Η ζωή εδώ σταμάτησε για τον αυγυπτ(ι)ολόγο Michel Wuttmann στην Αίγυπτο, στις 10.2.2013. ερευνητής και δυνατός άνθρωπος. ας αναπαύεται εν ειρήνη.
Michel Wuttmann nous a quittés le 10 février 2013. Nous perdons un
collègue et un ami qui a œuvré pour la science et pour l’Égypte durant
près de trente années.
Michel est né le 6 juillet 1955, à Strasbourg, en Alsace. Après des
études supérieures à l’Ecole de chimie de Nancy, il a obtenu son diplôme
d’ingénieur chimiste, et aurait pu poursuivre, dans l’industrie, une
carrière dorée, à l’abri du besoin. Il a préféré les chemins étroits de
l’archéologie, une passion qui lui a permis d’allier sa haute formation
de chimiste et son aisance dans les sciences dites « exactes » aux
démarches moins assurées, mais tout aussi exigeantes des sciences
humaines. Après avoir exercé l’archéologie chez lui, en Alsace, puis au
Yémen et en Syrie, il a effectué son service militaire dans le cadre de
la coopération, au centre d’étude franco-égyptien des temples de Karnak,
puis a rejoint les chantiers de l’IFAO. C’est là, embauché comme
restaurateur sur de petits contrats, qu’il a commencé à réaliser son
rêve égyptien. Car au-delà du scientifique respecté, la dimension
humaine de Michel lui venait aussi de cette innocence que les grands
enfants gardent en eux et qui leur permet de soulever des montagnes.
Unanimement reconnu dans sa spécialité – l’étude et la restauration des
matériaux archéologiques – il a été recruté à l’IFAO, en 1992, sur un
poste d’ingénieur de recherche et a créé le laboratoire de restauration
et d’étude des matériaux, puis, en 2006, le
laboratoire de datation radiocarbone,
dont tout l’intérêt se conçoit aisément dans un pays où l’exportation
d’échantillons archéologiques est strictement interdit par la
législation. Commandité en 1996 par la direction de l’IFAO pour un
travail de restauration majeur sur le temple de
Douch,
dans l’oasis de Kharga, Michel découvre alors, dans le paysage magique
des grandes barkhanes, l’immensité des recherches qui restent à
accomplir dans ces déserts qui ont su garder durant des millénaires les
vestiges quasi intacts des populations qui s’y succédèrent en des temps
plus cléments. Avec lucidité et une avance sur son temps, il entreprend
un projet de longue haleine fondé sur l’étude d’un territoire dans une
perspective diachronique – de la préhistoire à l’époque médiévale – et
selon une problématique alors originale et aujourd’hui tellement
actuelle : l’homme et l’eau ou l’adaptation des populations face à la
détérioration de l’environnement. Il met alors en place un vaste
programme de prospections systématiques, qui lui a permis d’explorer
1500 km2 des confins sud du bassin de Douch jusqu’au nord de la ville de
Baris, et d’identifier un peu plus de 250 sites s’échelonnant du
Paléolithique à l’époque médiévale. Des fouilles et des sondages ciblés
ont contribué à la construction d’une chronologie, appuyée sur l’étude
du matériel et des datations C14 effectuées dans « son » laboratoire de
l’IFAO. Sur le site même de Douch, au pied du temple, il installe et
développe une base archéologique qui accueillera les meilleurs
spécialistes, archéologues, géologues, épigraphistes, botanistes,
archéozoologues, et dont les recherches alimentent un SIG. A l’écoute de
ses collaborateurs, Michel savait, par son jugement, orienter les
démarches, abandonner les impasses, lancer de nouvelles pistes,
s’associer et créer toujours de nouveaux réseaux. Homme de contact, il a
ainsi tissé, avec une infinie modestie, des collaborations et des
sympathies, dont témoignent aujourd’hui les messages reçus du monde
entier. Parfaitement arabophone, il avait choisi de vivre dans ce pays
qu’il aimait, et a su, toujours avec tact et courtoisie, entretenir avec
ses collègues du service des antiquités une relation de confiance
rarement atteinte. Son rôle dans la formation a été déterminant,
envoyant son personnel en stage, en France, accueillant lui-même des
stagiaires sur son chantier, épaulant de jeunes collègues égyptiens pour
des travaux d’expertise.
L’IFAO, au rayonnement duquel il a grandement contribué, lui doit beaucoup.
C’est devant ce scientifique de qualité, ce chercheur visionnaire, cet
organisateur hors pair, ce collègue discret et modeste, cet ami
véritable, cet adulte aux rêves d’enfants, que nous nous inclinons tous
avec respect aujourd’hui.