DE LA SYRIE À LA LIBYE, LA
TURQUIE SUR TOUS LES FRONTS : RÉSUMÉ ET ANALYSE. PREMIÈRE PARTIE : EN
SYRIE, UN STATU QUO DÉFAVORABLE AUX KURDES SYRIENS
ARTICLE PUBLIÉ LE 23/01/2020
ARTICLE PUBLIÉ LE 23/01/2020
Par Emile Bouvier
https://www.lesclesdumoyenorient.com/De-la-Syrie-a-la-Libye-la-Turquie-sur-tous-les-fronts-resume-et-analyse.html
https://www.lesclesdumoyenorient.com/De-la-Syrie-a-la-Libye-la-Turquie-sur-tous-les-fronts-resume-et-analyse.html
L’intervention aura lieu « au sol,
sur mer et dans les airs si nécessaire ! » (1). Ainsi s’est exprimé
le Président turc Recep Tayyip Erdoğan le 28 novembre 2019, après avoir signé
un accord de coopération militaire et économique avec le Gouvernement d’accord
national (GAN) de Faïez el-Sarraj.
De fait, le Président turc fait ici
référence à un engagement militaire contre les forces du maréchal Khalifa
Haftar qui, basé à Tobrouk, en Cyrénaïque, menace directement le nord-ouest du
pays sous contrôle du GAN, basé à Tripoli. Le gouvernement turc soutient en
effet le gouvernement de Faïez Sarraj, à l’instar du Qatar notamment ;
l’Egypte, les Emirats arabes unis ou encore la Russie soutiennent, quant à eux,
le gouvernement de Tobrouk.
Cette promesse d’intervention militaire,
ainsi que les envois de premiers contingents sur place, ont suspendu les
opérations militaires turques dans le nord-est syrien, dont la presse
internationale ne fait plus guère mention. La Turquie réalise pourtant ici un
audacieux pari : passer d’une offensive en Syrie dont l’investissement
militaire s’est avéré particulièrement substantiel pour les forces armées
turques, à une nouvelle opération militaire annoncée comme majeure dans un pays
très éloigné géographiquement du territoire turc et, par extension, de ses
bases militaires.
Cet article va donc s’attacher, dans un premier temps,
à revenir sur la situation actuelle dans le nord-est syrien, tant militairement
que politiquement (première partie), avant de traiter le basculement militaire
turc du Rojava (2) vers la Libye, en exposant les tenants et aboutissants de la
décision turque et les modalités de son engagement au profit du GAN (deuxième
partie).
Une situation militaire instable dénoncée par l’AANES
L’Administration autonome du nord-est syrien (AANES),
entité politique de gouvernement des territoires kurdes syriens du Rojava, le
répète régulièrement : les forces armées turques et leurs mercenaires de
la mal-nommée « Armée nationale syrienne » (ANS) enfreignent très
régulièrement le cessez-le-feu. Pour la deuxième semaine de janvier 2020 par
exemple, les Forces démocratiques syriennes (FDS) (3) ont comptabilisé trois
enfreintes au cessez-le-feu : une frappe de drone le 9 janvier ayant tué
un civil et un membre des Asayish, un bombardement au mortier des villes
d’Arrida, Shorba Nisj et Qazali les 10 et 11 janvier, et, enfin, des tirs de
roquettes sur le village de Dugir le 12 janvier ayant tué un civil et un membre
des FDS.
Pourtant, pour rappel, plusieurs accords de
cessez-le-feu ont émaillé l’offensive turque « Source de paix »
lancée le 9 octobre 2019 en territoire syrien, en ciblant prioritairement les
villes de Tall Abyad et Ras-al Ayn. Un premier accord avait été conclu entre
les Etats-Unis et la Turquie et stipulait que les forces armées turques et
leurs alliés suspendraient leurs opérations durant une période de cinq jours,
au terme desquels les FDS devaient avoir évacué une bande frontalière profonde
de trente kilomètres ; sans quoi, Ankara reprendrait son offensive. Le
deuxième accord prenait la suite immédiate du premier : le 22 octobre,
soit le dernier jour de l’accord américano-turc, le Président turc convenait,
avec son homologue russe Vladimir Poutine, d’établir un nouveau cessez-le-feu.
Celui-ci conditionnait à nouveau son respect au retrait des forces kurdes du
nord-est syrien ; en outre, des patrouilles russo-turques devaient
garantir la sécurité dans les zones nouvellement délaissées par les FDS.
Le 24 octobre, la présidence turque
annonçait la fin des opérations militaires en Syrie, tout en menaçant de les
reprendre aussitôt qu’une menace « terroriste » (autrement dit,
« kurde », selon la vision d’Ankara) serait détectée dans le nord-est
syrien. S’appuyant sur ce dernier avertissement, la Turquie a ainsi, à
plusieurs reprises, enfreint les différents cessez-le-feu au respect desquels
elle s’était pourtant engagée. Les forces armées turques elles-mêmes n’ont,
toutefois, que rarement enfreint les cessez-le-feu ; ses proxy, incarnés
par les groupes armés
composant l’ANS l’ont
presque systématiquement fait à sa place. Les ONG et de hauts responsables
diplomatiques de diverses nationalités ont d’ailleurs dénoncé les atteintes
régulières aux Droits de l’Homme et au droit de la guerre commises par ces
mercenaires d’Ankara (4).
