dimanche 23 juin 2019

Από την Αφρική στην Ασία, από την Αξώμη (Αξούμ) στη Δαμασκό...


IMAGES ET ICONOGRAPHIE CHRÉTIENNE D’AKSOUM À DAMAS

Par Florence Somer Gavage

En novembre 2013, l’archéologue Jacques Mercier a révélé le résultat de ses dernières recherches lors d’une conférence à l’université d’Oxford intitulée « Ethiopia and the Mediterranean World in Late Antiquity : The Garima Gospels in Context » (1).
Dans le cadre d’un projet européen commandité par l’Eglise éthiopienne et par le gouvernement éthiopien lancé en 2006 et achevé en 2013, Jacques Mercier a fait dater au carbone 14 deux évangéliaires illustrés appelés “ Garima Gospels”. Ces derniers ont été nommés d’après le lieu du monastère où ils ont été découverts, à Garima, dans la région du Tigray, au nord de l’Ethiopie.
Selon les résultats obtenus, il s’avère que l’un de ces manuscrits (Garima 1), celui qui est le plus illustré, serait daté d’une période entre 390 et 570. Les illustrations et les textes du second manuscrit (Garima 2) sont également de cette période, plus précisément entre 530 et 630 (2), ce qui tend à prouver que les textes et les dessins ont été faits ensemble. Si l’hypothèse se vérifie, l’école de peinture d’Aksoum aurait inspiré les illustrations qui se sont répandues dans le monde chrétien au Moyen-Orient et créé un style qui s’est diffusé depuis l’Ethiopie vers l’Egypte ou la Syrie.
Pour Jacques Mercier, cette découverte est d’importance car les manuscrits illustrés chrétiens de cette époque sont rares. De plus, il semble être en mesure de prouver que l’un d’eux a été réalisé en Ethiopie, ce qui implique l’existence d’une école de peinture à Aksoum à cette époque. Cela tendrait également à donner du crédit à la légende selon laquelle le moine Abba Garima, qui fonda le monastère qui porte son nom à Médéra, aurait copié et illustré les deux tétra évangiles rédigés en guèze, la langue liturgique de l’Eglise éthiopienne orthodoxe. Le manuscrit Garima 1 contient un cycle complet de dix images décorées comparables à celles des Evangiles de Rabula tandis que les illustations de Garima 2 ont des affinités avec les peintures coptes et pourraient fournir la seule preuve d’un manuel coopte de décoration. Ces volumes contiennent les portraits des évangélistes, leur couverture de métal sont anciennes ; l’une d’entre elles peut être contemporaine du manuscrit et figure parmi les plus anciennes enveloppes connues à ce jour (3).

Les manuscrits d’Abba Garima

Dans les années 50, Beatrice Playne, une archéologue anglaise, est passée dans ce monastère d’Abba Garima. Elle relate l’existence de manuscrits qu’elle met en relation avec les évangiles de Rabula (4). Dans les années 60, Jacques Leroy a fait des études à Abba Garima, et a photographié ces manuscrits et publié les photos. Ayant reconnu une très forte parenté avec les manuscrits arméniens, il a identifié ces derniers comme les modèles des manuscrits éthiopiens. Ces manuscrits arméniens étant datés du 9/10ème siècle, il a estimé les écrits éthiopiens comme ayant été produits au 11/12ème siècle. Les résultats obtenus par Mercier remettent en cause cette théorie mais ils ne font pas l’unanimité et la technique du carbone 14 présente des failles telles que des problèmes de contamination, de calibrage, de présence de matériaux fossiles pouvant modifier la datation, etc…
Selon la légende, Abba Garima est un des saints qui a évangélisé l’Ethiopie. Cette légende a été mise par écrit vers le 14/15ème siècle et concerne 9 saints qui auraient instauré le monachisme en Ethiopie et traduit les évangiles. Cependant, aucune preuve de l’existence de ces personnages n’a été, jusqu’ici, apportée. Pour la tradition éthiopienne, Garima est un moine venu de Rome qui a été formé en Egypte à Skethis. Il arrive en Ethiopie à la demande d’un autre moine, Pantaléon. Tous ces moines se retrouvent à Aksoum, ils y prêchent puis ils décident de se disperser. Garima s’installe à 30 km d’Aksoum, dans un site volcanique majestueux et fonde le monastère du même nom.

