition de la peine de mort en Turquie le 4 août 2002. Il sera
finalement libéré le 23 juillet 2014 [15] et décédera à Istanbul en 2018.
La
capture du leader de l’IBDA-C ne met toutefois pas un terme aux actions armées
du mouvement : celui-ci est en effet novateur et a conçu, dès sa création,
un principe de fonctionnement décentralisé reposant sur l’autonomie de ses
cellules, comme évoqué précédemment : même sans leader principal, les
responsables des petites cellules peuvent continuer à agir. L’IBDA-C poursuit
ainsi ses attaques contre des bars, des discothèques, des magasins vendant de
l’alcool ou encore des églises et des synagogues.
Après
les attentats d’Istanbul en 2003 toutefois, le mouvement s’essouffle et ne
commet pratiquement plus d’attentats ; les coups de butoir des forces de
sécurité turque, initiés au début des années 2000 afin de neutraliser les
militants du Hezbollah turc notamment, n’y sont pas étrangers. Le mouvement
existe pourtant toujours aujourd’hui officiellement et continue de produire des
matériaux de propagande ; il est, en outre, toujours considéré comme une
organisation terroriste par la Turquie et l’Union européenne.
Conclusion
Si
le Hezbollah turc et l’IBDA-C apparaissent officiellement actifs, leur
inactivité officieuse apparaît évidente. Leur abandon de la lutte armée
s’explique certainement par la perte de leur leader - même dans le cas
particulier de l’IBDA-C - et de la concurrence inégalable d’autres groupes, à
l’instar d’Al-Qaeda et, désormais, de l’Etat islamique. Leurs activités
légales, essentiellement de propagande ou associative, illustrent cependant la
disponibilité idéologique qu’un grand nombre de leurs sympathisants semblent
encore leur témoigner - à ces organisations ou, en tous cas, à d’autres portant
les mêmes idéologies. L’incontestable réislamisation de la Turquie depuis une
dizaine d’années, même si elle se montre très inférieure à ce que le Hezbollah
turc et l’IBDA-C aspiraient à imposer à leurs concitoyens, n’est peut-être pas
étrangère, par ailleurs, à l’apaisement relatif des militants.
Lire
sur Les clés du Moyen-Orient :
Extrême droite et extrême gauche en Turquie (1970-1983)
Histoire des putschs et tentatives de coups d’Etat en Turquie :
l’armée turque, du statut de gar-dienne du kémalisme à celui d’outil politique
(1/4). Le coup d’Etat du 27 mai 1960 : un putsch sur fond de Guerre froide
et de crainte du communisme
Le PKK, un mouvement résolument transfrontalier. Partie
1 : l’Irak, une base arrière majeure pour le PKK
Mouvement de résistance ou organisation terroriste :
de quoi le Hezbollah libanais est-il le nom ? (1/2)
Les organisations révolutionnaires d’extrême-gauche en
Turquie : une histoire particulièrement riche et encore vivace aujourd’hui
(2/2)
Bibliographie :
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https://menafn.com/1100573591/European-Council-renews-ban-on-the-LTTE-Hizbul-Mujahideen-Babbar-Khalsa-and-Khalistan-Zindabad-Force
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https://stockholmcf.org/erdogan-confidant-metin-kulunk-investigated-for-al-qaeda-aligned-ibda-c-terror-group/
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Turkish President Erdoğan is linked to Turkish al-Qaeda group IBDA-C, Nordic
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https://www.nordicmonitor.com/2020/09/turkish-president-erdogans-chief-aide-is-linked-to-turkish-al-qaeda-group-ibda-c/
·
Turquie
Publié le 20/01/2021
EMILE
BOUVIER
Emile
Bouvier est étudiant à l’Université Paris 1 – Panthéon-Sorbonne, où il prépare
les concours de la fonction publique. Diplômé d’un Master 2 en Géopolitique, il
a connu de nombreuses expériences au Ministères des Armées, notamment au Centre
de planification et de conduite des opérations (CPCO), à l’Etat-major des
Armées dans une cellule d’analyse géopolitique, ou encore en Mission de Défense
(MdD) en Turquie. Son grand intérêt pour la Turquie et la question kurde l’ont
amené à voyager à de nombreuses reprises dans la région et à travailler sur les
problématiques turques et kurdes à de multiples occasions.
Notes
[1] Mirzabeyoğlu, Salih. "İBDA Diyalektiği.
Kurtuluş Yolu." İBDA Yayınları, İstanbul (1985).
[2] Kısakürek, Necip Fazıl. "Çile, Büyük Doğu
Yay." İstanbul, ty (1993).
[3] Sifil, Ebubekir. "İslam Adına Konuşan
Bütününü Konuşmak Zorundadır."
[4] Fighel, Yoni. "The Great East Islamic Raiders
Front (IBDA-C)." The Institute for Counter-Terrorism International
Terrorism Articles 1 (2003).
[5] Freedman, Benjamin. "Officially blacklisted
extremist/terrorist (support) organizations : A comparison of lists from
six countries and two international organizations." Perspectives on
Terrorism 4, no. 2 (2010) : 46-52.
[6] Akincilar-Cephe, Islami Büyük Dogu. "Islami
Büyük Dogu Akincilar-Cephe (IBDA-C)."
[7] A l’instar du
DHKP-C.
[8] https://www.ict.org.il/Article.aspx?ID=892#gsc.tab=0
[9] Steinberg, Guido. "The Evolving Threat from
Jihadist Terrorism in Turkey." Elcano Newsletter 53 (2009) : 10.
[10] https://www.spiegel.de/spiegel/print/d-29341571.html
[11] DEDEMEN, FATİH, and ERCAN ÇİTLİOĞLU.
"TERÖRİZMİ ANLAMAK." Güvenlik Bilimleri Dergisi 3, no. 2 :
25-39.
[12] https://www.ict.org.il/Article.aspx?ID=892#gsc.tab=0
[13] Taşdemir, Sezgin. "Türkiye’de Selefi hareket
ve dini radikalizm." Master’s thesis, Uludağ Üniversitesi, 2016.
[14] A l’instar de
Guido Steinberg : http://realinstitutoelcano.org/wps/wcm/connect/14fd01004f018b4db354f73170baead1/ARI26-2009_Steinberg_Jihadist_Terrorism_Turkey.pdf?MOD=AJPERES&CACHEID=14fd01004f018b4db354f73170baead1
[15] http://teis.yesevi.edu.tr/madde-detay/mirzabeyoglu-salih
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