Quand on évoque le nom de Mohammad ben Salmane (MBS), le prince héritier d’Arabie saoudite, on pense tout de suite à l’assassinat du journaliste Jamal Khashoggi, à la purge du Ritz-Carlton, à la prise en otage de Saad Hariri ou encore à la guerre au Yémen. Le dauphin a réussi l’exploit de se construire, en seulement quelques années, l’image d’un dirigeant autoritaire, versatile, caractériel et sanguinaire. Et cette étiquette risque de lui coller encore longtemps à la peau.
Regarder sa politique à travers ce seul prisme serait pourtant une erreur. Parce que dans le même temps, MBS est en train de révolutionner le royaume wahhabite. A tous les niveaux et pas seulement pour le meilleur.
Son Arabie est un régime autoritaire, ultra-nationaliste, dans lequel il concentre tous les pouvoirs et où aucune voix critique n’est tolérée. La révolution est politique, mais certainement pas démocratique, le prince ayant mis fin au partage du pouvoir entre les grandes familles et, dans une moindre mesure, à l’influence conséquente des dignitaires religieux. Symbole de cette évolution, la mise au pas, depuis 2016, de la puissante police religieuse (Moutawaa), chargée de faire respecter la loi islamique de manière stricte dans la sphère publique.
En 2016, MBS a fait un pari audacieux. Celui de préparer son pays à l’après-pétrole et de le moderniser pour répondre aux aspirations d’une jeunesse qui représente 60% de la population. Sur le plan économique, le pari est encore loin d’être réussi, le royaume étant encore largement dépendant du prix du baril. Mais sur le plan sociétal, la révolution est en cours.
Dans l’Arabie de MBS, les femmes ont davantage de droits, les cinémas ont rouvert, les possibilités de divertissement ont été démultipliées. Il est désormais possible d’assister aux concerts de certaines des plus grandes stars internationales ou même à une course de Formule Un. On pourrait arguer que tout cela n’est qu’un vernis superficiel qui ne suffit pas à cacher le caractère profondément conservateur du royaume wahhabite. Mais ce serait passer à côté de la dynamique en cours. D’une part, les transformations, inégales, sont parfois profondes et ne peuvent être écartées d’un revers de main. Seuls 35 % des jeunes Saoudiens considèrent par exemple leur foi comme l’élément « le plus important » de leur identité. D’autre part, dans le quotidien de la population, vivre dans une Arabie qui prend Dubaï pour modèle n’est tout de même pas la même chose que de vivre dans un régime ultra-conservateur où tout, ou presque, est considéré comme haram.
Anthony SAMRANI
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