Histoire de l’Eglise d’Ethiopie

Le royaume d’Aksoum a existé dans le nord de l’Ethiopie (Etat d’Erythrée et province éthiopienne du Trigay actuels). Ce royaume est antérieur à l’arrivée du christianisme en Ethiopie qui s’est fait pratiquement en même temps que l’officialisation du christianisme par Constantin au début du IVème s. Ce royaume puissant vivait du commerce avec l’Afrique centrale et surtout des droits de douane opérés sur le commerce maritime entre l’océan Indien et la Méditerranée byzantine, par la mer Rouge et sur laquelle Aksoum avait un port à Adoulis.
La légende raconte l’histoire de commerçants syriens qui firent escale à Adoulis où ils furent retenus si longtemps qu’ils devinrent les précepteurs du fils du roi. Grâce à un historien byzantin, Rufinus, on sait que ces deux commerçants s’appelaient Edésius et Frumentius mais la tradition éthiopienne retiendra l’un d’entre eux sous un autre nom : Abba Salama, le père de la Paix. Ayant influencé le jeune roi Ezana vers le christianisme, lorsque celui-ci arrive sur le trône vers 330, il instaure cette religion d’Etat dans son empire. Les éléments numismatiques font état de ce changement.
Avant 330, les pièces de monnaie portent le croissant et le disque, symboles du paganisme ; par après, elles sont ornées d’une croix. A la fin de sa vie, Frumentius, qui avait passé toute sa vie en Ethiopie, souhaite retourner en Syrie. En passant par l’Egypte, il rencontre le patriarche Athanase et lui annonce l’arrivée de l’évangile chez le roi d’Aksoum et le peuple éthiopien. Ce dernier le nomme évêque et le renvoie en Ethiopie pour qu’il puisse diriger la communauté chrétienne. Le fait qu’un membre du clergé égyptien soit nommé chef de l’église éthiopienne perdure jusqu’en 1959, date à laquelle le patriarche copte d’Alexandrie ne nommera plus aucun abuna égyptien pour diriger l’Eglise d’Ethiopie.
Lire la partie 2
Notes :
(1) Le catalogue des conférences n’a pas encore été édité mais voir la présentation de la conférence par Jacques Mercier : 
http://www.bodleian.ox.ac.uk/__data/assets/pdf_file/0003/121872/garima_conference_oxford.pdf
(2) Voir 
http://www.ethiopianheritagefund.org/ArtsnewsReport_Garima%20Gospels.pdf
(3) 
http://www.bodleian.ox.ac.uk/__data/assets/pdf_file/0003/121872/garima_conference_oxford.pdf
(4) Manuscrit des évangiles écrit en syriaque au 6ème siècle. Il a été achevé en 586 au monastère de Saint-Jean-de-Zagba, situé probablement en Syrie, et signé de la main du scribe Rabula. Le texte correspond à la version de la peshitta, la plus ancienne traduction syriaque de l’Ancien et du Nouveau testament. Pour les illustrations, voir : 
http://sor.cua.edu/Bible/RabbulaMs.html

