dimanche 17 janvier 2021

Άραβες περιηγητές του Μεσαίωνα

 

Entretien avec Jean-Charles Ducène - Les voyageurs arabes médiévaux : chroniques et récits. Abū Dulaf Mis‘ar, le voyageur fabulateur

Par Florence SomerJean-Charles Ducène
Publié le 06/01/2021 • modifié le 07/01/2021 • Durée de lecture : 10 minutes

https://www.lesclesdumoyenorient.com/Entretien-avec-Jean-Charles-Ducene-Les-voyageurs-arabes-medievaux-chroniques-et-3316.html

   


Aerial view over the fortress, lake and ruins at Takht-E-Sulaiman, Iran, Middle East.

Robert Harding Productions / Robert Harding Heritage / robertharding via AFP

La série d’articles sur le récit de la vie et des voyages des voyageurs arabes vise à donner une image de l’Orient médiéval narrée par ses auteurs qui ont arpenté les villes et les endroits reculés de leur temps. A travers leurs lignes, la topographie et les particularités des lieux autant que les coutumes et les usages de leurs habitants prendront corps dans nos esprits et nous permettront de nous figurer le mode de vie et les préoccupations qui furent celles des milieux divers que nos voyageurs ont côtoyés et décrits, du faste de la cour aux intérêts des lettrés en passant par l’état du développement des sciences et les préoccupations des milieux ruraux et citadins. Entre littérature historique, récit légendaires et témoignages pragmatiques détaillés, la traduction des récits de ceux qu’on nommerait approximativement aujourd’hui « géographes » promet de nous transporter dans le temps, à une dizaine de siècles de distance, dans un ailleurs dont les écrits ont préservé la mémoire.

Cet article est consacré à un voyageur particulièrement inventif : Abū Dulaf Mis‘ar (première moitié du Xe siècle). Au service de plusieurs dirigeants bouyides, il nous relate l’arrivée d’une délégation chinoise à Boukhara puis son périple présumé auprès des Ouighours occidentaux, des populations turques d’Asie centrale, en Inde ou à l’est de l’Iran. Dans un second récit, il nous offre une minutieuse description de l’Iran, des monuments d’origine sassanide qu’il croise sur sa route, de la géographie et la géologie des pays qu’il arpente ainsi que le récit des légendes locales qui arrivent à sa connaissance.

Directeur d’études à l’Ecole Pratique des Hautes Etudes où son enseignement et ses recherches portent sur la géographie et les sciences naturelles arabes médiévales, Jean-Charles Ducène nous relate les pérégrinations de ce voyageur fabulateur.

Les voyageurs arabes médiévaux sont connus pour avoir laissé des récits de leurs pérégrinations, est-ce le cas avec Abū Dulaf Mis‘ar ?

Effectivement, la littérature géographique arabe médiévale est illustrée dès le milieu du IXe siècle par des récits de voyageurs enregistrés pas des hommes de lettres, puis ce sont les voyageurs eux-mêmes qui mettent au propre leur expérience, mais entendons-nous, il ne s’agit pas encore de récits subjectifs car il y a une distanciation entre le narrateur et son objet de telle sorte que l’on est bien en peine de connaître sa personnalité, en outre, ce sont bien souvent des rapports de « missions » diplomatiques qui ont été conservés, par nature plus factuels. Par la suite, les choses changeront, pensons à Ibn Baṭṭūṭa (1304 – 1368-9 ou 1377). Ces textes possèdent aussi forcément une dimension autobiographique, pourtant rare dans la littérature du temps. C’est donc bien une écriture rétrospective non-fictionnelle. Ces textes sont écrits ou réécrits après coup en vue d’être publiés – au sens médiéval du terme. C’est une narration en « je » narrateur, où la chronologie suit le déroulement du déplacement avec, comme pause, juste des digressions explicatives ; on reste généralement au niveau de la diégèse. Ainsi la norme implicite qui sert de point de repère est beaucoup moins la conscience de l’individu que son moi social.

Avec Abū Dulaf, cette relation de voyage se complexifie car il nous en laisse deux. Une première où, à la suite de l’arrivée à Boukhara d’une ambassade chinoise demandant une fiancée au souverain local, al-Sā‘id Naṣr le Samanide (r. 914-943), il prétend avoir accompagné la délégation retournant en Chine, plus précisément chez les Ouighours occidentaux. Arrivé à leur capitale, sans doute Kan-tchou au nord-ouest de la Chine, l’auteur quitte cette compagnie pour, selon ses dires, effectuer un long périple auprès de populations turques d’Asie centrale (les Pétchénègues, les Kaymak, les Ghuzz, les Tughuzghuz – nos Ouighours –, les Kirgiz, les Qarlouq, …) avant de passer en Chine et rejoindre le détroit de Malacca en faisant un détour par le Champa (sud du Vietnam) pour revenir par l’Inde et atteindre l’est de l’Iran. Au sein des communautés humaines qu’il visite, son intérêt se porte systématiquement sur les modes de subsistance, d’habillement, les mœurs conjugales et la religion. Ainsi, selon lui les Tughuzghuz adressent leurs prières au soleil couchant tandis que les Kirgiz se tournent vers le sud pour prier et ils adorent Saturent et Vénus, considérant Mars de mauvais augures.

