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Reportage photo :
Yazd en Iran, étape de la route de la soie et capitale religieuse
Par Gabriel Malek
Publié le 23/07/2018 • modifié le 11/06/2020 • Durée de lecture : 5 minutes
Les ruelles
ombragées du centre historique de Yazd.
Crédit
photo : Gabriel Malek
Nichée entre
les deux grands déserts iraniens, le Dasht-e Kavir au Nord et le Dasht-e Lut au
Sud, Yazd est selon l’UNESCO une des plus vieilles villes du monde.
L’histoire d’une cité antique et commerciale
On retrouve, en
effet, des mentions de Yazd dès 3000 avant Jésus Christ, même s’il reste
particulièrement difficile de définir cette date précisément en raison du
manque de sources écrites. Bourgade de l’Empire des Mèdes (678 à 549 avant
Jésus Christ), Yazd se développe rapidement comme une cité commerçante. Son nom
dérive probablement du Roi sassanide Yazdberg qui régna de 399 jusqu’à sa mort
en 420. En raison de son isolement géographique, la ville de Yazd résiste aux
conquêtes successives de la Perse et des Arabes en 651, puis des Mongols au
XIIIème siècle.
Son
positionnement comme étape de la route de la soie lui permet d’accueillir
ensuite les nombreux négociants et voyageurs qui s’y aventurent. Dans ses Récits
de voyage, Marco Polo fait d’ailleurs référence à la « bonne et noble
ville de Yazd qui détient un rôle commerciale majeur », qu’il visite
vraisemblablement en 1229. Réputée pour ses artisanats comme le tapis ou la
soie, cette ville caravanière reste jusqu’au XVIIème siècle un carrefour de
passage important en Perse. Cependant, la déstabilisation politique et
militaire que connaît la Perse du XVIII ème ruine partiellement la ville de
Yazd qui tire ses revenus de la prospérité commerciale qui repose sur la paix.
Aujourd’hui, Yazd est une cité de plus en plus visitée par les touristes qui en
apprécient l’architecture spécifique, qui découle logiquement de son
positionnement géographique.
Une ville à la croisée des déserts
Il s’agit d’une
des villes iraniennes au climat le plus aride, ce qui a permis l’émergence
nécessaire d’une architecture dite du désert. La ville est bâtie
majoritairement sur le modèle des maisons d’argile, dont le rapprochement
permet la mise en place de rues étroites et ombragées. Les tours du vent (bâdguir soit
« attrape vent ») ont pour fonction de capter les courants d’air, qui
sont ensuite guidés à travers des conduits jusqu’à un bassin d’eau fraiche. Une
fois rafraichi par l’eau, l’air froid est redistribué dans les différentes
pièces de la maison, permettant ainsi une climatisation naturelle.
L’enjeu de
l’eau y est vital, ressource précieuse qui provient des montagnes environnantes
et particulièrement de la montagne du Lion (Shir Kouh). Le système des
puits désignés par le nom de qanât permet de drainer l’eau à
une centaine de mètres de profondeur et ce jusqu’à la ville de Yazd et des
villages environnants. Stockée ensuite dans de gigantesques dômes (yakhdân)
qui en conservent la température, l’eau est enfin redistribuée aux habitants et
aux cultures de la ville selon des normes très précises. Un musée de l’eau,
situé sur l’une des places principales de la ville, retrace fidèlement cette
prouesse technique.
Un centre prédominant du zoroastrisme en Perse
La ville de
Yazd et ses environs recèlent, encore aujourd’hui, un très riche patrimoine
zoroastrien qui témoigne de l’importance de cette religion dans l’histoire de
la cité. Développée en Iran lors du VII ème siècle avant Jésus Christ, la
religion qui découle de l’enseignement du prophète Zarathoustra est le premier
monothéisme de l’humanité. Le site archéologique monumental de Persépolis près
de Shirâs atteste de la proximité entre la culture florissante de l’Empire
achéménide et du zoroastrisme. Religion officielle de la Perse sous l’Empire
des Sassanides (224-651) sur ordre de Cyrus le Grand vers l’an 500, le
zoroastrisme est remis en question par l’invasion arabe du VII ème siècle.
Cependant la ville de Yazd, en raison de sa localisation isolée, résiste bien à
l’influence islamique dans un premier temps. Tout comme la ville de Kerman dans
le désert du Dasht-e Lut, Yazd devient un lieu de refuge pour de nombreux
Zoroastriens fuyant la conversion à l’Islam.