II.            https://www.lesclesdumoyenorient.com/Images-et-iconographie-chretienne-d-Aksoum-a-Damas-2-2.html

L’Eglise orthodoxe d’Ethiopie

L’Eglise orthodoxe d’Ethiopie fait partie des « Eglises des trois conciles » qui reconnaissent le concile de Nicée de 325, de Constantinople de 381 et d’Ephèse de 431. Par contre, elles se séparent de l’Empire byzantin car elles ne reconnaissent qu’une nature au Christ à la différence du concile de Chalcédoine de 451. Ces églises sont appelées « monophysites », formulation qu’elles réfutent pour lui préférer le terme de « miaphysite ».
L’Ethiopie est, après l’Arménie, la plus ancienne nation chrétienne au monde. C’est aujourd’hui une république fédérale avec une constitution laïque qui englobe principalement quatre communautés religieuses. L’Eglise orthodoxe, chrétienne, la communauté de Falachas ou « Beta Israël » et la communauté musulmane. Falachas veut dire « émigré, exilé » en amharique avec un sens péjoratif.
La communauté s’appelle elle-même « Beta Israël » (la maison, la famille d’Israël). Les origines de la présence des juifs en Ethiopie demeurent incertaines et ceux-ci ne sont pas mentionnés dans les manuscrits avant le XIIIème siècle, mais on prétend qu’ils sont issus des temps salomoniques. Ils sont présents dans le Kebra Nagast. Le document apocryphe du 13ème siècle accrédite la thèse salomonique et justifie d’une politique rendant justice à la dynastie issue de Salomon et du fils qu’il eut avec la reine de Saba, Menelik, qui a rapporté en Ethiopie les Tables de la Loi et eut pour compagnons des Israélites. C’est la même histoire qui justifie de la canonisation du roi Lalibela qui a fait construire, avec l’aide des anges d’après la légende, une nouvelle Jérusalem. La particularité de cette communauté réside dans le fait qu’elle n’a pas eu de contact avec le judaïsme occidental avant la fin du XIXème siècle. Au niveau liturgique, elle utilise le même Pentateuque en guèze que les Chrétiens et n’a pas de livre en hébreu. Les juifs d’éthiopiens ignorent tout de la littérature rabbinique (et notamment du Talmud) avant ce contact avec les autres communautés. Ils ne pratiquent pas les fêtes juives de Pourim ou Hanouka mais fêtent par contre la Pâque, la moisson, le jeûne d’Esther (Ta’anit Esther), ils lisent la Bible et sacrifient l’agneau pascal.
L’Eglise éthiopienne orthodoxe Tewahedo est une église autocéphale faisant partie de l’ensemble des Eglises des trois Conciles et regroupant les traditions liturgiques araméennes, syriaques et coptes. L’évêque d’Ethiopie était auparavant un copte égyptien, nommé par le patriarcat d’Egypte. L’Eglise éthiopienne est devenue autocéphale en 1948 et les évêques éthiopiens ont élu leur propre patriarche en 1959 en la personne d’Abuna Baslios. Les débuts du Christianisme relèvent également du mythe. On dit que l’Eglise a été fondée par le diacre Philippe au 1er siècle de notre ère. Celui-ci était un des 7 diacres choisis par l’Eglise primitive de Jérusalem à l’initiative des apôtres mais il est confondu avec l’apôtre Philippe dont il est question dans les Evangiles dès l’époque des Pères de l’Eglise. Une autre légende raconte que Frumentius a été le premier évêque de l’église éthiopienne orthodoxe en convertissant le Roi Ezana, le Negus d’Aksoum, en 330. Les manuscrits retrouvés (notamment les Garima Gospels) ainsi que les témoignages épigraphiques tendent à montrer que l’on peut dater les débuts du Christianisme en Ethiopie à cette époque.