Malgré les succès diplomatiques de la
Turquie ayant permis au Président turc de lancer l’opération
« Source de Paix », cette dernière s’avère un succès en forte
demi-teinte : non seulement la zone conquise n’est pas aussi spacieuse
qu’escomptée pour reloger les 3,6 millions de réfugiés actuellement
présents sur le sol turc,
mais le nombre de réfugiés en Turquie s’est même accru de plusieurs milliers,
ces derniers ayant cherché à fuir les combats opposant les forces armées
turques aux combattants des FDS (5). En effet, la Turquie espérait sécuriser une
bande frontalière profonde d’une trentaine de kilomètres entre Ras al Ayn et
Tall Abyad ; elle ne l’est finalement que d’une vingtaine. De plus, les
réfugiés syriens présents en territoire turc ne se montrent que très peu
enthousiastes face au projet de relocalisation qu’Ankara leur impose dans le
nord-est syrien : essentiellement d’ethnie arabe, ces réfugiés refusent
d’être relogés de force dans les territoires à majorité kurde que sont ceux du
nord-est syrien. De nombreux cas de violences policières à l’encontre de
réfugiés syriens refusant d’être contraints d’aller dans la zone-tampon turque
au Rojava ont ainsi été documentés par les ONG présentes en Turquie (6).
La situation militaire dans le nord-est syrien
s’enfonce ainsi dans un certain statu quo : malgré les tentatives répétées
de percée ou de saisie opportune de villages par les mercenaires syriens
d’Ankara, notamment dans les secteurs d’Aïn-Issa et Tall Tamr, la ligne de
front kurde tient bon. Cette dernière est d’ailleurs renforcée d’éléments syriens
restés fidèles au régime de Bachar el-Assad et que l’AANES avait appelé à
l’aide contre les Turcs, moyennant le retour dans le giron syrien de plusieurs
axes et villes stratégiques, à l’instar de Raqqa, Qamishli ou encore de
l’autoroute M4, qui borde par le sud la zone d’opérations « Source de
Paix ». Les vastes opérations militaires du mois d’octobre 2019 semblent
donc bel et bien terminées, malgré les actions de harcèlement militaire brisant
régulièrement le cessez-le-feu et que dénoncent tout aussi fréquemment les
Kurdes syriens (7). Des patrouilles russo-turques sont régulièrement conduites
le long de la frontière et subissent désormais systématiquement des jets de
pierre et autres projectiles (fruits, légumes, chaussures, etc.) de la part des
populations civiles kurdes.
Pendant que le statu quo s’installe, Ankara s’emploie
à établir dans les territoires nouvellement conquis une administration qui lui
soit favorable, tout en les exploitant économiquement à son avantage et en y
instaurant une arabisation résolue.
La Turquie en territoire kurde syrien, entre
exploitation économique et arabisation à marche forcée
La présidence turque
ne s’en est pas cachée :
l’opération « Source de Paix », tout comme « Bouclier de
l’Euphrate » (août 2016) et « Rameau d’Olivier » (janvier 2018)
avant elle, avait pour but explicite de créer une « zone de
sécurité » faisant office de glacis protecteur pour la Turquie vis-à-vis
des populations kurdes. Cette bande frontalière devait relier les zones
d’opérations à l’ouest (canton d’Afrin pour « Rameau d’Olivier » et
Azaz/Al-Bab pour « Bouclier de l’Euphrate », dans le nord-ouest
syrien) à celles à l’est, en Irak, où la Turquie mène depuis le mois de mai
2019 une autre offensive contre le PKK, l’opération « Griffe ».
Les modalités de mise en œuvre de cette zone tampon se
sont avérées, elles, moins explicites. En effet, comme de nombreuses ONG ont pu
le dénoncer à Afrin, la Turquie et l’ANS s’emploient à remplacer les
populations kurdes par des populations arabes, qu’il s’agisse des réfugiés
syriens résidant du côté turc de la frontière ou bien, plus simplement encore,
des mercenaires syriens eux-mêmes et leur famille (8). Ce bouleversement
démographique se traduit par de fréquentes expropriations et par des actes
commis à l’encontre des populations kurdes locales. Un grand nombre de Kurdes
ayant fui les combats au moment des opérations turques et ayant essayé de revenir
chez eux ont par ailleurs retrouvé leur foyer occupé par de nouveaux occupants,
Arabes cette fois, quand ils n’ont pas été empêchés de revenir en territoire
kurde, comme cela a été également documenté par plusieurs ONG (9).
