vendredi 23 décembre 2016

θρησκείες στην Εγγύς Ανατολή. α', β', γ' και δ' μέρος

CARTOGRAPHIE DES RELIGIONS (1) – APERÇU RÉGIONAL AU XXIE SIÈCLE 
ARTICLE PUBLIÉ LE 02/12/2016

Par Oriane Huchon

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Plusieurs articles sur les différents courants de l’islam sont déjà parus sur Les clés du Moyen-Orient. Celui-ci a pour objectif de présenter une cartographie de l’implantation des religions au Moyen-Orient et en Afrique du Nord. Les courants principaux y sont représentés, ainsi que les principaux lieux saints (sunnites et chiites), les lieux de naissance des principaux ordres soufis, et les minorités religieuses.
Le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord sont les terres d’expansion de l’islam aux VIIe et VIIIe siècles de notre ère. Il ne faudrait pourtant pas considérer ces vastes territoires comme un monde unifié religieusement. Les religions antérieures à l’islam, le christianisme sous ses diverses formes (maronite, orthodoxe, copte, catholique…) et le judaïsme, demeurent au sud et à l’est de la Méditerranée et disposent d’un statut spécial dans le droit musulman, le statut de dhimmi. Jusqu’à la chute de l’Empire ottoman, le statut de dhimmi était communément appliqué dans les diverses communautés musulmanes.
Les musulmans sont de nos jours environ un milliard et demi sur la planète, soit 23% de la population mondiale. Ils forment le groupe religieux le plus important au monde après le christianisme. Les sunnites (toutes écoles confondues), représentent 87,4% de la population musulmane ; les chiites duodécimains 8,4 %, les autres mouvances chiites 3,5% et les ibadites 0,7% (1). La majorité de ces musulmans se trouve désormais en Asie, avec entre 700 et 800 millions de pratiquants, principalement en Indonésie (premier pays musulman du monde), en Afghanistan, en Inde, au Pakistan, au Bangladesh et en Chine (2). Au Moyen-Orient (Turquie, Egypte et Iran compris), ils seraient entre 350 et 400 millions ; alors qu’au Maghreb ils seraient un peu moins de 90 millions.
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A titre comparatif, les chrétiens représentent 32% de la population mondiale et sont 2,2 milliards sur Terre. Les hindous sont 1 milliard, les bouddhistes 500 millions et les juifs 14 millions (4). Les juifs ont globalement fui les terres d’islam depuis la création d’Israël, et 25 % de la population juive globale vit actuellement en Israël. Les chrétiens d’Orient sont entre 10 et 16 millions au début du XXIe siècle (5).
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Dans les pays du Maghreb et du Moyen-Orient à l’exception d’Israël, les musulmans représentent la grande majorité de la population nationale, toutes confessions de l’islam comprises. En 2013, on estimait ainsi le nombre de musulmans au Maghreb et au Moyen-Orient, par pays :
PaysPopulation totale (en millions)% de musulmans dans la population
Algérie3999%
Arabie saoudite27100% (dont chiites entre 10 et 15%)
Bahreïn1,370% (chrétiens 14%, hindouisme 10%, bouddhisme 2,5%, autres)
Egypte8790% (coptes 10%)
Emirats arabes unis8,396% (dont chiites 16%)
Irak32,597% (dont chiisme 65%, sunnisme 35%)
Iran8198% (dont chiisme 89%)
Israël818% (judaïsme 75%, autres 7%)
Jordanie892% (christianisme 6%)
Koweït485% (dont chiisme 30%, christianisme et hindouisme 15%)
Liban654% (dont 27% chiisme, 27% sunnisme ; christianisme 40.5%)
Libye697%
Maroc3398,7%
Oman3,290% (dont ibadisme 75%)
Qatar2,277% (christianisme 8,5%, autres 14%)
Syrie2298% (dont alaouite 10%, druze 3%, chiite 2% ; christianisme 5%)
Territoires palestiniens5Cisjordanie : 75% (judaïsme 17%), Bande de Gaza : 99%
Tunisie1199%
Turquie8299,8% (dont alévis 20%)
Yémen26100% (dont zaydisme entre 25 et 40%)
Source : Revue Moyen-Orient, “Bilan géostratégique 2014”, Juillet-Septembre 2014, Paris.