Le Concile de Nicée est convoqué en 325 par Constantin 1er dans le but de résoudre les problèmes dogmatiques qui secouaient l’Eglise d’Orient, notamment la controverse existante entre Arius (256-336), prêtre théologien chrétien libyen d’origine berbère et Alexandre, évêque d’Alexandrie et son secrétaire et fils spirituel Athanase. Selon Arius, le fils a pris naissance dans le père, il y a donc une hiérarchie nécessaire dans la relation père-fils. Pour Alexandre et les membres du Concile, le fils est une incarnation du Père, immuable et éternel, de même nature que lui. Le Concile adopte la doctrine de consubstantialité, l’unicité de nature du fils et du Père (donc de Dieu) et excommunie (pour la deuxième fois après la levée d’excommunication du concile de Nicomède) Arius.
Le Concile de Constantinople de 381, second concile œcuménique des Eglises Chrétiennes convoqué par Théodose 1er empereur d’Orient. Le concile condamne à nouveau l’Arianisme et réitère la foi de Nicée en lui adjoignant la qualité trinitaire. L’Esprit Saint, le fils et Dieu sont de même nature et Un.
Le Concile d’Ephèse de 431 est convoqué par le Patriarche Cyrille d’Alexandrie (pas par l’empereur, cette fois). Ce concile condamne la dissociation hypostatique prônée par Nestorius, patriarche de Constantinople disant que le fils est coéternel au Père mais différent de l’homme Jésus de Nazareth, occasionnellement « visité » par le verbe divin. Marie n’est donc pas la mère du Christ. Le concile condamne la doctrine de Nestorius et le condamne personnellement pour hérésie. Il réaffirme l’Union hypostatique, donc non séparable, des deux natures, humaine et divine dans la personne du Christ. Le Christ est donc à la fois Homme et Dieu. Marie est mère de Dieu (théotokos). L’Eglise de Perse est la première en Orient à se séparer de la communion officielle de l’Eglise et suivre la doctrine nestorienne et le patriarcat d’Antioche.
Le concile de Chalcédoine de 451 marque la séparation entre le christianisme et les Eglises orthodoxes coptes, syriaques et arméniennes. Ce concile condamne la doctrine d’Eutyches (ou Eutukhès, 380-456, presbytérien et archimandrite à Constantinople) selon laquelle le Christ n’a qu’une nature divine qui est absorbée dans la nature humaine et proclame à nouveau la double nature du Christ indissociable. Les églises orthodoxes dont celle d’Egypte et d’Ethiopie suivent Eutyches et sont appelées monophysites. Elles suivent le miaphysisme de Cyrille d’Alexandre qui dit que « une est la nature incarnée de Dieu dans le Verbe ». Au cours de l’histoire, le clergé copte et chrétien dont dépendait l’église orthodoxe d’Ethiopie était monophysite. Mais l’église d’Ethiopie entretenait également des relations à travers le grand monastère du Sinaï, pourtant sous patronage melkite, avec la Palestine et Byzance.
En 1948, l’Eglise d’Ethiopie devient autocéphale et en 1959, le premier patriarche éthiopien, l’abuna Baslios, est nommé à la tête de l’Eglise Ethiopienne.