Concomitamment à ces mutations démographiques, la Turquie arabise les
territoires en reconstruisant des écoles où la langue kurde (10) n’est plus
enseignée, par exemple.
Plusieurs rapports font également état
d’une exploitation par la Turquie des territoires sous son contrôle. Le nord-est
syrien est en effet le « grenier à
blé » de la Syrie,
selon l’expression consacrée des géographes ; ses territoires se montrent
ainsi particulièrement riches en produits agricoles. De nombreuses photos ainsi
que des témoignages, régulièrement avancés par les Kurdes ou la presse (11),
mettent en évidence les trajets réguliers de camions turcs, chargés de blé
syrien et escortés de véhicules blindés, se dirigeant du nord-est syrien vers
la Turquie. Un document de l’autorité des marchés publics turcs viendrait
abonder en ce sens : celui-ci vise en effet à trouver un prestataire
capable de « transporter 2000 tonnes de céréales de Tall Abyad vers les
installations de stockage de l’Office turc des céréales (TMO) à Urfa d’ici le
30 juin 2020 ». La société de fret international turque Öz-Duy aurait
remporté le contrat (12).
Le temps joue donc contre les Kurdes syriens, qui
dénoncent l’exploitation économique de leur territoire par la Turquie mais,
surtout, ce qu’ils dénoncent comme étant un « génocide culturel » de
la part d’Ankara à l’encontre du Rojava (13).
Ce statu quo sied particulièrement à la présidence
turque, qui peut désormais tourner son regard bien plus à l’ouest : la
Libye. Afin de maintenir son contrôle sur la zone d’opérations « Source de
Paix » et envisager une intervention militaire à moindre coût en Libye,
Ankara aurait proposé à ses mercenaires syriens la nationalité turque s’ils
acceptaient un déploiement de six mois en Libye ou d’un an en Syrie (14).
Plusieurs commandants de l’ANS combattant dans les rangs turcs dès les
opérations « Bouclier de l’Euphrate » et « Rameau
d’Olivier » l’auraient déjà reçue (15).
Le front syrien stabilisé, Ankara a donc annoncé
souhaiter s’impliquer militairement dans le bourbier libyen ; les tenants
et aboutissants de cette intervention sont l’objet de la deuxième partie de cet
article.
Notes :
(1) http://www.rfi.fr/afrique/20200102-intervenir-libye-enjeu-regional-erdogan
(2) Le Rojava est la dénomination kurde des territoires kurdes situés en Syrie ; initialement géographique, le terme recouvre désormais une signification éminemment politique et désigne en grande partie les territoires gouvernés par l’Administration autonome du nord-est syrien (AANES).
(3) Pour rappel, les Forces démocratiques syriennes désignent une vaste alliance ethniquement hétérogènes de groupes armés syriens dominée, dans les faits, par les Unités de protection du peuple (YPG), bras armé du Parti de l’union démocratique (PYD), lui-même l’excroissance syrienne du Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK), mouvement révolutionnaire kurde d’obédience confédéraliste-démocratique.
(4) Cf. par exemple http://sn4hr.org/blog/2019/12/05/54543/
(5) https://reliefweb.int/report/syrian-arab-republic/displacement-and-despair-turkish-invasion-northeast-syria
(6) Cf. par exemple le rapport d’Amnesty International à ce sujet https://www.amnesty.org/en/documents/eur44/1102/2019/en/
(7) https://ahvalnews.com/ceasefire/sdf-leader-kobani-says-turkey-violates-ceasefire-deal-northeast-syria
(8) Cf. par exemple : https://foreignpolicy.com/2019/11/08/erdogan-wants-redraw-middle-east-ethnic-map-kurds-arabs-turkey-syria/
(9) https://www.middleeasteye.net/news/kurds-locked-out-afrin-ghouta-refugees-take-their-place
(10) Le dialecte kurmancî, en l’occurrence ; ce dernier est parlé par la majorité des populations kurdes vivant en Turquie, en Syrie, et en Irak du nord.
(11) A l’instar de Foreign Policy : https://foreignpolicy.com/2019/12/09/turkey-resettling-refugees-northeastern-syria/
(12) https://rojinfo.com/la-turquie-pille-20-000-tonnes-de-cereales-a-tall-abyad/
(13) https://kurdistan-au-feminin.fr/2018/12/02/il-y-a-un-genocide-culturel-et-linguistique-a-afrin/
(14) https://aawsat.com/english/home/article/2087341/money-turkish-nationality-draw-syrian-fighters-libya
(15) http://www.rfi.fr/afrique/20200111-ankara-donnerait-nationalite-turque-mercenaires-syriens-libye
(1) http://www.rfi.fr/afrique/20200102-intervenir-libye-enjeu-regional-erdogan
(2) Le Rojava est la dénomination kurde des territoires kurdes situés en Syrie ; initialement géographique, le terme recouvre désormais une signification éminemment politique et désigne en grande partie les territoires gouvernés par l’Administration autonome du nord-est syrien (AANES).