Cependant, ces pérégrinations sont souvent géographiquement incohérentes, les noms des tribus décrites inconnus par ailleurs ou les prétendues localisations infirmées par d’autres sources, les inévitables impedimenta passés sous silence. Dès lors, la majorité des commentateurs ont considéré ce récit comme étant controuvé : c’est une fiction, une affabulation, où l’auteur joue sur le « je » narrateur pour faire accroire à son lecteur ses observations. Puisque les informations sont vraisemblables, on peut supposer qu’Abū Dulaf les a recueillies au Khorasan ou en Iran et qu’il les a ensuite réécrites selon un itinéraire fictif que les lecteurs du moment auraient eu bien du mal à démêler. Plusieurs ouvrages de géographie ont d’ailleurs été rédigés en Transoxiane à cette époque, nous pensons à celui du vizir Ǧayhānī ou encore aux « Frontières du monde » (Ḥudūd al-‘ālam) attribuées à Ibn Farīġūn. D’autant, que les normes littéraires du temps permettaient que l’on truffe un récit avec des faits extraordinaires – mais pas forcément des merveilles – qui tenaient l’attention du lecteur en éveil, en l’amusant sans le lasser.

Cette composition d’Abū Dulaf tranche avec son second récit qui relate ses voyages en Iran, aux alentours de 950, où il montre une curiosité quasi archéologique pour les vestiges préislamiques et les ressources naturelles du pays, que ce soit les sources thermales ou les gisements de minéraux (arsenic, litharge, alun, cuivre,…), c’est vrai qu’à l’entame de son récit, il fait l’éloge de l’alchimie. Etonnamment, les fruits et en particulier les grenades attirent également son attention.

Il n’a pas couché par écrit son récit au fur et à mesure de ses déplacements mais il l’a composé après coup. Ce sont des souvenirs reliés par des itinéraires plus ou moins lâches. Entre ces itinéraires, comme des transitions apparaissent des évocations de curiosités, de faits historiques ou de légendes appelées par le monument décrit, le dernier toponyme ou la région atteinte. Ici, on peut encore aujourd’hui quasi le suivre, livre en main, durant tout son voyage – avouons néanmoins que dans certaines régions l’on s’y perd ! Pour appuyer son témoignage, il le localise et le date de temps à autre. Il parcourt ainsi tout l’Iran depuis l’Arménie et l’Azerbaïdjan jusqu’à Tūs, en passant par Bakou, Tiflis, Hamadan, Ispahan ou encore Khanaqin. Il décrit par exemple les ruines les palais de Qaṣr Shīrīn près de l’actuelle frontière iraquienne, dont la fondation serait due à une promesse faite par Chosroès II, enivré, à sa favorite Shīrīn. A Shabdīz, sur le site actuel de Tāq-i Bostān, il fait allusion à plusieurs hauts reliefs représentant des souverains sassanides, toujours observables aujourd’hui, dont Chosroès II à cheval. L’Iran sassanide étant renommé pour ses ponts, le voyageur nous en décrit plusieurs dont le pont-barrage sur le Karoun – le Band-e Kaisar –, à Shushtar, construit par des prisonniers romains et dont il subsiste 35 arches. Le monument, qui reste impressionnant, a d’ailleurs été classé par l’UNESCO.

Paradoxalement, Abū Dulaf enregistre des légendes et une histoire iranienne préislamique au moment où les dynasties iraniennes au pouvoir patronnent l’éclosion d’une littérature arabe. Un siècle plus tard, ce ne sera plus possible, le persan ayant pris la relève de l’arabe et les Turcs s’étant hissés au pouvoir. Ce légendaire iranien qui voit derrière chaque ruine un héros ancien témoigne de la vivacité de ces traditions au Xe siècle, peu avant que la littérature persane n’en donne une forme canonique.

Le faux récit de voyage en Asie paraît tout de même surprenant, était-ce un cas unique ?

A vrai dire, on peut considérer cela comme une conséquence du succès du genre dans le sens où il s’agit d’un détournement littéraire, nous dirions un pastiche, mais il n’est pas le seul. L’exemple emblématique est le récit de Sallām l’Interprète qui rapporte à la première personne à Ibn Ḫurradāḏbih (IXe siècle) son expédition à la Muraille des Gog et Magog, en Asie centrale, pour en vérifier la solidité après que le calife al-Wāṯiq (r. 842-847) eut vu en rêve qu’elle s’écroulait ! L’on possède également un récit à la véracité très suspecte d’un certain Yaḥyā al-Ġazal qui aurait été envoyé par le calife andalou ‘Abd al-Raḥman II (r. 822 – 852) auprès des Vikings en 844. Ce même personnage – poète de son état – aurait en revanche effectué une véritable mission à Byzance.