Quelques spécificités architecturales et rituelles des églises de Lalibela

Le monolithisme

Selon les archéologues Jacques Mercier et Claude Lepage, ces églises taillées dans la pierre existaient déjà à Aksoum entre le IIème et IVème siècles de notre ère. Les Eglises que l’on trouve aujourd’hui à Lalibela sont entièrement creusées dans le roc. Ce sont des pastiches de monuments véritables de plus de 30 m de haut qui se présentent en édifices de six ou sept étages. Elles sont tellement monumentales que la population tend à croire qu’elles sont d’essence divine en vertu de l’hagiographie écrite au XVème siècle qui dit que le roi Lalibela a reçu l’aide des anges pour les créer.

La Crypte

Cette crypte forme le cœur spirituel du site de Lalibela. Elle comprend la représentation de la trinité sculptée dans la paroi orientale et se trouve dans un monument complexe composé de trois parties : la crypte en elle-même et deux nefs qui forment une sorte d’Eglise double. Elle est semi monolithique ; sa partie orientale est laissée dans le cœur de la falaise pour rattacher la partie sacrée, celle qui contenait le corps que l’on voulait honorer dans le cœur de la falaise.

Représentation de la trinité

Elle est composée de deux personnages représentés en effigie, en pied de part et d’autre d’une sorte d’un trône vide. Ce trône vide figure certainement Dieu le père qui ne pouvait être représenté.
L’histoire de ce trône remonte au trône vide d’Alexandre que ses lieutenants, pour affermir leur pouvoir, plaçaient près d’eux. Les personnages et ce trône font face à trois autels. Sur l’autel du centre est gravé le nom du Père, sur celui d’un côté le nom du Christ et de l’autre, le nom du paraclet, le Saint-Esprit. Il y a là une relation à l’évangile de Jean qui se manifeste par l’introduction de la scène de la transfiguration, de la métamorphose du Christ sur une haute montagne par l’introduction de l’apôtre Philippe qui vient ici remplacer l’apôtre Jacques. C’est ce même apôtre Philippe qui est réputé avoir créé l’Eglise Ethiopienne au 1er siècle avant qu’elle ne devienne religion d’Etat en 330. Il y a, à Lalibela, des éléments d’architecture ou des peintures caractérisées par un style copte déjà imprégné de stylistique arabo-chrétien et qui se sert d’un programme iconographique érudit, de thèmes qu’on ne trouve que très rarement dans l’ensemble du monde chrétien. Parmi les textes évoqués se trouvent des planches gravées d’un texte unique qui fait allusion, à travers le thème de la transfiguration, à une homélie d’Anastase le Sinaïte et qui est une des premières homélies écrites sur la transfiguration dans un monastère qui était au coeur du Sinaï et était dédié à la transfiguration.
Ceci montre une communication certaine entre le monde éthiopien, l’Egypte et le monde chrétien du Sinaï qui était en relation avec la terre sainte, avec Jérusalem et avec le monde byzantin.

Les conséquences d’une nouvelle datation, les avancées scientifiques

Si la thèse de Jaques Mercier est exacte, cela voudrait dire que nous sommes en présence de textes illustrés datant du début de la diffusion du christianisme. Cela inclut aussi l’existence d’une école de peinture à Aksoum et d’une production originale, malgré les influences égyptiennes manifestes. Pour donner un autre appui à cette thèse, Jacques Mercier et Claude Lepage repèrent des fautes de dessins que l’on ne trouve jamais dans la peinture copte. Pour Claude Lepage, cela s’explique par le fait que le mobilier existait dans le monde byzantin mais pas chez les Ethiopiens. Quand ceux-ci copiaient des peintures, ils ne comprenaient pas ce mobilier et commettaient des fautes. Cela permettrait également de considérer ces manuscrits non comme des copies de production antérieures arméniennes ou syriaques mais comme des originaux produits peu après l’institutionnalisation du christianisme par Constantin.
Ces évangéliaires qui s’inscrivent dans la lignée de la particularité du christianisme éthiopien teinté de judaïsme peuvent être à la base d’une procédure de christianisation, de séparation entre les doctrines et liturgies juives et chrétiennes. De même, ces écrits en guèze produits par un groupe de prêtres de très hauts niveaux pourraient avoir inspiré les auteurs de liturgies chrétiennes postérieures mais aussi peut être les rédacteurs de certaines sourates du Coran (1). En effet, vu leurs liens avec le patriarcat égyptien, les moines lettrés et proches du pouvoir devaient connaître l’arabe. Au vu de l’ancienneté et de l’intensité des contacts entre le monde éthiopien et la péninsule Arabique, il paraît donc indispensable de prendre en compte le christianisme éthiopien dans toute description du paysage religieux du Proche-Orient tardo-antique, et dans toute tentative de contextualisation du Coran et des débuts de l’islam.
De même, la place de l’Ethiopie comme carrefour commercial via la mer Rouge, sa proximité avec l’Arabie, la connaissance des liturgies juives et chrétiennes, ainsi que l’éventuelle présence d’une école de peinture avec une certaine notoriété à Aksoum pourraient être des conditions d’élections suffisantes pour que ces monastères aient abrité les rédacteurs de certaines sourates coraniques.