(3) Pour rappel, les Forces démocratiques syriennes désignent une vaste alliance ethniquement hétérogènes de groupes armés syriens dominée, dans les faits, par les Unités de protection du peuple (YPG), bras armé du Parti de l’union démocratique (PYD), lui-même l’excroissance syrienne du Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK), mouvement révolutionnaire kurde d’obédience confédéraliste-démocratique.
(4) Cf. par exemple http://sn4hr.org/blog/2019/12/05/54543/
(5) https://reliefweb.int/report/syrian-arab-republic/displacement-and-despair-turkish-invasion-northeast-syria
(6) Cf. par exemple le rapport d’Amnesty International à ce sujet https://www.amnesty.org/en/documents/eur44/1102/2019/en/
(7) https://ahvalnews.com/ceasefire/sdf-leader-kobani-says-turkey-violates-ceasefire-deal-northeast-syria
(8) Cf. par exemple : https://foreignpolicy.com/2019/11/08/erdogan-wants-redraw-middle-east-ethnic-map-kurds-arabs-turkey-syria/
(9) https://www.middleeasteye.net/news/kurds-locked-out-afrin-ghouta-refugees-take-their-place
(10) Le dialecte kurmancî, en l’occurrence ; ce dernier est parlé par la majorité des populations kurdes vivant en Turquie, en Syrie, et en Irak du nord.
(11) A l’instar de Foreign Policy : https://foreignpolicy.com/2019/12/09/turkey-resettling-refugees-northeastern-syria/
(12) https://rojinfo.com/la-turquie-pille-20-000-tonnes-de-cereales-a-tall-abyad/
(13) https://kurdistan-au-feminin.fr/2018/12/02/il-y-a-un-genocide-culturel-et-linguistique-a-afrin/
(14) https://aawsat.com/english/home/article/2087341/money-turkish-nationality-draw-syrian-fighters-libya
(15) http://www.rfi.fr/afrique/20200111-ankara-donnerait-nationalite-turque-mercenaires-syriens-libye
·
DE LA SYRIE À LA LIBYE, LA TURQUIE
SUR TOUS LES FRONTS : RÉSUMÉ ET ANALYSE. DEUXIÈME PARTIE : LA LIBYE,
UN NOUVEAU FRONT AUSSI ÉPINEUX DIPLOMATIQUEMENT QUE MILITAIREMENT POUR LA
TURQUIE
ARTICLE PUBLIÉ LE 24/01/2020
Par Emile Bouvier
La
Libye, un champ de bataille des puissances régionales
Une recontextualisation de la situation en Libye est
nécessaire avant d’envisager une compréhension claire de l’engagement
diplomatique et militaire d’Ankara dans le conflit. Pour rappel, après 42 ans
au pouvoir (1969-2011), le leader libyen Mouammar Kadhafi meurt lynché à la
suite d’une guerre civile ayant entraîné l’intervention d’une coalition
internationale sous l’égide de l’OTAN. Depuis, la situation apparaît pour le
moins chaotique : la faillite politique totale de l’Etat libyen se couple
au morcellement des pouvoirs politiques et militaires, concomitamment à la
présence de divers groupes djihadistes et aux activités délictueuses de
nombreux groupes mafieux.
Aujourd’hui, deux grands pôles politiques
et militaires s’opposent en Libye : à
l’est, le gouvernement de Tobrouk, soutenu par la Russie, l’Egypte, les Emirats
arabes unis et l’Arabie saoudite, à la tête duquel se trouve le charismatique
maréchal Khalifa Haftar, chef de l’Armée nationale libyenne (ANL) et fin
stratège s’étant rendu célèbre pour ses nombreuses victoires militaires
(bataille de Benghazi en 2014 par exemple). A l’ouest, se trouve le gouvernement
d’accord national (GNA) de Faïez el-Sarraj, basé à Tripoli, et reconnu comme
seul gouvernement légitime par la communauté internationale et soutenu par
l’ONU, les Etats-Unis, le Qatar et la Turquie.
Les djihadistes en Libye, progénitures de la crise
politique et sécuritaire ayant suivi la chute du régime de Khadafi, se sont
très rapidement ralliés à Daech, qui possède aujourd’hui le monopole des
activités terroristes en Libye. Al Qaeda et Ansar al-Charia, autrefois très
présents dans le pays, le sont bien moins aujourd’hui. Au plus fort de ses
succès en Libye, entre 2014 et 2016, l’Etat islamique contrôlait la ville
portuaire de Sirte et certains quartiers de Benghazi, tout en circulant
librement à travers le désert libyen où les djihadistes menaient des raids et
tendaient des embuscades aux forces de sécurité locales. Jamais Daech n’avait
été aussi proche de l’Europe (« Rome est à portée de main ! »
s’enthousiasmait Dabiq, l’organe de propagande de Daech à l’époque, le 15
février 2015). Aujourd’hui, notamment par les opérations militaires menées par
le maréchal Haftar, les djihadistes ont été expulsés de leurs fiefs littoraux
et mènent désormais une guérilla relativement contenue dans le désert.