L’islam ne se résume pas aux deux grands courants connus, le sunnisme et le chiisme. Ces confessions connaissent des divergences de croyances en leur sein. Le sunnisme, courant majoritaire, se divise en plusieurs écoles juridiques interprétant de diverses façons le Coran et la sunna (ou tradition, comportement du Prophète) enregistrée dans les hadiths.
Le chiisme est né de la « grande discorde » du premier siècle islamique, liée à la succession à Mahomet au titre de calife. Les trois groupes chiites existants toujours aujourd’hui (zaydite, duodécimain et ismaélien) sont issus des allégeances aux différents imams ayant succédé à Ali.
Un troisième courant nommé kharidjisme est également né au moment de la « grande discorde ». Si les kharidjites ont aujourd’hui disparu, les ibadites en sont leurs héritiers (bien que certains d’entre eux s’en défendent). Ils subsistent à Oman, à Djerba en Tunisie, en Libye à Zuwarâ et Djebel Nafusa, en Algérie à Mzâb et en Tanzanie à Zanzibar.
Enfin, de multiples confréries soufies se sont développées dans toute la région. Le soufisme est le penchant mystique de l’islam, souvent méconnu en France. Les soufis cherchent l’accès direct à la divinité d’Allah à travers des pratiques particulières dont le dhikr (répétition du nom de Dieu), la musique et la danse parfois, et la méditation. Ils s’appuient sur une théorie des hommes et du divin développée par les théologiens soufis au cours des siècles. Les confréries soufies sont nombreuses, et constituent toujours une réelle influence dans certains pays, notamment en Egypte.
Cette richesse cultuelle s’exprime par la présence de nombreux lieux saints et sanctuaires musulmans, chrétiens et juifs. Au-delà des villes saintes de Jérusalem, de Médine et de La Mecque, diverses villes attirent chaque année des milliers de pèlerins. Les sunnites les plus rigoristes interdisent le culte des saints. La mosquée n’est pas sacralisée comme l’est l’église. Les chiites toutefois célèbrent de nombreux saints, et la plupart des sunnites ressentent le besoin de « localiser le sacré, de l’inscrire dans l’espace, au travers de rites », selon les propos de Dominique Logna-Prat et de Gilles Veinstein, qui poursuivent : « Il existe ainsi des lieux [de culte des saints], généralement des sépultures, dotées de mausolées, et, le cas échéant, d’un complexe de bâtiments, dont des mosquées, que sanctifie la présence des restes d’un saint et à travers lesquels se diffuse sa baraka » (6) (Influence bénéfique qu’exercent certains personnages révérés de l’islam, ou certains objets sacrés, Larousse). Ces lieux saints et sanctuaires constituent des éléments centraux de la vie du musulman et les plus importants d’entre eux nécessitent d’apparaître sur une carte générale des religions de l’Afrique du Nord et du Moyen-Orient, puisqu’ils génèrent d’importants flux de population.
Lire sur Les clés du Moyen-Orient :
Notes :
(1) DUPONT Anne-Laure, Atlas de l’islam. Lieux, pratiques et idéologie, Autrement, 2014, Paris.
(2) Ibid.
(3) Revue Moyen-Orient n°23, “Bilan géostratégique 2014”, Juillet-Septembre 2014, Paris
(4) http://www.lemonde.fr/societe/article/2012/12/18/les-chretiens-sont-le-premier-groupe-religieux-au-monde_1807767_3224.html#VTY0lHpcA3iuy91U.99
(5) LORIEUX Claude, Chrétiens d’Orient en terres d’Islam, Perrin, 2001, Paris.
(6) « Lieux de culte, lieux saints dans le judaïsme, le christianisme et l’islam : Présentation ».
Bibliographie :
- DUPONT Anne-Laure, Atlas de l’islam. Lieux, pratiques et idéologie, Autrement, 2014, Paris.
- HOURANI Albert, Histoire des peuples arabes, Seuil, 1991 (traduction française en 1993), Londres.
- HANIF, N, Biographical Encyclopaedia of Sufis : Central Asia and Middle East, Sarup & Sons, 2002.
- SELLIER André, SELLIER Jean, Atlas des peuples d’orient. Moyen-Orient, Caucase, Asie centrale, La Découverte, 2002, Paris.
- Revue Moyen-Orient n°23, “Bilan géostratégique 2014”, Juillet-Septembre 2014, Paris.
- BALANCHE Fabrice, Atlas du Proche-Orient arabe, PUPS/RFI, 2012.
- LORIEUX Claude, Chrétiens d’Orient en terres d’Islam, Perrin, 2001, Paris.
Sitographie :