Dans l’Iran
actuel, seuls 60 000 à 80 000 Zoroastriens subsistent en Iran. Cependant, il
est très intéressant de noter que l’islam chiite de l’Iran a incorporé de
nombreuses fêtes et pratiques zoroastriennes à son calendrier religieux. Près
de la moitié des Zoroastriens restants vivent donc à Yazd. La ville abrite de
très nombreux monuments nécessaires à la pratique de cette religion minoritaire.
On peut penser aux tours du silence en haut desquelles les Zoroastriens
exhibaient leurs morts, laissés pour les vautours et autres carnassiers.
Cependant, cette pratique a été interdite à la fin du règne de Mohammad Reza
Pahlavi. Le monument religieux le plus important est le temple du feu de Yazd,
élément primordial dans l’Avesta (livre saint du zoroastrisme). Ce temple
abrite encore le feu des Zoroastriens, à propos duquel on raconte qu’il ne
s’est jamais éteint depuis la naissance de cette religion.
Ainsi, la ville
de Yazd se caractérise principalement par trois éléments : son histoire de
cité commerciale sur la route de la soie, la difficulté millénaire de se
procurer de l’eau dans le désert et l’impact du zoroastrisme sur l’architecture
de la ville.
Crédit photo : Gabriel Malek
Les ruelles
ombragées du centre historique de Yazd, cernées par des maisons d’argile,
permettent de se déplacer dans la ville en dépit de la chaleur du désert. L’architecture des arches y est
ainsi très commune.
Crédit photo : Gabriel Malek
Les tours du
silence, décrites plus haut, entourent la ville de Yazd et sont elles mêmes
cernées par des montagnes. Les petites maisons que l’on aperçoit à leurs pieds
servaient à accueillir la famille et les amis du défunt zoroastrien lors de son
ascension vers la cime de ces cimetières monumentaux.
Crédit photo : Gabriel Malek
Abritée au sein
d’une cour ou hayat, l’entrée du qanât laisse deviner un profond puits qui
permet de garder l’eau à température basse. On en trouve de nombreux à Yazd et
dans les petites villes du désert à proximité. Aujourd’hui encore, il est
possible d’apercevoir des Iraniens y descendre pour en ressortir avec un sceau
plein d’eau de la montagne.
C
rédit photo : Gabriel Malek
A l’image de
celui de Kharanaq, de nombreux villages, vieux de plusieurs siècles, peuvent
être visités librement. Aujourd’hui abandonné, se promener dans ses ruelles et
sur ses toits permet de faire des découvertes étonnantes et de se retrouver nez
à nez avec l’histoire sociologique des villages du désert.
Cr
édit photo : Gabriel Malek
Cette
photographie prise à Kharanaq illustre bien cette liberté d’exploration que
permet l’Iran actuel. Il est ainsi possible de découvrir des lieux d’exception,
et de nourrir une naïve envie d’orientalisme. S’il détient des avantages
certains, ce manque d’encadrement de la part du gouvernement iranien à propos
de leurs nombreux sites historiques pose la question évidente de la durabilité
de leur conservation.
Crédit photo
: Gabriel Malek
Dans certaines
cours de bazar de la ville de Yazd, il est possible d’observer des artisans en
train de fabriquer à la main des tapis. Cette technique ancienne permet
d’obtenir un résultat original, qui rapproche davantage l’objet fini de l’art
que de la manufacture.
Crédit p
hoto : Gabriel Malek
Le paisible
temple du Feu à Yazd abrite le feu sacré des Zoroastriens dont la flamme
symbolise la continuité divine. Zarathoustra, le prophète du premier
monothéisme prêchait un dualisme manichéen de la bataille entre le Bien et le
Mal, soit de la Lumière contre les Ténèbres. Il est intéressant que cette
notion de l’axe horizontal, dit du combat, se retrouve largement dans le
chiisme duodécimain pratiqué en Iran.
·
Iran
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Histoire
Publié le 23/07/2018
GABRIEL MALEK
Gabriel Malek
est étudiant en master d’histoire transnationale entre l’ENS et l’ENC, et au
sein du master d’Affaires Publiques de Sciences Po. Son mémoire d’histoire
porte sur : « Comment se construit l’image de despote oriental de
Nader Shah au sein des représentations européennes du XVIIIème
siècle ? ».
Il est
également iranisant.
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