Les deux grands acteurs politiques en Libye sont donc
le gouvernement de Tobrouk et le GNA. Militairement pourtant, les forces du
maréchal Haftar l’emportent sur celles du gouvernement de Tripoli, qu’elles
malmènent depuis désormais plusieurs mois et au détriment duquel elles ont
conquis, ces dernières semaines, de vastes portions de territoires en
Tripolitaine. Ce déséquilibre militaire apparaît comme l’une des raisons de
l’intervention turque, dont il sera fait mention plus tard.
Le 25 juillet 2017, une réunion inter-libyenne sous
l’égide du gouvernement français s’est tenue à Paris à l’initiative du
Président français Emmanuel Macron. Au cours de ces pourparlers, Faïez
el-Sarraj et le maréchal Haftar ont accepté de signer un accord engageant les
deux protagonistes à tenir des élections parlementaire et présidentielle dès
que possible. Cet accord ne tiendra pas plus de quelques semaines et les
hostilités éclateront très rapidement à nouveau entre Tripoli et Tobrouk.
En avril 2019, les forces du maréchal Haftar ont lancé
une vaste offensive visant à repousser les forces du GNA à l’ouest et à
conquérir la capitale Tripoli. L’opération s’est avérée jusqu’ici un succès,
l’ANL étant parvenue à pénétrer largement dans la profondeur du dispositif
défensif tripolitain et à atteindre la banlieue de Tripoli, dans la banlieue de
laquelle des combats se produisent régulièrement. Les forces du maréchal Haftar
y stagnent pour le moment et ne parviennent pas à entrer davantage dans la
ville en raison des robustes défenses érigées par les assiégés au fil des mois.
Dans ses opérations militaires, le maréchal Haftar
bénéficie d’un appui particulièrement avantageux : celui de mercenaires
russes mandatés par Moscou. Ces combattants et experts russes sont membres du
groupe Wagner, une société militaire privée ayant émergé durant le conflit dans
le Donbas ukrainien. Bien que Moscou nie toute implication directe dans le
conflit libyen et un quelconque contrôle sur ces mercenaires, les chercheurs et
spécialistes s’accordent sur le pouvoir qu’auraient les autorités russes sur le
groupe Wagner (1).
Dans ce contexte, quelles sont les raisons ayant
présidé à la décision turque d’intervenir en Libye ?
Une
intervention turque aux contours encore flous
Comme évoqué précédemment, la Turquie soutient
diplomatiquement le Gouvernement d’accord national (GNA) de Faïez el-Sarraj
depuis le début de la crise libyenne en 2011, et d’autant plus depuis la
désignation de ce dernier en décembre 2015 au poste de Président du Conseil
présidentiel et de Premier ministre.
Cette aide, qui s’était matérialisée jusqu’ici
uniquement par un appui diplomatique, s’est doublée d’un volet militaire à
partir du 9 mai 2019, un mois après la vaste offensive lancée par les forces du
maréchal Haftar au cours de laquelle les troupes du GNA se sont retrouvées
rapidement débordées. En effet, partis du port de Samsun et arrivés à Tripoli
plusieurs jours plus tard, une trentaine de véhicules blindés de combat
d’infanterie (VBCI) de manufacture turque, les Kirpi II, ont été envoyés par la
Turquie au GNA afin de l’aider à repousser les assauts du gouvernement de
Tobrouk.
Dans les semaines qui suivront cette première
livraison de véhicules blindés, la Turquie poursuivra sa fourniture de matériel
militaire au gouvernement de Tripoli : chars, drones… En complète
violation de l’embargo sur les armes édicté par l’ONU à l’encontre de la Libye,
Ankara livre de vastes volumes de matériel militaire, bien que leur quantité
exacte ne soit pas connue. Le régime turc s’affirme ainsi, d’emblée, comme le
soutien militaire et politique le plus investi du GNA.
Ce substantiel soutien turc permet à Faïez el-Sarraj
de reprendre le dessus sur Khalifa Haftar, qui essuie un revers devant Tripoli
le 27 juin 2019. Conscient du rôle joué par la Turquie dans sa défaite, le
maréchal ordonne le 29 juin à ses forces de prendre pour cible les navires
turcs dans les eaux libyennes et de s’attaquer aux entreprises turques et à
leurs emprises en Libye.
Tobrouk accuse la Turquie d’envoyer des munitions et
du matériel au GNA, mais aussi de l’appuyer avec des soldats turcs des forces
spéciales, entre autres choses. Si cette affirmation ne peut être vérifiée, la
présidence turque reconnaît en tous cas l’envoi par son pays de matériel de
guerre au profit du GNA, affirmant d’ailleurs que ce soutien a permis de
« rééquilibrer » la situation en Libye.