Remarquez que le pastiche a été entretenu jusqu’au XIXe siècle, ainsi, en 1828, Constantin Mouradgea d’Ohsson publie à Paris le récit d’un voyage fictif qu’aurait réalisé un envoyé du calife auprès du roi des Bulgares en 948 (Des peuples du Caucase et des pays du nord de la mer Noire et de la mer Caspienne ou voyage d’Abou el-Cassim). Pour la forme, d’Ohsson fait sien le récit de voyage tel qu’il apparaît à l’époque classique et quant au fond, il démarque les plus importants auteurs arabes ayant touché à la géographie.

Puisque nous sommes là devant, si pas un faussaire, du moins un talentueux affabulateur, peut-on mieux connaître sa personnalité ou sa biographie ?

Votre question est judicieuse mais la réponse qu’elle demande est difficile à formuler pour cette époque car ces auteurs restent très objectifs, très distants de leur objet narratif, de sorte que l’instance narratrice est neutre, ne livrant guère d’informations personnelles. Il faut attendre le XIIe siècle pour que la subjectivité soit revendiquée par les voyageurs, l’exemple paradigmatique étant Ibn Baṭṭūṭa. Certes, avant cela le « moi » avait trouvé quelques lieux où s’épandre, à commencer par l’autobiographie suite à une crise de conscience comme chez al-Ghazalī, mais le genre n’est pas pratiqué pour lui-même.

Les éléments concrets sur lesquels nous appuyer sont bien rares pour connaître Abū Dulaf. Son nom complet, Abū Dulaf Mus‘ar ibn al-Muhalhil al-Yanbū‘ī, indique que c’était un arabe originaire de Yanbu‘, aujourd’hui en Arabie saoudite.
Des anecdotes rapportées par des anthologues littéraires nous le montrent attaché à différentes petites cours iraniennes bouyides, shi’ites, qui à cette époque aident à l’éclosion d’une littérature arabe et à la réflexion originale, contrairement au conservatisme sunnite. Nous savons ainsi par al-Ṯa‘ālibī (961-1038) qu’Abū Dulaf est présent à la cour de ‘Aḍud al-Dawla (r. 949-983) à Shīrāz où il prend part à des discussions. On le retrouve ensuite, selon al-Tawḥīdī (m. ca 1010), auprès du vizir de Rukn al-Dawla (r. 947-977), Ibn al-‘Amīd (m. 970), à Rayy, où il tâche de passer pour un médecin. Mais le vizir s’en trouve encore plus mal et surtout n’est pas dupe de ses prétentions de descendre de Rāzī par sa fille, car le vizir qui a personnellement connu Rāzī, sait qu’il n’a jamais eu de fille ! Considérons qu’Abū Dulaf peut s’avérer parfois hâbleur ou affabulateur, mais ses talents littéraires sont certains car comme protégé du vizir lettré, lui-même styliste de renom, Ṣāḥib Ismā‘īl ibn ‘Abbād al-Ṭāliqānī (938-995), il compose un poème argotique – la Qaṣīda Sāsāniyya –, qu’il lui dédie.
Enfin, Ibn al-Nadīm (écrit en 988) qui est un bibliographe de Bagdad, interrogea Abū Dulaf à propos des religions indiennes et chinoises, et il le qualifie de « globe-trotter ». Abū Dulaf lui-même écrit à l’entame de son premier récit « Allāh a destiné spécialement aux voyages ceux qui sont doués de raison et d’expérience, et c’est une charge que leur confient les gens intelligents et clairvoyants ».

Pourrait-on parler d’un regard ethnographique de sa part ?

D’aucuns vous reprendraient en prétextant que ce type d’observation n’apparaît qu’au XIXe siècle avec la naissance de cette discipline, mais je partage votre sentiment car ces voyageurs en général et Abū Dulaf en particulier jettent sur le comportement d’autrui un regard attentif. Gardons néanmoins à l’esprit que le genre dans lequel ils écrivent demande aussi que l’on entretienne l’intérêt du lecteur par des « bizarreries » exotiques de sorte qu’il convient de faire la part entre le fruit de son imagination et ses observations. Il nous décrit ainsi des cultes astrolâtres chez de nombreuses tribus turques – ce qui semble abusif – mais aussi l’usage d’une pierre pour faire pleuvoir chez les Kaymak. Or, cette magie météorologique par la manipulation de pierres (jade, bézoard, météorite, …) est bien attestée chez les peuples turco-mongols d’Asie centrale.