La dimension politico-religieuse

Du point de vue politique, rien ne permet de toujours donner un crédit aux différentes légendes apocryphes comme celle soutenue par la lignée christique des souverains Négus. Cela ne donne pas non plus d’assises objectives aux dynasties salomonides qui s’appuient sur des écrits tels que le Kebra Nagast (2) mais cela positionne l’Eglise orthodoxe d’Ethiopie comme productrice et non réceptrice d’une tradition. A cela s’ajoutent les preuves matérielles qui attestent que, même si l’influence copte est manifeste, les accords et les relations sans cesse renouvelés entre les deux pouvoirs montrent une certaine indépendance de l’Etat et de l’Eglise éthiopiens. Cette nouvelle datation pourrait également avoir une influence sur les relations avec les Etats voisins de l’Ethiopie comme l’Erythrée ou le Soudan. Comme l’écrit A. Gascon : « l’origine biblique de l’Éthiopie demeure un principe d’intelligence de l’expérience culturelle et historique pour tout le peuple. Les langues éthiopiennes, dont l’amharique, la langue nationale, emploient le même syllabaire guèze qu’utilisaient il y a deux mille ans déjà les Aksumites » (3).
Notes :
(1) Voir à ce propos : Manfred Kropp, “Äthiopische Arabesken im Koran.
Afroasiatische Perlen auf Band gereiht, einzeln oder zu Paaren, diffus verteilt oder an Glanzpunkten konzentriert”, in Schlaglichter. Die beiden ersten islamischen Jahrhunderte, ed. Markus Groß & Karl-Heinz Ohlig (Berlin : Verlag Hans Schiler), 2008 et G. DYE, Traces of Bilingualism/Multilingualism in Qur’ānic Arabic”, in Arabic in Context, ed. Ahmad al-Jallad, Leiden, Brill (Studies in Semitic Languages and Linguistics), 2014.
(2) R. BEYLOT, La gloire des Rois ou l’Histoire du Roi Salomon et le reine de Saba, Introduction, traduction et notes, Brepols, Louvain, 2008. Rédigé en Ethiopie au 13ème siècle, cette histoire a pour cadre le concile de Nicée en 325. Elle narre la rencontre et l’idylle du roi Salomon et de la reine de Saba ainsi que la naissance de leur fils Ménélik qui ramènera en Ethiopie l’arche d’alliance supposée enterrée à Aksoum.
(3) A. GASCON, La Grande Éthiopie, une reconquista revanche d’un djihad, Hérodote, Revue de Géographie et de Géopolitique, La Découverte, 2002/3 (N° 106)p.44.
Bibliographie :
- BEYLOT R., La gloire des Rois ou l’Histoire du Roi Salomon et le reine de Saba, Introduction, traduction et notes, Brepols, Louvain, 2008.
- DYE G., « Traces of Bilingualism/Multilingualism in Qur’ānic Arabic », dans Arabic in Context, éd. Ahmad al-Jallad, Leyde, Brill (Studies in Semitic Languages and Linguistics), 2017, pp. 337-371
- KROPP M., “Äthiopische Arabesken im Koran. Afroasiatische Perlen auf Band gereiht, einzeln oder zu Paaren, diffus verteilt oder an Glanzpunkten konzentriert”, in Schlaglichter. Die beiden ersten islamischen Jahrhunderte, ed. Markus Groß & Karl-Heinz Ohlig (Berlin : Verlag Hans Schiler), 2008
- KROPP M. & DYE G., "Le christianisme éthiopien", dans Mohammad Ali Amir-Moezzi et Guillaume Dye, Le Coran des historiens.
Volume 1 : Etudes sur le contexte et la genèse du Coran (Paris : Editions du Cerf), à paraître (2019)
- GASCON A., La Grande Éthiopie, une reconquista revanche d’un djihad, Hérodote, Revue de Géographie et de Géopolitique, La Découverte, 2002/3 ( N° 106)pp.41-59.
- LEROY J., L’évangéliaire éthiopien du couvent d’Abba Garima et ses attaches avec l’ancien art chrétien de Syrie, dans Cahiers archéologiques, 1960, 11, p. 131-143 : 8 fig.
- MERCIER J., LEPAGE C., Lalibela : Wonder of Ethiopia. The monolithic churches and their treasures, Paul Holberton Publishing, London, 2012.
- 
MERCIER J., LEPAGE C, Art éthiopien : les églises historiques du Tigray, Editions Recherche sur les Civilisations, Montpellier, 2006.
- MERCIER J., L’Arche éthiopienne. Art chrétien d’Éthiopie, Paris-Musées,, Paris 2000.
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