Cette entente militaire entre Ankara et Tripoli se
matérialise le 27 novembre 2019 par la signature, à Istanbul, d’un traité de
coopération militaire et sécuritaire entre le président turc Recep Tayyip
Erdogan et Faïez el-Sarraj. Cet accord prévoit l’installation de bases
militaires en Libye qui auront pour mission de conseiller et former l’armée de
Tripoli. Un deuxième traité est signé le même jour : celui-ci est cette
fois économique, et permet notamment à la Turquie d’étendre sa zone d’influence
et l’étendue de son plateau continental qui, en droit maritime, définit entre
autres choses les zones économiques exclusives (ZEE). La Libye et la Turquie,
sans davantage de fondements juridiques, étendent ainsi leur ZEE respective en
créant une sorte de couloir économique les reliant par la Méditerranée et leur
permettant de revendiquer le droit à exploiter les ressources présentes dans ce
couloir ; ce dernier se trouve, très opportunément, particulièrement riche
en hydrocarbures. La Grèce, l’Egypte, Chypre et Israël ont dénoncé cet accord,
duquel ces Etats sortent grands perdants économiquement (ndlr : un article
sera très prochainement rédigé sur le sujet de l’exploitation des ressources en
Méditerranée orientale dans Les clés du Moyen-Orient).
Le 2 janvier 2020, la Grande assemblée nationale
turque a voté en faveur d’un envoi de troupes turques en Libye. Il est à
noter, toutefois, que pour la première fois dans l’histoire des opérations
extérieures turques depuis la tentative de coup d’Etat du 15 juillet 2016, ce
vote en faveur d’un envoi de troupes turques à l’étranger n’a pas recueilli la
quasi-unanimité des votes à laquelle la chambre basse turque avait habitué le
Président jusqu’ici.
Dans un
premier temps, Ankara a envoyé en Libye des contingents de l’Armée nationale
syrienne précédemment évoquée : moyennant finance, ces mercenaires
acceptent de jouer à nouveau le rôle de proxy de la Turquie, sur le sol libyen
cette fois. Bien que leur nombre exact ne soit pas connu, (le nombre de 300 mercenaires
a pu toutefois être évoqué par Reuters notamment (2)), plusieurs pertes sur le
front tripolitain seraient déjà évoquées dans leurs rangs, selon des photos et
témoignages diffusées sur les réseaux sociaux (3). Ankara n’a, d’ailleurs, pas
communiqué officiellement sur le sujet.
Face à
l’escalade en Libye et la mise en danger de son protégé le maréchal Haftar, le
Président russe Vladimir Poutine est parvenu, avec le soutien de son homologue
turc, à imposer le 8 janvier un cessez-le-feu entre les belligérants de Tobrouk
et Tripoli. Une réunion a été organisée le 13 janvier à Moscou afin de
pérenniser ce cessez-le-feu par un accord signé par les parties en présence.
Après plusieurs heures de négociation et l’annonce, par le porte-parole du
gouvernement de Tobrouk, que le maréchal Haftar allait signer le document, ce
dernier se dérobe finalement au dernier moment avant de repartir en Libye,
alors même que son rival Faïez el-Sarraj avait signé l’accord.
Malgré
l’échec des négociations à Moscou, les belligérants respectent le cessez-le-feu
imposé par Vladimir Poutine et Recep Tayyip Erdoğan qui, le 14 janvier dernier,
a promis au maréchal Haftar de lui « infliger une leçon » s’il venait
à reprendre ses attaques (4).
Une
conférence sur l’avenir de la Libye organisée à Berlin le 19 janvier, qui
rassemblait les principaux pays impliqués dans le dossier (5), s’est avérée un
succès relatif, mais un succès quand même : les participants se sont
accordés sur le fait que la solution au conflit « n’était pas militaire »,
et que l’embargo sur les armes devait être renforcé. Sergueï Lavrov, ministre
russe des Affaires étrangères, aura résumé, devant les journalistes, l’issue de
la conférence en affirmant que cette dernière s’était montrée « très utile
[…], mais qu’il est clair qu’on n’a pas réussi pour l’instant à lancer un
dialogue sérieux et stable entre [Tobrouk et Tripoli] ». Le sort du
conflit libyen apparaît ainsi désormais, plus que jamais, entre les mains
d’acteurs étrangers au pays et non plus à ses belligérants originels.
Notes :
(1) https://fr.euronews.com/2019/12/19/qui-sont-les-combattants-russes-engages-dans-la-guerre-civile-libyenne
(2) https://www.reuters.com/article/libya-security-turkey/turkey-mulls-sending-allied-syrian-fighters-to-libya-sources-idUSL8N29425H
(3) https://www.almasdarnews.com/article/at-least-19-syrian-militants-killed-in-libya-monitor/
(4) https://www.francetvinfo.fr/monde/afrique/libye/libye-le-president-turc-erdogan-promet-d-infliger-une-lecon-au-marechal-haftar-s-il-reprend-ses-attaques_3784301.html
(5) La Turquie, la Russie et les deux gouvernements libyens naturellement, mais aussi les pays européens et les Etats-Unis.