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CARTOGRAPHIE DES RELIGIONS (2) – LE PROCHE-ORIENT 
ARTICLE PUBLIÉ LE 19/12/2016

Par Oriane Huchon

Comment se présente l’implantation des communautés religieuses majoritaires et des minorités confessionnelles sur un territoire ? Cette question est particulièrement importante pour le Proche-Orient, qui a toujours été un lieu de cohabitation entre de nombreuses confessions.
La cartographie des religions n’est jamais aisée car elle se fonde sur des estimations. Dans de nombreux pays, les recensements par confession religieuse n’existent pas. Par exemple au Liban, Etat multiconfessionnel par excellence, le dernier recensement date des années 1930, sous le mandat français, et le mot même de recensement est devenu presque tabou (1). Il s’agit donc pour le géographe ou l’historien d’établir des estimations les plus justes possibles entre les chiffres avancés par les communautés religieuses, souvent exagérés ou minimisés selon leur intérêt du moment, et les chiffres officiels quand ils existent. D’ailleurs, les sources n’avancent pas toutes les mêmes statistiques.
Le tableau suivant rend compte de la diversité religieuse du Proche-Orient :
PaysPopulation totale (en millions)% de musulmans dans la population
Irak32,597% (dont chiisme 65%, sunnisme 35%)
Israël818% (judaïsme 75%, autres 7%)
Jordanie892% (christianisme 6%)
Syrie2298% (dont alaouite 10%, druze 3%, chiite 2% ; christianisme 5%)
Territoires palestiniens5Cisjordanie : 75% (judaïsme 17%), Bande de Gaza : 99%
Source : Revue Moyen-Orient, “Bilan géostratégique 2014”, Juillet-Septembre 2014, Paris
Les musulmans
Les musulmans sunnites sont majoritaires au Proche-Orient. Dans la Bande de Gaza par exemple, ils représentent plus de 99% de la population. Mais ils ne sont pas majoritaires dans tous les Etats : 27% au Liban et 18% en Israël.
Le chiisme est très implanté dans certains Etats du Proche-Orient. Une forte communauté chiite est ainsi présente en Irak (65% de la population), au Koweït (30%) et au Liban (27%). A titre indicatif, en Iran, le chiisme est religion d’Etat et est pratiqué par 80 à 90% de la population. L’Iran sera traitée dans un prochain article des Clés du Moyen-Orient. D’importants lieux saints chiites se trouvent en Irak (Samarra, Khadimeyn Kerbala, Nadjaf) et en Syrie (Damas).
Au Proche-Orient subsistent d’anciennes sectes attachées à l’islam : les Druzes (2), les Alaouites (3) ou les Yézidis (4). Il y aurait 900 000 Druzes répartis entre le Liban, la Syrie et la Galilée ; environ 2 300 000 Alaouites en Syrie (soit 10% de la population syrienne) ; 700 000 Yézidis entre le nord de la Turquie, la Syrie et l’Irak.
Il est parfois difficile de distinguer la frontière entre communauté religieuse et peuple à part entière, comme par exemple dans le cas des Druzes et des Yézidis qui ont perpétué des traditions culturelles et cultuelles propres et vivent relativement reclus sur eux-mêmes.