Ses observations deviennent bien plus crédibles quand elles portent sur les activités humaines de production. Il mentionne les baux sur les sources de pétrole à Bakou, il décrit les tribus kurdes au sud du lac d’Urmiya. Il donne une des plus anciennes descriptions du poivrier cultivé au sud-ouest de l’Inde, dans le « pays du poivre ». A Kollam (auj. Quillon) en Inde, il mentionne la fabrication d’une fausse céramique chinoise – une fausse porcelaine –, exportée ensuite en Iran. Il souligne la qualité des textiles tissés à Rayy où il a vu une pièce de tissu longue de 200 coudées soit plus de 6 mètres et vante les pommes de Bistam, exportées jusqu’en Iraq quoique la spécialité de la localité soit la production de parfums.

En continuant votre réflexion à l’extrême, l’auteur s’est-il laissé abuser par les informations légendaires ou des merveilles ?

Disons qu’il pratique parfois l’hyperbole consciemment. Quand il nous parle de tiges de rhubarbes de près de 600 kg à Nishapour, il est difficile qu’il ait été lui-même dupe de son information ! J’ajoute que ce légume, originaire de Chine, est mentionné dans les pharmacopées persanes au Xe siècle à la fois pour ses qualités officinales et comme aliments. Ne nous trompons pas cependant sur la crédulité du lectorat médiéval : les copistes ont introduit à plusieurs endroits du texte des incises indiquant leur scepticisme face aux exagérations de l’auteur.

Historiquement plus intéressant, il enregistre également des légendes locales comme celle qui concerne la fondation du pyrée de Takht-i Sulaymān (voir illustration) au sud d’Urmiya, temple du feu très renommé à l’époque sassanide et dont le cadre géographique reste impressionnant. Ainsi, ce serait sous le shah Hurmiz ibn Khusraw-Shīr que le site aurait été choisi de la manière suivante. Le souverain aurait été averti de la naissance à Jérusalem d’un enfant béni. Il aurait alors décidé de lui faire parvenir de la myrrhe, de l’huile et de l’encens. Son émissaire trouve Marie et lui remet les présents en lui faisant connaître la sainteté de son enfant. A son départ, elle lui remet une bourse contenant un peu de terre en lui disant que son souverain construira dessus. L’émissaire s’en retourne mais arrivé près du site du futur pyrée, il sent la mort s’approcher et il enfuit la bourse dans le sol. Hurmiz ibn Khusraw-Shīr apprenant la mort de son envoyé, en dépêche un autre pour qu’il retrouve la bourse en question, en lui précisant qu’il la découvrirait instinctivement. Et de fait, arrivé sur les lieux, il voit de nuit une lueur émaner du sol à l’endroit où la bourse se trouve et c’est là qu’il jette les fondations du temple. Cette légende, apparentée à celle des mages de l’Evangile de Matthieu (Mt, 2, 1-12) trouve un écho dans un texte syriaque du VIe siècle, la Caverne des trésors, où l’un des mages s’appelle Hormizkar, puis bien plus tard chez Marco Polo (1254 – ca 1324) !
Quand Abū Dulaf décrit le volcan du Donbawand, il rappelle que l’on raconte que le roi Afrīdūn y aurait emprisonné Bivarāsb dont les volutes de fumée qui s’en échappent seraient la respiration.

Comment ces relations de voyage si particulières sont arrivées jusqu’à nous ?

Votre interrogation induit tacitement que la conservation de ces témoignages anciens est liée au hasard. C’est en 1836 qu’un érudit russe, Friedrich Stüwe, produit la première analyse du récit de voyage en Asie, mais il faut attendre la publication du dictionnaire géographique de Yāqūt – qui en donne de longs extraits – par Ferdinand Wüstenfeld entre 1866 et 1873 pour que ces textes attirent l’attention des orientalistes. Puis, en 1922, l’orientaliste bashkir Zeki Velidi Togan (1890-1970), se réfugie en Iran suite à ses activités politiques au Turkestan pour se sauver des Bolcheviques. Il découvre alors à la bibliothèque du mausolée de l’imam ‘Alī Riḍā à Meshhed un manuscrit contenant quatre ouvrages de géographie, dont les deux épitres d’Abū Dulaf.

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Bibliographie :
Bosworth, Cl. Ed., The Medieval Islamic Underworld. The Banū Sāsān in Arabic Society and Literature, Leide, 1976, 2 vols.
Minorsky, Vl., Abū-Dulaf Mis‘ar ibn Muhalhil’s travels in Iran (circa A.D. 950), Le Caire, 1955.
Miquel, A., La géographie humaine du monde musulman, Paris, 1967-1988, 4 vols.
Rohr-Sauer (von), A., Des Abû Dulaf Bericht über seine Reise nach Turkestân, China und Indien, Stuttgart, 1939.

 

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