(1) https://fr.euronews.com/2019/12/19/qui-sont-les-combattants-russes-engages-dans-la-guerre-civile-libyenne
(2) https://www.reuters.com/article/libya-security-turkey/turkey-mulls-sending-allied-syrian-fighters-to-libya-sources-idUSL8N29425H
(3) https://www.almasdarnews.com/article/at-least-19-syrian-militants-killed-in-libya-monitor/
(4) https://www.francetvinfo.fr/monde/afrique/libye/libye-le-president-turc-erdogan-promet-d-infliger-une-lecon-au-marechal-haftar-s-il-reprend-ses-attaques_3784301.html
(5) La Turquie, la Russie et les deux gouvernements libyens naturellement, mais aussi les pays européens et les Etats-Unis.
Lire sur Les clés du Moyen-Orient :
Comprendre la crise libyenne (2019-2020) : contexte diplomatique, enjeux sécuritaires et intérêts gaziers autour des accords turco-libyens
De l’engagement aux critiques, la position britannique sur la guerre en Libye
L’enlisement du conflit libyen et le rôle croissant de la Turquie (1/2)
L’enlisement du conflit libyen et le rôle croissant de la Turquie (2/2)
Comprendre la crise libyenne (2019-2020) : contexte diplomatique, enjeux sécuritaires et intérêts gaziers autour des accords turco-libyens
De l’engagement aux critiques, la position britannique sur la guerre en Libye
L’enlisement du conflit libyen et le rôle croissant de la Turquie (1/2)
L’enlisement du conflit libyen et le rôle croissant de la Turquie (2/2)
Bibliographie :
OXFORD ANALYTICA. Turkish involvement exacerbates Libya conflict. Emerald Expert Briefings, 2020, no oxan-es.
OXFORD ANALYTICA. Western omissions abet foreign meddling in Libya. Emerald Expert Briefings, 2020, no oxan-es.
OXFORD ANALYTICA. Turkish intervention in Libya would be highly risky. Emerald Expert Briefings, 2020, no oxan-es.
OXFORD ANALYTICA. Turkey may recruit more Syrian rebel fighters. Emerald Expert Briefings, 2020, no oxan-es.
QUILLIAM, Neil. Saudi Arabia, the UAE and Turkey : The Political Drivers of ‘Stabilisation’. In : Stabilising the Contemporary Middle East and North Africa. Palgrave Macmillan, Cham, 2020. p. 139-161.
OXFORD ANALYTICA. Turkish involvement exacerbates Libya conflict. Emerald Expert Briefings, 2020, no oxan-es.
OXFORD ANALYTICA. Western omissions abet foreign meddling in Libya. Emerald Expert Briefings, 2020, no oxan-es.
OXFORD ANALYTICA. Turkish intervention in Libya would be highly risky. Emerald Expert Briefings, 2020, no oxan-es.
OXFORD ANALYTICA. Turkey may recruit more Syrian rebel fighters. Emerald Expert Briefings, 2020, no oxan-es.
QUILLIAM, Neil. Saudi Arabia, the UAE and Turkey : The Political Drivers of ‘Stabilisation’. In : Stabilising the Contemporary Middle East and North Africa. Palgrave Macmillan, Cham, 2020. p. 139-161.