Enfin, il faut noter la présence de 30 à 40 millions de Kurdes répartis entre l’est de la Turquie et le nord de la Syrie, de l’Irak et de l’Iran. Les Kurdes, s’ils ne sont pas liés par une unité religieuse, partagent le statut de minorité et jouent actuellement un rôle actif de protection des Yézidis et des chrétiens face à l’organisation de l’Etat islamique (OEI).
Les juifs
Depuis la création de l’Etat d’Israël en 1948, les communautés juives ancestrales en pays musulmans ont presque toutes disparues. Les juifs vivent désormais majoritairement en Israël, où ils représentent 75% de la population, ou dans les pays occidentaux.
Les chrétiens
Selon Claude Lorieux (5), les chrétiens en terres musulmanes étaient en 2000 entre 10 000 000 et 16 000 000, dont :
Irak : entre 600 000 et 1 000 000
Syrie : entre 950 000 et 1 300 000
Liban : entre 1 300 000 et 1 500 000
Israël : entre 105 000 et 120 000
Territoires palestiniens : 60 000 à 80 000
Jordanie : 140 000 à 160 000
(A titre indicatif, Iran : 120 000 à 130 000 ; Turquie : entre 100 000 et 130 000)
A l’exception de certaines zones au Liban, à l’instar du Mont Liban qui est majoritairement peuplé de maronites, les chrétiens sont minoritaires au Proche-Orient. Il existe une grande diversité d’Eglises différentes : géorgiens, maronites, catholiques, orthodoxes, assyriens, chaldéens, etc. Et autant de traditions culturelles et cultuelles différentes. Les chrétiens d’Orient n’ont pas le même statut dans tous les pays, et connaissent aujourd’hui des persécutions.
La question des tensions interconfessionnelles n’est pas nouvelle. Sous l’Empire ottoman déjà, les minorités étaient persécutées, qu’il s’agisse des Yézidis, des Kurdes, des Arméniens… Un changement s’est toutefois opéré ces dernières années. Depuis les années 1990 et particulièrement depuis l’émergence de l’OEI, les persécutions de plus en plus violentes contre les chrétiens d’Orient, particulièrement en Irak et en Syrie, poussent ceux-ci à l’exil (6). Une partie de ces chrétiens demeure cependant au Proche-Orient, et s’est réfugiée dans le Kurdistan autonome irakien, en Jordanie, en Turquie ou au Liban. Mais ils sont de plus en plus nombreux à quitter la région pour se rendre dans les pays occidentaux. Ainsi, si le berceau de la chrétienté assyro-chaldéenne se trouve dans le nord de l’Irak dans la région de Mossoul, peu de chrétiens sont restés dans cette région, forcés à l’exil de masse depuis 2014. L’OEI est également responsable du massacre et de l’exil des Yézidis (7). Reste à savoir si ces communautés exilées reviendront un jour. Il est possible que, dans quelques années, la carte des religions au Proche-Orient soit sensiblement modifiée, notamment en Irak et en Syrie.
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Bibliographie :
- DUPONT Anne-Laure, Atlas de l’islam. Lieux, pratiques et idéologie, Autrement, 2014, Paris.
- Revue Moyen-Orient n°23, “Bilan géostratégique 2014”, Juillet-Septembre 2014, Paris.
- SELLIER André, SELLIER Jean, Atlas des peuples d’Orient. Moyen-Orient, Caucase, Asie centrale, La Découverte, 2002, Paris.
- LORIEUX Claude, Chrétiens d’Orient en terres d’Islam, Perrin, 2001, Paris.
BALANCHE Fabrice, Atlas du Proche-Orient Arabe, PUPS/RFI, 2012.

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