Christian Augé in memoriam http://www.ifporient.org/node/1831
Nous avons la grande tristesse d'apprendre que Christian Augé, directeur de recherches honoraire au CNRS, est décédé vendredi 19 août 2016. Né en 1943 dans une famille originaire de la région de Nîmes, Christian avait fait des études supérieures de lettres classiques, notamment à l'École normale supérieure, qui l'avaient conduit dès ses premiers pas dans la recherche à se tourner vers l'archéologie, tout spécialement l'iconographie gréco-romaine et orientale et la numismatique. Une expatriation comme coopérant en Libye puis de très nombreux séjours au Proche-Orient firent rapidement de lui un spécialiste des rives sud-est et orientale de la Méditerranée et de leur arrière-pays. Chercheur au CNRS durant toute sa carrière professionnelle, il y fut longuement l'une des principales chevilles ouvrières françaises du LIMC, le Lexicon iconographicum mythologiae classicae, cette monumentale entreprise internationale qui, en quelques décennies, produisit l'exhaustif dictionnaire multilingue richement illustré, en de nombreux volumes, qui porte le même nom — certes pas limité à l'imagerie de la mythologie des Grecs et des Romains au sens étroit, mais grand ouvert sur les cultures voisines ou parfois moins voisines. C. Augé, précisément, y fut l'artisan d'un fort grand nombre de notices consacrées aux divinités de l'Orient autour de la longue époque hellénistique et romaine.
Mais c'est plus encore sans doute dans son autre grande spécialité, la numismatique, qu'il a marqué pendant plus de quatre décennies le monde des historiens, archéologues et épigraphistes du Proche-Orient et de la péninsule arabique : par l'ampleur, d'une part, de sa culture et de sa pratique numismatiques, qui lui permettait d'identifier et étudier aussi bien des monnaies impériales romaines ou byzantines que des émissions de petites villes ou de royaumes indigènes ou encore d'illisibles petits bronzes aux images très dégradées issues du répertoire grec, émises dans des recoins perdus de l'Arabie à des dates difficilement cernables. Mais aussi, d'autre part, par sa participation comme numismate à tant et tant de missions libano- ou syro- ou jordano- ou saoudo-européenne, voire américaines — une participation qu'on aurait volontiers dite infatigable si elle n'avait été épuisante, sa santé étant fragile depuis sa jeunesse. Particulièrement bon connaisseur et amateur de la Jordanie, des Nabatéens et de Pétra, Christian se dévoua pendant plus de dix ans, à partir du début des années 2000, pour diriger la mission archéologique française consacrée au grand sanctuaire du centre de Pétra, le Qasr el-Bint, où il eut le bonheur de présider à quelques découvertes sensationnelles, dont celle d'une magnifique tête en marbre de l'empereur romain et philosophe stoïcien Marc Aurèle. Dans cette période, Christian fit longuement partie de l'Ifpo en son antenne d'Amman, où le CNRS l'avait détaché pour qu'il fût au plus près de ses terrains. Retraité, il continua à résider en partie dans cette Jordanie qu'il aimait tant, en compagnie de son épouse Hélène, ouvrant largement les portes de leur logis d'Amman à bien des jeunes savants ou étudiants.
D'une très grande générosité, particulièrement affable, faisant volontiers partager à ses collègues et aux plus jeunes son érudition, C. Augé prit, aussi, largement sa part des tâches collectives et responsabilités, notamment en siégeant au comité national du CNRS ou en présidant la Société française d'archéologie classique. Après son long séjour au sein du LIMC — un laboratoire qu'il quitta avant que le LIMC fût rattaché au grand laboratoire ArScAn — il entra dans ArScAn (l'UMR «Archéologie & sciences de l'Antiquité», au sein de la Maison de l'Archéologie et de l'Ethnologie de Nanterre), où il dirigea pendant une dizaine d'années à partir du milieu des années 1990 sans ménager sa peine l'équipe d'Archéologie du Proche-Orient Hellénistique et Romain.
À la MAE comme à l'Ifpo, mais aussi chez nombre de nos collègues du Proche-Orient et des pays européens, le décès de cet érudit pointilleux et de cet homme très aimé laisse un grand vide. Sit tibi terra levis, Christian — Allah yarhamhu.
François Villeneuve, directeur élu d'ArScAn, président du conseil scientifique de l'Ifpo.
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