Sitographie :
Avec la Libye, la Turquie tente de briser son isolement en Méditerranée orientale, Mediapart, 18 janvier 2020
https://www.mediapart.fr/journal/international/180120/avec-la-libye-la-turquie-tente-de-briser-son-isolement-en-mediterranee-orientale?onglet=full
Le président turc Erdogan annonce l’envoi de troupes en Libye, France24, 16/01/2020
https://www.france24.com/fr/20200116-erdogan-annonce-l-envoi-de-troupes-turques-en-libye
Libye : le président turc Erdogan promet "d’infliger une leçon" au maréchal Haftar s’il reprend ses attaques, FranceInfo, 14/01/2020
https://www.francetvinfo.fr/monde/afrique/libye/libye-le-president-turc-erdogan-promet-d-infliger-une-lecon-au-marechal-haftar-s-il-reprend-ses-attaques_3784301.html
La Russie et la Turquie s’opposent en Libye mais se retrouvent autour d’un gazoduc, Le Monde, 08/01/2020
https://www.lemonde.fr/afrique/article/2020/01/08/la-russie-et-la-turquie-s-opposent-en-libye-mais-se-retrouvent-autour-d-un-gazoduc_6025158_3212.html
Libye : Erdogan annonce le début du déploiement de soldats turcs, L’Express, 06/01/2020
https://www.lexpress.fr/actualite/monde/afrique/libye-erdogan-annonce-le-debut-du-deploiement-de-soldats-turcs_2113499.html
Des mercenaires syriens envoyés par la Turquie présents en Libye, RFI, 31/12/2019
http://www.rfi.fr/afrique/20191230-libye-turquie-presence-mercenaires-syriens
Erdoğan : Road to peace in Libya goes through Turkey, Politico, 18/01/2020
https://www.politico.eu/article/road-to-peace-in-libya-goes-through-turkey-khalifa-haftar/
Why Turkey’s Libya commitment angers Arab nations, DW, 18/01/2020
https://www.dw.com/en/why-turkeys-libya-commitment-angers-arab-nations/a-52052924
EU Divisions In Libya Leaves Space Wide Open For Turkey, Forbes, 31/12/2019
https://www.forbes.com/sites/pascaledavies/2020/12/31/eu-divisions-in-libya-leaves-space-wide-open-for-turkey/#7a711758716b
Erdogan announces plan to send troops to Libya, Al Jazeera, 26/12/20219
https://www.aljazeera.com/news/2019/12/erdogan-announces-plan-send-troops-libya-191226090214331.html
Syria’s Kurdish Forces Hold Back the Tides, Foreign Affairs, 15/01/2020
https://www.foreignaffairs.com/articles/united-states/2020-01-15/syrias-kurdish-forces-hold-back-tides
The future of Syrian Kurds is ambiguous, but still hopeful, United World International, 20/01/2020
https://uwidata.com/7209-the-future-of-syrian-kurds-is-ambiguous-but-still-hopeful/
Turkey rapidly succeeds in taking over Libya conflict – analysis, The Jerusalem Post, 19/01/2020
https://www.jpost.com/Middle-East/Turkey-rapidly-succeeded-in-taking-over-Libya-conflict-614628
Avec la Libye, la Turquie tente de briser son isolement en Méditerranée orientale, Mediapart, 18 janvier 2020
https://www.mediapart.fr/journal/international/180120/avec-la-libye-la-turquie-tente-de-briser-son-isolement-en-mediterranee-orientale?onglet=full
Le président turc Erdogan annonce l’envoi de troupes en Libye, France24, 16/01/2020
https://www.france24.com/fr/20200116-erdogan-annonce-l-envoi-de-troupes-turques-en-libye
Libye : le président turc Erdogan promet "d’infliger une leçon" au maréchal Haftar s’il reprend ses attaques, FranceInfo, 14/01/2020
https://www.francetvinfo.fr/monde/afrique/libye/libye-le-president-turc-erdogan-promet-d-infliger-une-lecon-au-marechal-haftar-s-il-reprend-ses-attaques_3784301.html
La Russie et la Turquie s’opposent en Libye mais se retrouvent autour d’un gazoduc, Le Monde, 08/01/2020
https://www.lemonde.fr/afrique/article/2020/01/08/la-russie-et-la-turquie-s-opposent-en-libye-mais-se-retrouvent-autour-d-un-gazoduc_6025158_3212.html
Libye : Erdogan annonce le début du déploiement de soldats turcs, L’Express, 06/01/2020
https://www.lexpress.fr/actualite/monde/afrique/libye-erdogan-annonce-le-debut-du-deploiement-de-soldats-turcs_2113499.html
Des mercenaires syriens envoyés par la Turquie présents en Libye, RFI, 31/12/2019
http://www.rfi.fr/afrique/20191230-libye-turquie-presence-mercenaires-syriens
Erdoğan : Road to peace in Libya goes through Turkey, Politico, 18/01/2020
https://www.politico.eu/article/road-to-peace-in-libya-goes-through-turkey-khalifa-haftar/
Why Turkey’s Libya commitment angers Arab nations, DW, 18/01/2020
https://www.dw.com/en/why-turkeys-libya-commitment-angers-arab-nations/a-52052924
EU Divisions In Libya Leaves Space Wide Open For Turkey, Forbes, 31/12/2019
https://www.forbes.com/sites/pascaledavies/2020/12/31/eu-divisions-in-libya-leaves-space-wide-open-for-turkey/#7a711758716b
Erdogan announces plan to send troops to Libya, Al Jazeera, 26/12/20219
https://www.aljazeera.com/news/2019/12/erdogan-announces-plan-send-troops-libya-191226090214331.html
Syria’s Kurdish Forces Hold Back the Tides, Foreign Affairs, 15/01/2020
https://www.foreignaffairs.com/articles/united-states/2020-01-15/syrias-kurdish-forces-hold-back-tides
The future of Syrian Kurds is ambiguous, but still hopeful, United World International, 20/01/2020
https://uwidata.com/7209-the-future-of-syrian-kurds-is-ambiguous-but-still-hopeful/
Turkey rapidly succeeds in taking over Libya conflict – analysis, The Jerusalem Post, 19/01/2020
https://www.jpost.com/Middle-East/Turkey-rapidly-succeeded-in-taking-over-Libya-conflict-614628
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire